«Dans l’état où nous sommes, nous n’avons pas le droit de rêver d’une démocratie réelle. Rêver d’une élection présidentielle honnête et libre relève de l’utopie», déclare le politologue Ahmed Adimi. «Il ne reste comme moyen de changement qu’une solution : la révolte. Mais, elle est coûteuse, dévastatrice et dangereuse pour notre pays, d’où l’urgence d’organiser une transition en douceur vers un régime démocratique», préconise-t-il.
-Vous avez lancé une initiative, avec d’autres personnalités nationales, appelant à «respecter les échéances électorales légales dans l’organisation de l’élection présidentielle d’avril 2014». Vous soupçonniez que cette élection n’aurait pas lieu à la date prévue ?
L’initiative a été lancée au moment où certains cercles proches du pouvoir appelaient à la prolongation du mandat présidentiel actuel. Nous avons alerté l’opinion publique, à travers notre appel, sur les risques et dangers d’une telle démarche que nous jugeons illégale et sans fondement.
-Vous dites aussi dans votre initiative que «la Constitution et les institutions de l’Etat sont menacés aujourd’hui, tant dans l’équilibre des pouvoirs que dans leur existence même». Comment sont-elles menacées et par qui ?
Effectivement, la Constitution est menacée. Elle l’est à travers sa révision. La Constitution est le document fondamental et essentiel de la nation. Elle définit le mode du/des pouvoir(s) et organise son (leur) fonctionnement. De fait, on ne rédige/révise jamais un document pareil par un petit groupe de cinq personnages enfermés dans un bureau. La révision de la Constitution doit faire l’objet d’une vaste consultation. On doit d’abord commencer par la désignation d’une commission nationale où siègeront des sociologues, des politologues, des historiens, des hommes de religion et des juristes. Sa tâche principale consistera à «rassembler» les points de vue des différents acteurs politiques, représentants de la société civile et spécialistes et de les étudier avant de présenter un projet de Constitution qui sera soumis au débat public, suite auquel des juristes du droit constitutionnel interviendront pour donner «l’habillage» juridique au document avant de le soumettre au référendum populaire.
-Vous voyez que ce n’est pas ce qui se passe avec la révision de la Constitution algérienne, qui se fait d’une façon complètement différente. Elle sera donc une Constitution du pouvoir en place et non pas celle des Algériens car aucun citoyen n’a été consulté sur ses différents aspects.
Concernant l’équilibre des pouvoirs, nous remarquons que la révision de la Constitution se fait à quelques mois de l’élection présidentielle, ce qui ne s’est jamais produit dans le monde. Un Président sortant n’a pas le droit d’hypothéquer l’avenir du pays en fermant le jeu politique ou en imposant un certain équilibre du pouvoir qui ne sera favorable qu’à l’équipe sortante. En plus, la question que tous les Algériens se posent actuellement est la suivante : pourquoi le président de la République a-t-il attendu 14 ans pour «réorganiser» les services de sécurité ?
-Pourquoi maintenant, c’est-à-dire à quelques mois de l’élection présidentielle et juste après les enquêtes menées par ces mêmes services sur la corruption et la malveillance dans plusieurs entreprises publiques ?
Nous savons tous qu’en politique, rien n’est neutre. Il est donc de notre droit de citoyens de nous poser ce genre de questions.
-Le chef de l’Etat boucle dans cinq mois son troisième mandat présidentiel. Quel bilan peut-on établir de son règne ?
Ecoutez, quand Bouteflika est arrivé au pouvoir, l’Algérie venait tout juste de sortir d’une grave crise sécuritaire. En 1999, le terrorisme était déjà derrière nous et tout le monde pensait que le nouveau Président allait procéder à de grands changements qui ouvriraient les portes du progrès, du modernisme, du multipartisme réel, de la liberté d’expression, du travail et de la justice sociale. Le peuple algérien était prêt à tous les sacrifices pour «réinventer» la nouvelle Algérie. Or, les hommes choisis par le Président lui-même n’étaient pas à la hauteur de cette tâche, ô combien était-elle à la portée de la main ! Tous les éléments (société, prix des hydrocarbures, environnement géopolitique…) étaient favorables pour un véritable décollage. Hélas, nous avons raté l’occasion. Au lieu d’organiser et de construire, le pouvoir s’est contenté de distribuer la rente et de fermer les yeux sur tous les maux qui rongent le corps de la nation.
