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slimane chabi

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    Rencontre avec Slimane Chabi
    Slimane Chabi a l’air de prendre de l’âge. Il se fait même un peu plus vieux qu’il ne devrait l’être.
    mardi 5 avril 2005. Son crâne fortement dégarni lui joue sans doute un vilain tour... Car, mis à part ce détail apparent, l’homme blague toujours. Parfois même comme un petit môme. Pas loin dans le temps, il a osé un album qu’il a intitulé "l’âne, le meilleur transport public d’Afrique." Pour lui, la chanson satirique, c’est sa manière de se prendre au sérieux. Et ce n’est pas bête...
    Le bonhomme a de l’humour, et du charme. Un charme particulier à lui. Il séduit large. Rarement qu’il laisse son entourage indifférent. Il a surtout le contact facile, et une irrésistible force à tirer un rire au plus réservé. Ça coule de source chez lui. Et pourtant, il ne dit rien d’extraordinaire. Il ne relate que ce qu’il voit, ce qu’il entend, bref ce qu’il vit. Mais il a sa manière à lui de dire...de tout dire avec dérision.
    Et c’est ce qui a fait de lui ce qu’il est. On ne s’en lasse pas en sa compagnie. On l’a presque kidnappé lundi dernier sur le trottoir du boulevard des Douze salopards à la Nouvelle ville de Tizi-Ouzou à ses amis. Mais il est monté avec le sourire dans la voiture. Direction notre bureau régional dans cette ville pour un petit chat intime. En route déjà, le ton est donné. L’homme se lâche presque instantanément. Le spectacle sur les trottoirs l’inspire : "Les filles se serrent dans leurs pantalons moulés, les jeunes serrent à droite..." C’est son commentaire sur l’Algérie de 2005. No comment ! Lorsqu’il se prend au sérieux dans les locaux du journal, il n’est pas moins drôle : "Mon vrais nom est en fait...Chabi Slimane." Il est né en 1945 à Tissemsilt. Son père, commerçant dans le textile, était établit, à cette époque là, là bas. J’ai été à l’école jusqu’à la sixième. A onze j’ai dit bye bye à la craie." Et commence alors la galère pour le jeune enfant qu’il était. Il suivra d’abord son frère aîné à K’seur Chellala dans la wilaya de Médéa dans le temps.
    Il tente de se relancer à nouveau dans une école de la ville mais il fera vite de tout claquer encore une fois après l’emprisonnement de son père, et de son frère. A l’indépendance, il se retrouvera "le dernier de mes frères. Ils se sont tous débrouillé : l’un est passé secrétaire général de mairie, un autre enseignant, et le vieux a tout vendu pour rentrer en Kabylie, et se remarier. Moi j’ai déserté pour m’installer à Alger, près de la Radio. Je voulais devenir chanteur, et je suis passé maître dans la géographie algéroise. Je connais les quartiers un par un puisque j’en ai fait le tour. Il n’y a pas un douar ou je n’ai pas passé la nuit au moins une fois. J’étais un vrai SDF à l’âge de quinze ans déjà, et ça a duré...six ans." Ya Boureb !
    A ce moment-là, à défaut de chanter à la radio, il le faisait, en solo, au clair de la lune. Son premier disc "Mademoiselle" enregistré en arabe, en 1965, est passé inaperçu, complètement raté quoi. En 1968, il se fera embaucher enfin comme couturier chez une connaissance, et se marie. Sans pour autant se défaire de son rêve de devenir chanteur, il y restera dans le domaine jusqu’au mois d’août 1969. Le temps de mettre un peu d’ordre dans sa tête, quelques sous dans les poches, et un fœtus de six mois en route, avant de traverser la Méditerranée. A Paris, "j’étais comme tous les émigrés, j’ai bossé dans tout, j’ai travaillé comme manutentionnaire, préparateur de commande dans une usine de boulonnerie, j’ai vendu dans une alimentation générale, il y’avait tout ce qui se bouffe, j’ai fait aussi barman, puis j’ai pris mon propre bar au 20ème arrondissement en 1975." Auparavant, en 1970, à peine une année après son débarquement, il commettait son second disque, "Ifeka E raï I Madame, Nek Dheouliw Nemkhassam”. Ça était un grand succès, complètement autre chose que le premier. Alors, ça m’a incité à en faire un autre, “Thoura Dhessah Therwi”, en 1971, puis un autre, une année après, “Thaqssit Boumechich”, puis trois autres, “Ya Hmadache”, “Raïw”, et “L’Oualdin en 1973”. Dans la même année j’ai aussi sorti deux tubes en arabe. Je pense que j’ai fait plusieurs sauces, et beaucoup ont fini par céder à la tentation de goûter. Et de là je suis rentré en Algérie pour les enregistrer ici. Je l’ai fait grâce à Kamel Hamadi, et Ben Mohammed. C’est Mohia qui m’avait recommandé d’aller voir Ben Mohammed, c’était son ami, et le seul qui avait osé, à l’époque, passer Thaqssit Boumechich à la radio." Mohia, le nom est lâché. Forcément, Slimane a à dire sur ce personnage dont tout le monde en parle encore. Il s’attarde alors pour narrer sa rencontre avec la légende. "Je l’ai beaucoup fréquenté. Je l’ai rencontré pour la première fois en 1972, c’était juste au moment ou il débarquait en France car si je ne me trompe pas si en cette année-là qu’il est venu là bas. Il était alors étudiant, et il venait au 3e arrondissement, dans un bistro ou nous autres artistes se produisaient. Il se tenait dans un coin en retrait de tous, et suivait tout sans broncher.
