Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Quelle est la meilleure manière d’enseigner à des élèves ?

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Quelle est la meilleure manière d’enseigner à des élèves ?

    En cette période de rentrée scolaire, j’ai décidé de vous parler de la science de l’enseignement, et de l’enseignement de la science ! Oh, rassurez-vous, je ne vais pas essayer d’expliquer aux enseignants comment ils doivent faire leur métier en général, mais plutôt parler d’un débat spécifique dont j’ignorais qu’il avait fait l’objet de nombreuses publications :
    les bénéfices de la pédagogie active.
    Dans ce billet, nous allons voir pourquoi il paraît évident que la pédagogie active est bien meilleure que les méthodes d’enseignement classiques, et pourquoi finalement ça n’est peut-être pas si sûr que ça !

    C’est vous le prof !

    Faisons une expérience de pensée : vous êtes prof de physique en collège. Vous devez enseigner à vos élèves la chute des corps, et notamment le fait que – dans le vide
    tous les corps tombent de la même manière, quelle que soit leur masse ou leur nature.


    On vous donne le choix entre deux méthodes :
    • Une méthode dite par instruction directe : vous faites prendre à vos élèves cahier et stylo, vous attrapez votre craie, et vous écrivez solennellement au tableau « Dans le vide, tous les corps tombent de manière identique avec une accélération égale à la celle de la pesanteur g = 9.8 m/s2 ». Vous répétez, vous encadrez en rouge et vous leur demandez d’apprendre bien ça par cœur.
    • Une méthode dite « active » : vous formez de petits groupes et demandez à vos élèves ce qu’ils pensent de la chute des corps. Puis vous leur faites faire des expériences de chute dans un tube dans lequel on peut faire le vide et lâcher des objets. Ils expérimentent avec divers objets (une plume, une pièce de monnaie) et chronomètrent les trajectoires dans le tube. Et ils arrivent eux-mêmes à la conclusion d’une chute identique avec une accélération constante, tout en étant marqués par le spectaculaire comportement de la plume tombant dans le vide



    Pour beaucoup, il est évident que la seconde méthode est bien meilleure pour l’apprentissage et la compréhension. D’ailleurs comme le disait Confucius (ça fait toujours classe de citer Confucius) :
    « J’entends, j’oublie.
    Je vois, je retiens.
    Je fais, je comprends. »

    Le constructivisme

    Ce que Confucius résume de manière limpide est devenu une théorie de la pédagogie, apparue au XXème siècle sous le terme de constructivisme. Son idée essentielle est que l’apprentissage est un processus actif :
    on retient et on comprend mieux le savoir que l’on a construit soi-même, que l’on a découvert, par opposition à celui que l’on a reçu « tout cuit ».
    Puisqu’on est dans les citations, Jean Piaget (ci-contre à côté de Confucius), un des pères fondateurs du constructivisme nous disait :
    « Chaque fois que l’on enseigne prématurément à un enfant quelque chose qu’il aurait pu découvrir par lui-même, on lui empêche de l’inventer et donc de le comprendre complètement »
    Si l’on suit l’idée constructiviste, il serait donc plus efficace d’apprendre (et donc d’enseigner) par des activités pratiques, des jeux et des échanges en groupe, que par un cours magistral, un livre ou une présentation.
    L’apprentissage par les problèmes

    A partir de l’idée de constructivisme, plusieurs variantes de pédagogie active ont été développées, mais elles tournent toutes plus ou moins autour des mêmes ingrédients que l’on retrouve dans ce qu’on a appelé « l’apprentissage par les problèmes » .
    L’idée est de partir d’un problème situé dans son contexte, et pas forcément « bien posé » (par exemple « A quelle vitesse tombent les objets ? »). Un travail en groupe permet d’analyser le problème, de mobiliser des connaissances antérieures et d’essayer de formuler des hypothèses et des stratégies pour le résoudre. Et c’est en résolvant le problème que l’on construit soi-même le savoir nouveau à acquérir.
    Bien sûr dans ce type de pédagogie, le rôle de l’enseignant change, puisqu’il n’est plus là pour délivrer le savoir, mais plutôt pour faciliter sa découverte par les élèves.
    L’apprentissage par les problèmes s’applique particulièrement bien à la science, comme dans l’exemple que je citais au début de ce billet. Via des travaux pratiques ou des projets scientifiques, les élèves peuvent construire eux-même les connaissances qu’ils doivent acquérir, et ce en reproduisant le chemin pris par des chercheurs professionnels pour réaliser leurs découvertes.
    (Soit dit en passant, j’ai souvent eu l’impression dans ma scolarité que les TP scientifiques – de la 2nde jusqu’à la fac – étaient plus proche de l’instruction directe que de la pédagogie active, avec des énoncés très dirigés du genre « Faites ci et observez ça », et laissant peu de place à l’exploration).
    La pédagogie active, est-ce que ça marche vraiment ?

