CRISE DIPLOMATIQUE ALGERO-MAROCAINE : les dessous d’une polémique
AE - Publié le vendredi 8 novembre 2013 12:04
Écrit par Malek Yacini Tout porte à croire que dans la crise qui ébranle les relations, déjà tendues entre l’Algérie et le Maroc, le cercle présidentiel garde l’initiative. Pourquoi et comment le chef de l’Etat a-t-il lancé une polémique avec son voisin au moment où il engage une guerre sans merci avec ses services spéciaux ?
Deux zones sont toujours restées à la discrétion des services de renseignements algériens : le Sahara occidental et le Sahel. La crise au Mali avait révélé des tensions paroxystiques entre les deux centres de décision du pouvoir : Bouteflika voulant composer avec les Européens, les Français en particuliers, les services spéciaux étant opposés à toute forme d’intervention militaire dans la région. L’enlèvement des diplomates de Gao et la calamiteuse opération de Tiguentourine – que la grande majorité de la presse algérienne, drivée par le DRS, avait encensée – ajoutés à la menace de l’affaire Khelil, ont conduit Bouteflika, sitôt revenu de Paris, à lancer l’offensive que l’on sait contre ses frères ennemis.
Depuis, la nomination de Lamamra, diplomate émérite et grand connaisseur de la scène africaine, provoque en quelques semaines un glissement considérable du centre de gravité historique de la géopolitique algérienne au Sahel. De rejet de toute forme d’intervention, l’Algérie s’apprête à engager ses propres troupes dans des « opérations rapides. »
Pour continuer à reconstruire le pouvoir à sa guise et pour ne pas heurter davantage une armée déjà traumatisée par des réaménagements intrusifs, le chef de l’Etat lâche du lest sur le deuxième dossier managé par le segment militaire du régime. L’algarade d’Abouja, destinée à exciter Rabat avait une double vocation : rassurer l’armée qui paie un prix humain et matériel considérable depuis bientôt 40 ans au Sahara occidental et faire diversion auprès de l’opinion publique, scandalisée par un détournement tribal du patrimoine politique et matérieldu pays. Sur ce deuxième point, la recette de la guerre verbale avec le Maroc est toujours infaillible.
En sous-main, Bouteflika envoie des messagers au Palais royal pour expliquer le caractère superfétatoire de son coup de menton au Nigéria ; l’essentiel étant de débarrasser le pouvoir algérien de l’hypothèque de la police politique, bête noire des faucons marocains. Pour donner le change, le Roi du Maroc surenchérit, s’agissant d’un sujet sensible voire tabou dans le royaume.Tout le monde y trouve son compte et les chancelleries occidentales ne sont dupes de rien.
Il y a fort à parier que si Bouteflika survit à sa maladie, les relations algéro-marocaines connaitront, à l’instar de ce qui s’est passé au Sahel, un développement qui fera table rase du passé.
Malek Yacini
AE - Publié le vendredi 8 novembre 2013 12:04
Écrit par Malek Yacini Tout porte à croire que dans la crise qui ébranle les relations, déjà tendues entre l’Algérie et le Maroc, le cercle présidentiel garde l’initiative. Pourquoi et comment le chef de l’Etat a-t-il lancé une polémique avec son voisin au moment où il engage une guerre sans merci avec ses services spéciaux ?
Deux zones sont toujours restées à la discrétion des services de renseignements algériens : le Sahara occidental et le Sahel. La crise au Mali avait révélé des tensions paroxystiques entre les deux centres de décision du pouvoir : Bouteflika voulant composer avec les Européens, les Français en particuliers, les services spéciaux étant opposés à toute forme d’intervention militaire dans la région. L’enlèvement des diplomates de Gao et la calamiteuse opération de Tiguentourine – que la grande majorité de la presse algérienne, drivée par le DRS, avait encensée – ajoutés à la menace de l’affaire Khelil, ont conduit Bouteflika, sitôt revenu de Paris, à lancer l’offensive que l’on sait contre ses frères ennemis.
Depuis, la nomination de Lamamra, diplomate émérite et grand connaisseur de la scène africaine, provoque en quelques semaines un glissement considérable du centre de gravité historique de la géopolitique algérienne au Sahel. De rejet de toute forme d’intervention, l’Algérie s’apprête à engager ses propres troupes dans des « opérations rapides. »
Pour continuer à reconstruire le pouvoir à sa guise et pour ne pas heurter davantage une armée déjà traumatisée par des réaménagements intrusifs, le chef de l’Etat lâche du lest sur le deuxième dossier managé par le segment militaire du régime. L’algarade d’Abouja, destinée à exciter Rabat avait une double vocation : rassurer l’armée qui paie un prix humain et matériel considérable depuis bientôt 40 ans au Sahara occidental et faire diversion auprès de l’opinion publique, scandalisée par un détournement tribal du patrimoine politique et matérieldu pays. Sur ce deuxième point, la recette de la guerre verbale avec le Maroc est toujours infaillible.
En sous-main, Bouteflika envoie des messagers au Palais royal pour expliquer le caractère superfétatoire de son coup de menton au Nigéria ; l’essentiel étant de débarrasser le pouvoir algérien de l’hypothèque de la police politique, bête noire des faucons marocains. Pour donner le change, le Roi du Maroc surenchérit, s’agissant d’un sujet sensible voire tabou dans le royaume.Tout le monde y trouve son compte et les chancelleries occidentales ne sont dupes de rien.
Il y a fort à parier que si Bouteflika survit à sa maladie, les relations algéro-marocaines connaitront, à l’instar de ce qui s’est passé au Sahel, un développement qui fera table rase du passé.
Malek Yacini
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