Le bilan des trois mandats présidentiels est clair : l’Algérie a raté l’occasion de se développer et est atteinte par tous les maux sociaux : corruption, laisser-aller, gaspillage, régionalisme, fermeture des champs politique et audiovisuel, médiocrité, marginalisation des compétences nationales, dilapidation de la richesse nationale par les sociétés étrangères, insécurité, bureaucratie. Il suffit de voir le classement de l’Algérie dans les rapports des organisations internationales et ONG pour se rendre compte que le bilan n’est pas du tout positif.
-Vous étiez officier au sein de l’armée durant le premier mandat de Bouteflika. Comment ont évolué les rapports entre l’armée et la Présidence qui ont mené jusqu’au dernier «réorganisation» de l’appareil sécuritaire ?
Le président de la République est lui-même le chef suprême des forces armées et ministre de la Défense nationale, donc c’est lui le chef, ce qui veut dire dans le langage militaire : «A vos ordres, monsieur le Président.» A mon avis, tout ce que la presse et certains analystes nationaux et étrangers rapportaient ou disaient sur le rôle de l’armée ou des services de sécurité dans la politique, depuis que Bouteflika est au pouvoir, n’est que de la pure imagination. Nous avons l’une des armées les plus disciplinées au monde, de ce fait elle n’intervient que lorsque les politiques échouent dans leurs tâches. C’était le cas en 1965 et en 1992. Bouteflika a toujours annoncé qu’il n’acceptait pas d’être moins qu’un Président complet. Pourquoi donc essayer de chercher là où il n’y a rien à chercher ? Depuis 1999, ou du moins depuis 2004, Bouteflika est le seul patron de l’Algérie. Il est responsable de tout ce qui a été fait de positif ou négatif. La preuve : personne ne l’a empêché de réorganiser les services du DRS à sa façon et à cinq mois de l’élection présidentielle.
-Vous avez lancé une initiative, avec d’autres personnalités nationales, appelant à «respecter les échéances électorales légales dans l’organisation de l’élection présidentielle d’avril 2014». Vous soupçonniez que cette élection n’aurait pas lieu à la date prévue ?
L’initiative a été lancée au moment où certains cercles proches du pouvoir appelaient à la prolongation du mandat présidentiel actuel. Nous avons alerté l’opinion publique, à travers notre appel, sur les risques et dangers d’une telle démarche que nous jugeons illégale et sans fondement.
-Vous dites aussi dans votre initiative que «la Constitution et les institutions de l’Etat sont menacés aujourd’hui, tant dans l’équilibre des pouvoirs que dans leur existence même». Comment sont-elles menacées et par qui ?
Effectivement, la Constitution est menacée. Elle l’est à travers sa révision. La Constitution est le document fondamental et essentiel de la nation. Elle définit le mode du/des pouvoir(s) et organise son (leur) fonctionnement. De fait, on ne rédige/révise jamais un document pareil par un petit groupe de cinq personnages enfermés dans un bureau. La révision de la Constitution doit faire l’objet d’une vaste consultation. On doit d’abord commencer par la désignation d’une commission nationale où siègeront des sociologues, des politologues, des historiens, des hommes de religion et des juristes. Sa tâche principale consistera à «rassembler» les points de vue des différents acteurs politiques, représentants de la société civile et spécialistes et de les étudier avant de présenter un projet de Constitution qui sera soumis au débat public, suite auquel des juristes du droit constitutionnel interviendront pour donner «l’habillage» juridique au document avant de le soumettre au référendum populaire.
