L’Agence européenne de sécurité alimentaire, l’EFSA, chargée de l’évaluation des risques et de l’autorisation des matières actives des pesticides, a publié un rapport sur l’exposition aux pesticides et ses effets sanitaires. Basé sur 602 études parues depuis 2006, ce rapport n’indique avoir identifié que deux pathologies, dont le risque de survenue était statistiquement associé à l’exposition aux pesticides : les leucémies infantiles et la maladie de Parkinson. Pour les autres des 24 pathologies étudiées, pas de conclusion possible selon les auteurs ! A noter que ce rapport n’est pas un rapport de membres de panel d’experts de l’EFSA, mais un rapport réalisé par des chercheurs de l’Université de Ioannina en Grèce, répondant à une question posée par l’Agence. Peut-on être étonné par une telle différence d’appréciation ? Pas vraiment, et ceci, pour plusieurs raisons. D’abord, l’EFSA est l’Agence européenne chargée d’évaluer les risques posés par différentes substances, dont les matières actives des pesticides. Il eut été très surprenant de voir l’EFSA reconnaître facilement que les pesticides qu’elle autorise depuis des années… constituent en fait un risque pour la santé humaine, sauf à reconnaître la faiblesse de l’évaluation des risques mise en œuvre à l’EFSA ! Ensuite, l’EFSA s’est distinguée ces dernières années par une série de scandales mettant en évidence une mauvaise gestion des conflits d’intérêts, et s’est fait épingler pour cela il y a un an par la Cour des comptes européenne. Toutes les garanties d’indépendance de l’agence ne semblent donc pas fournies. Mais aussi, l’EFSA s’est caractérisée ces dernières années par une lecture très restrictive de la science, comme dans le cas du bisphénol A où l’Agence se cramponne toujours à quelques études censées montrer la sûreté de cette substance, alors que les publications scientifiques validées montrent très majoritairement que le BPA est dangereux pour l’Homme ! Enfin, la méthode employée dans le rapport publié par l’EFSA ne peut… que déboucher sur une grande incertitude, car elle efface la plupart des risques sanitaires pourtant mis en évidence par de très nombreuses études. Comment ? Rien de plus simple, vous prenez les quelques études sélectionnées consacrées à étudier un éventuel lien entre les pesticides et une pathologie, disons, les leucémies. Chaque étude montre un «risque relatif» ou OR (odd ratio) plus ou moins élevé de développer une leucémie chez les personnes exposées à des pesticides par rapport à une population témoin non exposée. Un OR de 1 montre une absence de risque supplémentaire pour la population exposée par rapport à la population non exposée. Dans le cas de la leucémie, six études ont été retenues par le rapport de l’EFSA avec des OR de 0.9 ou 1 pour trois d’entre elles (absence supposée de risque), mais aussi d’autres avec des OR de 1.76, 1.52, 2.80, montrant un excès de risque important chez les personnes exposées. Le tour de passe-passe consiste à «pooler» tous ces résultats pour calculer un OR global pour ces 6 études qui est alors de 1.26, que les auteurs considèrent comme un risque non significatif… et le tour est joué !
(Source : Générations futures)
(Source : Générations futures)
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