    Quelques six mois après il distribuait des tracts, une sorte de bulletins qui traitaient des droits des travailleurs écrits en Tamazight, il faisait tous les cafés de Paris. C’était un vrai communiste. Après il avait monté une revue, je me souviens qu’il avait même inséré, dans un numéro, un article sur le disque Thoura Dhessah Tharwi. Le disque parle, en fait, des gens qui tenaient les bars, qui exploitaient leurs frères émigrés." En France Chabi a eu aussi à approcher, et à fréquenter les Yahiaten, Sadaoui, Taleb Rabah, Slimane Azem... Tiens si ce n’était pas Slimane, je pense que je n’aurais peut-être jamais songé à chanter. J’ai subi une grande influence de D’da Slimane depuis mon enfance déjà."
    De confidence en confidence, Chabi avoue qu’à son débarquement à Paris, il n’a pas cherché à travailler autant qu’il a cherché à rencontrer Slimane Azem. Il se souvient aujourd’hui encore de ce beau jour où un ami lui a enfin indiqué dans quel café Azem chantait au 11ème arrondissement. "J’y été tout de suite. Cela remonte à 1971. Dès mon entrée dans la cafétéria, je l’ai surpris chanter Midemekthigh Ouahdhi Latrough, j’ai tout de suite versé des larmes, eh oui, il m’a eu en plein dans le mile. A la fin de la chanson j’ai été le voir, et lui demander si je pouvais l’embrasser, enfin lui faire la bise fraternelle, entre homme quoi”. On a tout de suite sympathisé, et une forte amitié a pris dès le premier coup. J’avais déjà une grande admiration pour lui, et il s’est montré vraiment courtois. Ma deuxième rencontre avec lui s’est faite le lendemain. On avait déjeuné ensemble. Il était avec Hamid Aouadhi, leurs femmes étaient aussi là. C’était le bonheur pour moi. Voilà. Et tout s’est enclenché par la suite. On a beaucoup partagé ensemble. Yahiaten, et Sadaoui avaient leurs cafés, alors on allait là bas pour se retrouver. Slimane était à Toulouse mais il venait souvent à Paris faire des tournées. Il y’avait aussi Mouhoub Ali, et d’autres encore." Pendant ces temps, Chabi faisait des allers, et retours entre Alger et Paris jusqu’en 1975, année ou il a claqué toutes ses économies.
    Il avait tout misé dans un bar qu’il a pris en associé. Il fera faillite au bout de quelques mois, et décide alors rentrer à Larbaâ N’Ath Ouacif. De retour en Algérie, "J’ai arrêté de chanter car j’ai eu des problèmes à la radio”. On m’a interdit d’enregistrer par ce qu’ils trouvaient que je m’inspirais de Slimane Azem." Il intégrera une coopérative d’agriculteurs, "c’était l’époque de la réforme agraire. Je n’avais pas de cyber mais j’ai pu remplir un poulailler." Il tente alors de se reprendre avec les poules, et les centimes de chez nous, mais ça ne sera pas assez pour achever la petite construction qu’il avait entamé. D’où l’idée de repartir en France sept ans après avec en tête une seule préoccupation : Ne pas revenir bredouille encore une fois.
    Il repart alors pour vendre sa résidence, et faire son déménagement pour un autre : Ramener un fourgon, une voiture, et un fusil de chasse en son nom pour "un client" contre 2 millions de centimes. A l’époque c’était une belle somme. "Je suis parti juste pour ça. Je ne pouvais pas risquer de tarder plus. Je me souviens, la première fois que je suis parti en 1969, à mon retour en 1973, mon fils m’appelait Moumouche ! C’est normal il croyait que j’étais un étranger, je l’avais laissé à six mois dans le ventre de sa mère."
    En 1982, il tentera de reprendre le chant avec un nouvel album, au nom de sa fille, Zourgouma qui s’avérera "un fiasco. Pour le prix que m’avait donné l’éditeur j’ai introduis juste trois nouvelles chansons les trois autres c’étaient des reprises, et ça n’a pas marché." Depuis, Chabi se consacre plus à son nouveau métier de fellah.
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