Mouâd Salhi
Investig'Action est allé à la rencontre de l'universitaire Salim Lamrani, spécialiste de Cuba pour la sortie de son nouvel ouvrage. Après « Cuba, ce que les médias ne vous diront jamais » et « État de siège, les sanctions économiques des États-Unis contre Cuba », il ressurgit au devant de la scène avec « Cuba : Les médias face au défi de l'impartialité ». Lors de cet entretien, il revient entre autres sur la « mission » de certains médias dans la diabolisation de Cuba, sur la blogueuse Yoani Sànchez ainsi que sur le système social de l'île.
Salim Lamrani est enseignant, chargé de cours aux universités Paris-Descartes et Paris-Est Marne-la-Vallée.
Les médias présentent Cuba comme un pays liberticide avec un système politique et économique archaïque. Comment analysez-vous cela ?
Les médias présentent une image caricaturale de Cuba et de ses dirigeants. Un abîme sépare les clichés primaires au sujet de ce pays de la réalité complexe de l’île. C’est d’ailleurs l’objet de mon dernier ouvrage intitulé Cuba. Les médias face au défi de l’impartialité. Les grands médias, qui appartiennent à d’importants conglomérats économiques et financiers dont le but est de préserver l’ordre politique, économique et social établi, sont incapables de neutralité ou d’objectivité vis-à-vis de Cuba, un pays qui remet en cause l’idéologie dominante, qui rejette l’accumulation au profit du partage, qui choisit la solidarité au lieu de l’égoïsme, qui préconise le collectif au détriment de l’individualisme et qui place l’humain au centre de son projet de société et non pas les intérêts des puissances d’argent.
Il est donc naturel que les défenseurs de l’ordre établi s’attaquent de la manière la plus féroce à Cuba, la stigmatisent, la vilipendent et la calomnient, tout en interdisant tout débat critique ou toute pluralité d’idées. La censure est extrêmement sévère en Occident dès lors qu’il s’agit de présenter un point de vue alternatif sur la Révolution cubaine qui entrerait en contradiction avec la pensée unique. Ici, le dogmatisme le plus absurde remplace les arguments. Il est en effet extrêmement aisé d’illustrer à quel point l’image de Cuba véhiculée par les médias est fausse, et j’espère en avoir fait la démonstration dans mon livre.
On vilipende tant Cuba car ce pays, malgré ses difficultés, ses contradictions, ses erreurs et ses vicissitudes, a valeur d’exemple. Il est la preuve qu’une société alternative basée sur le partage, la solidarité, l’altruisme, la culture, l’éducation, la santé, est possible et viable. Cuba est un antidote contre la résignation des peuples. Pourtant, Cuba dispose de ressources naturelles extrêmement limitées et est victime de sanctions économiques très sévères de la part des Etats-Unis depuis plus d’un demi-siècle. Malgré cela, la Révolution cubaine est l'illustration parfaite que l’Humanité n’est pas condamnée à l’humiliation et affirme haut et fort que la plèbe, les écrasés, les sans-grades – la cariatide, comme disait Victor Hugo – ont droit à une existence décente. Cuba revendique la dignité pour « les gueux, les peu, les rien, les chiens, les nègres et les maigres », pour paraphraser le magnifique poème de Léon Gontran-Damas.
Fidel Castro est-il un dictateur comme l’affirment certains médias ?
Les médias, en raison de leurs préjugés idéologiques et leur mépris à peine dissimulé pour les peuples du Sud, sont incapables de comprendre l’importance historique de Fidel Castro pour Cuba, l’Amérique latine et le Tiers-Monde. Depuis José Martí, le héros national cubain, aucun autre personnage n’a symbolisé avec autant de force les aspirations du peuple cubain à la souveraineté nationale, à l’indépendance économique et à la justice sociale comme Fidel Castro. C’est un discours qui peut surprendre en Occident en raison de la campagne de dénigrement systématique qui sévit dans les médias. Pourtant, c’est la vérité, même s’il en coûte aux zélateurs de l’idéologie dominante, souvent empêtrés dans leur culture coloniale et leur complexe de supériorité, de l’admettre.
La figure de Fidel Castro est un symbole de fierté, de dignité, de résistance et de loyauté aux principes pas seulement à Cuba, mais également dans toute l’Amérique latine et dans le Tiers-monde, car le leader historique de la Révolution cubaine –malgré toutes les horreurs qui se disent à son sujet – a pris les armes en faveur des opprimés et a revendiqué leurs droits à une vie décente. Il a renoncé à tous ses privilèges de classe – car il convient de rappeler que sa famille était l’une des plus riches de Cuba – pour défendre les sans-voix, abandonnés à leur sort et ignorés par les possédants.