    Selon les tenants de ce mode d’enseignement, les méthodes actives permettent d’améliorer la compréhension, la mémorisation et la capacité des élèves à résoudre des problèmes, mais aussi leur motivation à apprendre et à travailler en groupe. Bref, que du bon.
    Cela paraît limpide, et pourtant … cette croyance se base surtout sur l’intuition, mais assez peu sur des études approfondies ! Tout d’abord, il est évident que dans certains domaines, l’instruction directe est bien plus efficace que la méthode active. Je doute que vous ayez envie d’apprendre à conduire un avion à partir de rien, en explorant par vous même les différents commandes de l’appareil sans aucun guide !
    Mais même dans des domaines scientifiques, plusieurs études ont montré que l’instruction directe pouvait être plus efficace que les méthodes actives. En mathématiques, Sweller et Cooper ont constaté qu’un exercice explicitement traité et résolu par l’enseignant était mieux assimilé que le même exercice que les élèves devaient résoudre par eux-même. De même Clahr et Nigham ont vérifié que la qualité de la mémorisation et de la compréhension était identique, quel que soit le type de pédagogie suivi (active ou directe).
    Une théorie a été proposée pour expliquer pourquoi la méthode active n’est pas la panacée universelle.
    Elle se base sur l’idée de mémoire de travail .
    Nous savons que notre mémoire de travail a une capacité limitée (comme la RAM de votre ordinateur).
    Si un élève doit résoudre un problème très ouvert, il va saturer sa mémoire de travail pour essayer d’explorer l’espace des solutions, et n’en aura plus de disponible pour l’apprentissage et la mémorisation. Alors qu’avec l’instruction directe, toute la mémoire de travail est utilisée pour comprendre et apprendre.
    Dernière modification par katiaret, 27 octobre 2013, 21h51.
    dz(0000/1111)dz

  • #2
    La pédagogie, une arme à double tranchant

    Récemment, une expérience menée par des chercheurs de Harvard et du MIT sur des enfants de 4 à 6 ans a permis de confirmer les bienfaits de la pédagogie active [5], mais tout en rendant bien compte de ses limites.
    Chaque enfant se voyait présenter un jouet bizarre, dont vous avez une photo ci-contre. Il est possible de faire plein de choses avec ce jouet, mais seulement 4 actions spécifiques déclenchent une fonction intéressante (un son, de la lumière, de la musique…).
    Au départ on montre à l’enfant une seule de ces fonctions (le son), et on lui donne le jouet pour voir ce qu’il fait avec.

    Les chercheurs ont comparé plusieurs cas :
    • Cas « pédagogique » : On montre à l’enfant la fonction « son », puis on lui tend l’objet pour qu’il joue avec;
    • Cas « de base » : On ne montre rien à l’enfant (mais on lui donne le jouet quand même);
    • Cas « interrompu » : On montre la fonction « son », mais l’instructeur s’interrompt dans son explication, donne le jouet à l’enfant et s’en va en prétextant qu’il a oublié de faire quelque chose;
    • Cas « naïf » : L’instructeur tend l’objet à l’enfant, en activant « accidentellement » la fonction « son ».
    En observant combien de temps et de quelle manière les enfants jouaient avec l’objet, les chercheurs ont noté que les enfants du cas « pédagogique » jouent moins longtemps, explorent moins le jouet et découvrent moins de fonctions que celui du cas de base. Le fait de donner des instructions limite donc la capacité d’exploration des enfants.
    Plus intéressant : dans le cas « interrompu » et le cas « naïf », l’enfant explore également plus que dans le cas « pédagogique ». Comme s’il avait compris qu’il y avait peut être plus de choses à découvrir que ce que l’instructeur avait montré initialement.

    La conclusion des auteurs est que l’instruction directe par les adultes est donc une arme à double tranchant : d’un côté elle permet d’enseigner des choses explicites aux enfants, de l’autre elle limite leur capacité d’exploration. Il faut donc pouvoir adapter nos méthodes en fonction du contexte et des choses à enseigner, et savoir laisser aux enfants la bonne dose de liberté pour stimuler leur capacité d’exploration sans pour autant les noyer dans les possibilités.
    Enfin pour conclure sur la pédagogie active, il faut mentionner une de ses limitations évidentes : elle nécessite plus de ressources que l’instruction directe. Plus de matériel, plus de temps et aussi plus d’enseignants possédant des compétences spécifiques. Plus facile à dire qu’à faire !


    Références
    [1] Hmelo-Silver, Cindy E. « Problem-based learning: What and how do students learn?. » Educational Psychology Review 16.3 (2004): 235-266
    [2] Sweller, John, and Graham A. Cooper. « The use of worked examples as a substitute for problem solving in learning algebra. » Cognition and Instruction 2.1 (1985): 59-89.
    [3] Klahr, David, and Milena Nigam. « The equivalence of learning paths in early science instruction effects of direct instruction and discovery learning. » Psychological Science 15.10 (2004): 661-667.
    [4] Kirschner, Paul A., John Sweller, and Richard E. Clark. « Why minimal guidance during instruction does not work: An analysis of the failure of constructivist, discovery, problem-based, experiential, and inquiry-based teaching. » Educational psychologist 41.2 (2006): 75-86.
    [5] Bonawitz, Elizabeth, et al. « The double-edged sword of pedagogy: Instruction limits spontaneous exploration and discovery. » Cognition 120.3 (2011): 322-330. Voir également MIT News
    Science étonnante
    dz(0000/1111)dz

    Commentaire

    Chargement...
    X