-Vous voyez que ce n’est pas ce qui se passe avec la révision de la Constitution algérienne, qui se fait d’une façon complètement différente. Elle sera donc une Constitution du pouvoir en place et non pas celle des Algériens car aucun citoyen n’a été consulté sur ses différents aspects.
Concernant l’équilibre des pouvoirs, nous remarquons que la révision de la Constitution se fait à quelques mois de l’élection présidentielle, ce qui ne s’est jamais produit dans le monde. Un Président sortant n’a pas le droit d’hypothéquer l’avenir du pays en fermant le jeu politique ou en imposant un certain équilibre du pouvoir qui ne sera favorable qu’à l’équipe sortante. En plus, la question que tous les Algériens se posent actuellement est la suivante : pourquoi le président de la République a-t-il attendu 14 ans pour «réorganiser» les services de sécurité ?
-Pourquoi maintenant, c’est-à-dire à quelques mois de l’élection présidentielle et juste après les enquêtes menées par ces mêmes services sur la corruption et la malveillance dans plusieurs entreprises publiques ?
Nous savons tous qu’en politique, rien n’est neutre. Il est donc de notre droit de citoyens de nous poser ce genre de questions.
-Le chef de l’Etat boucle dans cinq mois son troisième mandat présidentiel. Quel bilan peut-on établir de son règne ?
Ecoutez, quand Bouteflika est arrivé au pouvoir, l’Algérie venait tout juste de sortir d’une grave crise sécuritaire. En 1999, le terrorisme était déjà derrière nous et tout le monde pensait que le nouveau Président allait procéder à de grands changements qui ouvriraient les portes du progrès, du modernisme, du multipartisme réel, de la liberté d’expression, du travail et de la justice sociale. Le peuple algérien était prêt à tous les sacrifices pour «réinventer» la nouvelle Algérie. Or, les hommes choisis par le Président lui-même n’étaient pas à la hauteur de cette tâche, ô combien était-elle à la portée de la main ! Tous les éléments (société, prix des hydrocarbures, environnement géopolitique…) étaient favorables pour un véritable décollage. Hélas, nous avons raté l’occasion. Au lieu d’organiser et de construire, le pouvoir s’est contenté de distribuer la rente et de fermer les yeux sur tous les maux qui rongent le corps de la nation.
Le bilan des trois mandats présidentiels est clair : l’Algérie a raté l’occasion de se développer et est atteinte par tous les maux sociaux : corruption, laisser-aller, gaspillage, régionalisme, fermeture des champs politique et audiovisuel, médiocrité, marginalisation des compétences nationales, dilapidation de la richesse nationale par les sociétés étrangères, insécurité, bureaucratie. Il suffit de voir le classement de l’Algérie dans les rapports des organisations internationales et ONG pour se rendre compte que le bilan n’est pas du tout positif.
-Vous étiez officier au sein de l’armée durant le premier mandat de Bouteflika. Comment ont évolué les rapports entre l’armée et la Présidence qui ont mené jusqu’au dernier «réorganisation» de l’appareil sécuritaire ?
Le président de la République est lui-même le chef suprême des forces armées et ministre de la Défense nationale, donc c’est lui le chef, ce qui veut dire dans le langage militaire : «A vos ordres, monsieur le Président.» A mon avis, tout ce que la presse et certains analystes nationaux et étrangers rapportaient ou disaient sur le rôle de l’armée ou des services de sécurité dans la politique, depuis que Bouteflika est au pouvoir, n’est que de la pure imagination. Nous avons l’une des armées les plus disciplinées au monde, de ce fait elle n’intervient que lorsque les politiques échouent dans leurs tâches. C’était le cas en 1965 et en 1992. Bouteflika a toujours annoncé qu’il n’acceptait pas d’être moins qu’un Président complet. Pourquoi donc essayer de chercher là où il n’y a rien à chercher ? Depuis 1999, ou du moins depuis 2004, Bouteflika est le seul patron de l’Algérie. Il est responsable de tout ce qui a été fait de positif ou négatif. La preuve : personne ne l’a empêché de réorganiser les services du DRS à sa façon et à cinq mois de l’élection présidentielle.
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