Fidel Castro dispose d’une légitimité historique. Il a lutté contre la sanglante dictature de Fulgencio Batista les armes à la main lors de l’attaque de la caserne Moncada en 1953 et lors de l’insurrection dans la Sierra Maestra. Il a triomphé contre des forces supérieures en nombre et soutenues par les Etats-Unis. Dans un contexte d’une hostilité extrême, il a réalisé le rêve de José Martí d’une Cuba indépendante et souveraine. Il a édifié la société la moins injuste du monde, même si elle reste imparfaite comme toute œuvre humaine. Il a osé affirmer que le bonheur n’avait de sens que s’il était partagé par la majorité. C’est pour ces raisons que sa figure suscite respect et admiration à travers la planète. Cela est impardonnable pour ceux qui se considèrent comme les maîtres du monde.
Quoi qu’on puisse penser du système électoral cubain, Fidel Castro a été élu de 1976 à 2006. Avant cette date, il n’était que simple Premier Ministre et non pas Président. Aucun dirigeant ne peut rester à la tête d’un pays pendant trente ans, dans un contexte de guerre larvée avec les Etats-Unis, sans un soutien majoritaire du peuple. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de secteurs insatisfaits, critiques et déçus. Mais l’immense majorité des Cubains ont un grand respect pour Fidel Castro. D’ailleurs, les documents de l’ambassade des Etats-Unis à Cuba, révélés par Wikileaks, attestent de la popularité incontestable du leader de la Révolution auprès des Cubains. On a trop tendance à oublier cette réalité ou à faire semblant de ne pas la voir.
A-t-il commis des erreurs ? Bien entendu ! Que celui qui n’a jamais pêché jette la première pierre ! La Révolution cubaine est l’œuvre de femmes et d’hommes. Elle est donc par définition imparfaite. Les Cubains ont toutes les vertus et les défauts de la condition humaine. Mais ils n’ont jamais eu la prétention de s’ériger en exemple.
Investig'Action est allé à la rencontre de l'universitaire Salim Lamrani, spécialiste de Cuba pour la sortie de son nouvel ouvrage. Après « Cuba, ce que les médias ne vous diront jamais » et « État de siège, les sanctions économiques des États-Unis contre Cuba », il ressurgit au devant de la scène avec « Cuba : Les médias face au défi de l'impartialité ». Lors de cet entretien, il revient entre autres sur la « mission » de certains médias dans la diabolisation de Cuba, sur la blogueuse Yoani Sànchez ainsi que sur le système social de l'île.
Salim Lamrani est enseignant, chargé de cours aux universités Paris-Descartes et Paris-Est Marne-la-Vallée.
Les médias présentent Cuba comme un pays liberticide avec un système politique et économique archaïque. Comment analysez-vous cela ?
Les médias présentent une image caricaturale de Cuba et de ses dirigeants. Un abîme sépare les clichés primaires au sujet de ce pays de la réalité complexe de l’île. C’est d’ailleurs l’objet de mon dernier ouvrage intitulé Cuba. Les médias face au défi de l’impartialité. Les grands médias, qui appartiennent à d’importants conglomérats économiques et financiers dont le but est de préserver l’ordre politique, économique et social établi, sont incapables de neutralité ou d’objectivité vis-à-vis de Cuba, un pays qui remet en cause l’idéologie dominante, qui rejette l’accumulation au profit du partage, qui choisit la solidarité au lieu de l’égoïsme, qui préconise le collectif au détriment de l’individualisme et qui place l’humain au centre de son projet de société et non pas les intérêts des puissances d’argent.
Il est donc naturel que les défenseurs de l’ordre établi s’attaquent de la manière la plus féroce à Cuba, la stigmatisent, la vilipendent et la calomnient, tout en interdisant tout débat critique ou toute pluralité d’idées. La censure est extrêmement sévère en Occident dès lors qu’il s’agit de présenter un point de vue alternatif sur la Révolution cubaine qui entrerait en contradiction avec la pensée unique. Ici, le dogmatisme le plus absurde remplace les arguments. Il est en effet extrêmement aisé d’illustrer à quel point l’image de Cuba véhiculée par les médias est fausse, et j’espère en avoir fait la démonstration dans mon livre.
