Un début de débat sur la situation économique et financière du pays a été entamé à l’occasion des augmentations de salaires décidées par les pouvoirs publics au début de l’été. Il portait essentiellement sur la question de savoir, si oui ou non, une importante inflation allait être la conséquence de ces augmentations de salaires sans contrepartie productive.
Puis ce fut la canicule et son silence. Mais avec la rentrée sociale, le débat sur la situation économique et financière est relancé notamment avec, entre autres excellentes contributions, celle du Dr Ahmed Benbitour, ancien chef du gouvernement. Mais à lire ces contributions, le lecteur que je suis est resté sur sa faim. En effet, le diagnostic est précis, sans complaisance. Le classement de notre pays auquel il est fait référence est sans équivoque (voir El Watan du 07/09/2006). Mais les citoyens que nous sommes avons besoin de savoir si notre pays peut s’en sortir et comment. De même, les décideurs politiques ont besoin de puiser dans un tel débat, des idées concrètes, des mesures pratiques à mettre immédiatement en oeuvre pour améliorer la situation. Ma contribution d’aujourd’hui et animée par ce souci: puiser dans mon expérience sur le terrain et proposer des mesures concrètes propres à aider au redressement de la situation.
Mais avant cela, quelques mots sur l’aisance financière actuelle du pays qui suscite tant de controverses.
A propos de l’aisance financière du pays
Beaucoup a été dit sur le risque de voir les prix du pétrole chuter brutalement, avec les conséquences désastreuses que l’on imagine aisément quand on sait qu’en 2005 l’économie algérienne a tiré 98.3% de ses recettes de la vente des hydrocarbures.
A notre avis, un tel scénario catastrophe n’est pas à craindre et les prix du pétrole resteront élevés pendant plusieurs années encore, voire même une décennie. Cela pour la simple raison que les conditions objectives de l’augmentation des prix du pétrole, à savoir:
- Une offre qui a atteint ses limites, tous les pays exportateurs produisant au maximum de leurs capacités.
- Une demande dopée par la croissance des pays asiatiques, essentiellement la Chine et l’Inde.
Ces conditions sont installées durablement. Pour que les prix chutent, il n’y a que deux possibilités:
1/ Que les pays asiatiques renoncent à leur croissance actuelle à 2 chiffres, ce qui est exclus car leurs besoins de développement et donc d’énergie sont encore immenses, particulièrement dans les campagnes où tout est encore à faire. Il faudra, au rythme actuel, près d’une décennie pour que le niveau de vie des campagnes chinoises atteigne celui des villes et ce n’est qu’à partir de ce moment-là que la demande commencera à décliner.
2/ La découverte et la mise en exploitation rapide de nouveaux et fabuleux gisements de pétrole. Selon nos estimations, il faudrait que les nouvelles exploitations totalisent l’équivalent de la production de l’Arabie Saoudite pour que le prix du baril chute pour se situer autour des 30 USD. Ce qui est fort peu probable. Ou bien encore, la découverte d’une nouvelle source d’énergie extraordinairement disponible et bon marché. Cela relève également de l’utopie. L’économie algérienne est certes fragile, mais le danger n’est pas immédiat.
Nous pensons au contraire que pour la première fois de son histoire post-indépendance, l’Algérie a les moyens de moderniser son économie et la hisser à la hauteur de celle des pays développés. Mais pour cela, des décisions courageuses doivent être prises maintenant. De telles conditions favorables risquent de ne plus se présenter. Les décisions que nous préconisons sont au nombre de quatre.
Les décisions à prendre pour moderniser notre économie et la soustraire à l’informel et la corruption
1/ L’accélération de la vente des banques publiques
Les banques publiques, il faut le dire sans ambages, représentent à l’heure actuelle le plus gros obstacle à la dynamisation de l’économie et au décollage de l’investissement et la création d’emplois.
Les lenteurs, la bureaucratie, le laisser-aller, le retard dans la mise à niveau par l’utilisation des moyens modernes de transfert de données et de communication sont les caractéristiques du secteur bancaire algérien. Pour ne citer qu’un exemple révélateur du fonctionnement des banques, l’encaissement d’un chèque d’une banque à une autre, voire d’une agence à une autre d’une même banque, demande entre 3 semaines et 1 mois ! Cet exemple, nous l’avons vécu maintes fois, et chacun, du simple citoyen au ministre des Finances, en passant par le directeur d’une banque peut en faire l’expérience et vérifier la véracité de nos assertions. Bien entendu, c’est l’informel qui vient pallier la situation: les transferts se font en liquide, y compris vers l’étranger.
Quant à l’investissement, des dizaines de milliers de dossiers de crédit attendent dans les tiroirs pour une raison ou une autre, le plus souvent, parce que leurs propriétaires refusent de donner des dessous de table.
