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L'Union européenne s’adapte

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  • L'Union européenne s’adapte

    Un récent rapport de la Commission des affaires européennes du Sénat français, daté du 24 octobre dernier, traite de la politique méditerranéenne de l’Union européenne après le printemps arabe, plus particulièrement des cas du Maroc et de la Tunisie. Elaboré à la suite d’une mission en Tunisie et au Maroc, ses conclusions sont édifiantes : l’Union européenne a favorisé le volet commercial ou le lancement de grands projets, ce qui ne lui a pas permis d’anticiper «les profondes mutations sociopolitiques qui ont conduit à l’explosion de janvier 2011».

    Dans l’ensemble, les intérêts économiques on prévalu sur la «clause démocratique» et autres «conditionnalités politiques» : «Le printemps arabe a révélé une vision européenne des enjeux méditerranéens décalée par rapport à la réalité politique et sociale des États de la rive Sud de la Méditerranée. Le processus de Barcelone puis l’Union pour la Méditerranée étaient plus motivés par la volonté de certains États membres de l’Union européenne d’intensifier leurs échanges commerciaux avec les pays de la rive Sud et de développer une coopération en matière de lutte contre le terrorisme et de gestion des flux migratoires que d’œuvrer véritablement à la promotion des valeurs reconnues par l’Union européenne.»
    Par ailleurs, au vu des dispositions prises par l’Union européenne pour accompagner le printemps arabe, la comparaison est tentante avec l’effort entrepris par l’Europe centrale et orientale après la chute du Mur de Berlin. Cette comparaison est aussi avérée qu’inadaptée et les sénateurs français ont raison de souligner que les transitions en cours dans le monde arabe sont plus longues, parce que plus fragiles et appellent des réponses plus ciblées, parce que, précisent-ils «les pays de la rive Sud de la Méditerranée ne présentent pas tous le même degré d’avancement sur la voie de la démocratie».

    Projetant «d’affiner la nouvelle politique méditerranéenne», ils se proposent de «l’adapter à chacun des pays qui peuplent la rive Sud, tant il serait inopportun d’appréhender la zone comme un bloc». Une «appréciation au cas par cas» est jugée plus appropriée. «Les processus de transition démocratique sont distincts d’un pays à un autre et appellent des réponses ciblées», relève le rapport sénatorial. Au-delà de ce nouveau traitement, il est attendu que s’affiche «une ambition régionale pour les pays de la rive Sud» avec pour modèle «la logique de projets» préconisée dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée.

    Les nouveaux besoins induits par «le printemps arabe» militent pour le maintien du financement actuel de la politique européenne de voisinage : 1/3 des crédits pour les pays du partenariat oriental et les 2/3 restants pour la rive Sud de la Méditerranée.
    Ce rééquilibrage des moyens est rendu nécessaire par un meilleur accompagnement des pays du Bassin méditerranéen qui, comparativement à ceux du volet oriental, sont plus défavorisés : 3,2 euros par habitant par an contre 4,4 euros à l’Est.

    Cet accompagnement est axé sur «la consolidation démocratique en cours dans ces pays», avec comme actions prioritaires : la démocratie, les droits de l’Homme, l’État de droit et la bonne gouvernance.
    L
    ’objectif avoué ici est de contenir la «montée en puissance de l’islam politique». Le «facteur religieux» est dès lors associé à «l’originalité de la réponse que peut apporter l’Union européenne à ces pays», étant entendu qu’elle «doit s’employer à éviter toute radicalisation et continuer à travailler avec l’ensemble des forces en présence».

    Dans l’ensemble, la rive Sud se détourne du modèle européen, longtemps vénéré : «L’Union européenne doit prendre acte du fait qu’une partie des sociétés de la rive Sud n’adhère plus à l’idée d’un arrimage politique, économique et culturel à l’Europe et lorgne vers d’autres modèles, qu’il s’agisse de la Turquie ou, pour les plus radicales d’entre elles, des régimes islamistes du golfe Persique.»

    Comment ressusciter l’intérêt du Sud ? Par «une approche transversale, afin de mettre en œuvre une véritable coopération intercontinentale» susceptible de «permettre aux États de la rive Sud de la Méditerranée de ne pas forcément regarder vers les États-Unis, la Turquie ou les monarchies pétrolières du golfe Persique pour faire face aux défis de la modernité».
    Pour l’essentiel, la matrice des projections européennes pour la région est le partenariat euro-méditerranéen – dit processus de Barcelone – lancé en 1995 et la nouvelle politique de voisinage formulée en 2004 pour faire évoluer la coopération financière. Sa traduction la plus visible est le remplacement du programme MEDA par un nouvel instrument doté de fonds nettement plus importants : l’Instrument européen de voisinage et de partenariat (IEPV). Par ailleurs, tout en reprenant les acquis du processus de Barcelone, l’Union pour la Méditerranée promeut un mode de gouvernance associant directement les partenaires de la rive Sud. Une condition au maintien de cette dernière : faire oublier les dictateurs qui présidaient à ses destinées aux côtés de son fondateur, Nicolas Sarkozy. Pour y parvenir, il est préconisé d’utiliser «l’arme des mesures restrictives» qui se résument pour l’essentiel à une opération de charme en vue de reconquérir une opinion publique arabe plutôt sceptique : «Un gel des avoirs personnels a ainsi été mis en place au cours des révolutions égyptienne, libyenne, syrienne et tunisienne, assorti d’interdictions de voyager et le cas échéant de contrôles des livraisons d’armes.»

    L’Instrument européen de voisinage et de partenariat repose principalement sur deux programmes visant à renforcer la démocratie et la prospérité sur la rive Sud de la Méditerranée. Une priorité est attachée à ces programmes : l’approfondissement des réformes institutionnelles (rédaction de constitutions démocratiques, instauration d’un pouvoir judiciaire indépendant, liberté de la presse, etc.). Le fer de lance de cette mutation est la société civile au profit de laquelle une facilité financière pour le voisinage a été créée, dont près de la moitié des crédits (12 millions d’euros sur les 26,4 octroyés en 2011) ont été affectés aux pays de la rive Sud de la Méditerranée.

    Par Ammar Belhimer, Le Soir
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