On vilipende tant Cuba car ce pays, malgré ses difficultés, ses contradictions, ses erreurs et ses vicissitudes, a valeur d’exemple. Il est la preuve qu’une société alternative basée sur le partage, la solidarité, l’altruisme, la culture, l’éducation, la santé, est possible et viable. Cuba est un antidote contre la résignation des peuples. Pourtant, Cuba dispose de ressources naturelles extrêmement limitées et est victime de sanctions économiques très sévères de la part des Etats-Unis depuis plus d’un demi-siècle. Malgré cela, la Révolution cubaine est l'illustration parfaite que l’Humanité n’est pas condamnée à l’humiliation et affirme haut et fort que la plèbe, les écrasés, les sans-grades – la cariatide, comme disait Victor Hugo – ont droit à une existence décente. Cuba revendique la dignité pour « les gueux, les peu, les rien, les chiens, les nègres et les maigres », pour paraphraser le magnifique poème de Léon Gontran-Damas.
Fidel Castro est-il un dictateur comme l’affirment certains médias ?
Les médias, en raison de leurs préjugés idéologiques et leur mépris à peine dissimulé pour les peuples du Sud, sont incapables de comprendre l’importance historique de Fidel Castro pour Cuba, l’Amérique latine et le Tiers-Monde. Depuis José Martí, le héros national cubain, aucun autre personnage n’a symbolisé avec autant de force les aspirations du peuple cubain à la souveraineté nationale, à l’indépendance économique et à la justice sociale comme Fidel Castro. C’est un discours qui peut surprendre en Occident en raison de la campagne de dénigrement systématique qui sévit dans les médias. Pourtant, c’est la vérité, même s’il en coûte aux zélateurs de l’idéologie dominante, souvent empêtrés dans leur culture coloniale et leur complexe de supériorité, de l’admettre.
La figure de Fidel Castro est un symbole de fierté, de dignité, de résistance et de loyauté aux principes pas seulement à Cuba, mais également dans toute l’Amérique latine et dans le Tiers-monde, car le leader historique de la Révolution cubaine –malgré toutes les horreurs qui se disent à son sujet – a pris les armes en faveur des opprimés et a revendiqué leurs droits à une vie décente. Il a renoncé à tous ses privilèges de classe – car il convient de rappeler que sa famille était l’une des plus riches de Cuba – pour défendre les sans-voix, abandonnés à leur sort et ignorés par les possédants.
Fidel Castro dispose d’une légitimité historique. Il a lutté contre la sanglante dictature de Fulgencio Batista les armes à la main lors de l’attaque de la caserne Moncada en 1953 et lors de l’insurrection dans la Sierra Maestra. Il a triomphé contre des forces supérieures en nombre et soutenues par les Etats-Unis. Dans un contexte d’une hostilité extrême, il a réalisé le rêve de José Martí d’une Cuba indépendante et souveraine. Il a édifié la société la moins injuste du monde, même si elle reste imparfaite comme toute œuvre humaine. Il a osé affirmer que le bonheur n’avait de sens que s’il était partagé par la majorité. C’est pour ces raisons que sa figure suscite respect et admiration à travers la planète. Cela est impardonnable pour ceux qui se considèrent comme les maîtres du monde.
Quoi qu’on puisse penser du système électoral cubain, Fidel Castro a été élu de 1976 à 2006. Avant cette date, il n’était que simple Premier Ministre et non pas Président. Aucun dirigeant ne peut rester à la tête d’un pays pendant trente ans, dans un contexte de guerre larvée avec les Etats-Unis, sans un soutien majoritaire du peuple. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de secteurs insatisfaits, critiques et déçus. Mais l’immense majorité des Cubains ont un grand respect pour Fidel Castro. D’ailleurs, les documents de l’ambassade des Etats-Unis à Cuba, révélés par Wikileaks, attestent de la popularité incontestable du leader de la Révolution auprès des Cubains. On a trop tendance à oublier cette réalité ou à faire semblant de ne pas la voir.
A-t-il commis des erreurs ? Bien entendu ! Que celui qui n’a jamais pêché jette la première pierre ! La Révolution cubaine est l’œuvre de femmes et d’hommes. Elle est donc par définition imparfaite. Les Cubains ont toutes les vertus et les défauts de la condition humaine. Mais ils n’ont jamais eu la prétention de s’ériger en exemple.
Commentaire