Quand les crédits sont accordés, le plus souvent les garanties sont surévaluées (avec des complicités internes à la banque) et la banque se retrouve avec des créances irrécouvrables. Et c’est le Trésor public qui en définitive assumera les pertes occasionnées par des gestionnaires irresponsables et/ou véreux.
A ce propos, si le lecteur me permet cette parenthèse et suit avec moi ce petit raisonnement logique, il comprendra pourquoi tant d’entreprises publiques (dont les banques) sont si mal gérées:
Parmi les gestionnaires comme dans tout groupe de professionnels, il y a des compétents et des incompétents. La compétence requiert des efforts d’assimilation et de cumulation d’expériences. Comme l’effort n’est pas le propre de l’homme, le nombre de compétents sera inférieur à celui des incompétents. Disons en étant généreux 40% pour les premiers et 60% pour les seconds.
Mais être compétent ne suffit pas, car les gestionnaires manipulent des richesses qui ne leur appartiennent pas. Pour qu’ils fassent un bon usage de ces richesses au seul profit de l’entreprise qu’ils gèrent, une autre qualité est nécessaire: l’honnêteté.
Parmi les 40% de gestionnaires compétents, il y a les malhonnêtes qu’il faut éliminer de notre décompte. Si nous prenons une proportion de honnêtes-malhonnêtes de moitié-moitié, nous n’aurons plus que 20% de bons gestionnaires, c’est-à-dire compétents et honnêtes. Par conséquent 80% des entreprises publiques sont gérées par des gens incompétents et/ou malhonnêtes.
Le lecteur aura compris maintenant pourquoi tant d’entreprises sont déstructurées et souvent en situation de faillite et qu’à chaque fois le Trésor public est sollicité pour éponger les ardoises. Cela est valable partout, les hommes étant partout les mêmes, c’est pourquoi dans pratiquement tous les pays, l’Etat s’est désengagé de la sphère de production pour ne conserver que son rôle de contrôle et de régulation.
Dans la réalité, le nombre de bon managers est beaucoup plus réduit, c’est pourquoi dans les pays industrialisés ces derniers sont payés à coups de centaines de millions. Chez nous ils ne sont pas appréciés car ils ont la fâcheuse tendance de vouloir faire travailler tout le monde. Ils dérangent. Par contre, les médiocres font de longues carrières: un médiocre peut rester 20 ans, voire plus, en poste. Car il laisse les voleurs voler, les roupilleurs roupiller et les syndicalistes vaquer à leurs affaires. Qu’en est-il chez le privé ? Me direz-vous. Eh bien la situation est la même, sauf que s’est son argent qui est en jeu et non celui de la communauté.
Puis ce fut la canicule et son silence. Mais avec la rentrée sociale, le débat sur la situation économique et financière est relancé notamment avec, entre autres excellentes contributions, celle du Dr Ahmed Benbitour, ancien chef du gouvernement. Mais à lire ces contributions, le lecteur que je suis est resté sur sa faim. En effet, le diagnostic est précis, sans complaisance. Le classement de notre pays auquel il est fait référence est sans équivoque (voir El Watan du 07/09/2006). Mais les citoyens que nous sommes avons besoin de savoir si notre pays peut s’en sortir et comment. De même, les décideurs politiques ont besoin de puiser dans un tel débat, des idées concrètes, des mesures pratiques à mettre immédiatement en oeuvre pour améliorer la situation. Ma contribution d’aujourd’hui et animée par ce souci: puiser dans mon expérience sur le terrain et proposer des mesures concrètes propres à aider au redressement de la situation.
Mais avant cela, quelques mots sur l’aisance financière actuelle du pays qui suscite tant de controverses.
A propos de l’aisance financière du pays
Beaucoup a été dit sur le risque de voir les prix du pétrole chuter brutalement, avec les conséquences désastreuses que l’on imagine aisément quand on sait qu’en 2005 l’économie algérienne a tiré 98.3% de ses recettes de la vente des hydrocarbures.
A notre avis, un tel scénario catastrophe n’est pas à craindre et les prix du pétrole resteront élevés pendant plusieurs années encore, voire même une décennie. Cela pour la simple raison que les conditions objectives de l’augmentation des prix du pétrole, à savoir:
- Une offre qui a atteint ses limites, tous les pays exportateurs produisant au maximum de leurs capacités.
- Une demande dopée par la croissance des pays asiatiques, essentiellement la Chine et l’Inde.
Ces conditions sont installées durablement. Pour que les prix chutent, il n’y a que deux possibilités:
1/ Que les pays asiatiques renoncent à leur croissance actuelle à 2 chiffres, ce qui est exclus car leurs besoins de développement et donc d’énergie sont encore immenses, particulièrement dans les campagnes où tout est encore à faire. Il faudra, au rythme actuel, près d’une décennie pour que le niveau de vie des campagnes chinoises atteigne celui des villes et ce n’est qu’à partir de ce moment-là que la demande commencera à décliner.
2/ La découverte et la mise en exploitation rapide de nouveaux et fabuleux gisements de pétrole. Selon nos estimations, il faudrait que les nouvelles exploitations totalisent l’équivalent de la production de l’Arabie Saoudite pour que le prix du baril chute pour se situer autour des 30 USD. Ce qui est fort peu probable. Ou bien encore, la découverte d’une nouvelle source d’énergie extraordinairement disponible et bon marché. Cela relève également de l’utopie. L’économie algérienne est certes fragile, mais le danger n’est pas immédiat.
Nous pensons au contraire que pour la première fois de son histoire post-indépendance, l’Algérie a les moyens de moderniser son économie et la hisser à la hauteur de celle des pays développés. Mais pour cela, des décisions courageuses doivent être prises maintenant. De telles conditions favorables risquent de ne plus se présenter. Les décisions que nous préconisons sont au nombre de quatre.
Les décisions à prendre pour moderniser notre économie et la soustraire à l’informel et la corruption
1/ L’accélération de la vente des banques publiques
Les banques publiques, il faut le dire sans ambages, représentent à l’heure actuelle le plus gros obstacle à la dynamisation de l’économie et au décollage de l’investissement et la création d’emplois.
Les lenteurs, la bureaucratie, le laisser-aller, le retard dans la mise à niveau par l’utilisation des moyens modernes de transfert de données et de communication sont les caractéristiques du secteur bancaire algérien. Pour ne citer qu’un exemple révélateur du fonctionnement des banques, l’encaissement d’un chèque d’une banque à une autre, voire d’une agence à une autre d’une même banque, demande entre 3 semaines et 1 mois ! Cet exemple, nous l’avons vécu maintes fois, et chacun, du simple citoyen au ministre des Finances, en passant par le directeur d’une banque peut en faire l’expérience et vérifier la véracité de nos assertions. Bien entendu, c’est l’informel qui vient pallier la situation: les transferts se font en liquide, y compris vers l’étranger.
Quant à l’investissement, des dizaines de milliers de dossiers de crédit attendent dans les tiroirs pour une raison ou une autre, le plus souvent, parce que leurs propriétaires refusent de donner des dessous de table.
Quand les crédits sont accordés, le plus souvent les garanties sont surévaluées (avec des complicités internes à la banque) et la banque se retrouve avec des créances irrécouvrables. Et c’est le Trésor public qui en définitive assumera les pertes occasionnées par des gestionnaires irresponsables et/ou véreux.
A ce propos, si le lecteur me permet cette parenthèse et suit avec moi ce petit raisonnement logique, il comprendra pourquoi tant d’entreprises publiques (dont les banques) sont si mal gérées:
Parmi les gestionnaires comme dans tout groupe de professionnels, il y a des compétents et des incompétents. La compétence requiert des efforts d’assimilation et de cumulation d’expériences. Comme l’effort n’est pas le propre de l’homme, le nombre de compétents sera inférieur à celui des incompétents. Disons en étant généreux 40% pour les premiers et 60% pour les seconds.
Mais être compétent ne suffit pas, car les gestionnaires manipulent des richesses qui ne leur appartiennent pas. Pour qu’ils fassent un bon usage de ces richesses au seul profit de l’entreprise qu’ils gèrent, une autre qualité est nécessaire: l’honnêteté.
Parmi les 40% de gestionnaires compétents, il y a les malhonnêtes qu’il faut éliminer de notre décompte. Si nous prenons une proportion de honnêtes-malhonnêtes de moitié-moitié, nous n’aurons plus que 20% de bons gestionnaires, c’est-à-dire compétents et honnêtes. Par conséquent 80% des entreprises publiques sont gérées par des gens incompétents et/ou malhonnêtes.
Le lecteur aura compris maintenant pourquoi tant d’entreprises sont déstructurées et souvent en situation de faillite et qu’à chaque fois le Trésor public est sollicité pour éponger les ardoises. Cela est valable partout, les hommes étant partout les mêmes, c’est pourquoi dans pratiquement tous les pays, l’Etat s’est désengagé de la sphère de production pour ne conserver que son rôle de contrôle et de régulation.
Dans la réalité, le nombre de bon managers est beaucoup plus réduit, c’est pourquoi dans les pays industrialisés ces derniers sont payés à coups de centaines de millions. Chez nous ils ne sont pas appréciés car ils ont la fâcheuse tendance de vouloir faire travailler tout le monde. Ils dérangent. Par contre, les médiocres font de longues carrières: un médiocre peut rester 20 ans, voire plus, en poste. Car il laisse les voleurs voler, les roupilleurs roupiller et les syndicalistes vaquer à leurs affaires. Qu’en est-il chez le privé ? Me direz-vous. Eh bien la situation est la même, sauf que s’est son argent qui est en jeu et non celui de la communauté.
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