Momo le sixième est le seul chef d’Etat au monde qui fuit les journalistes comme la peste. Le site Goud, qui n’a pas froid aux yeux, nous apprend que le protocole de la Maison Blanche sera entièrement chamboulé pour satisfaire aux desiderata du monarque. Non pas qu’il ait demandé qu’on lui installe un Jacuzzi dans le Bureau ovale pendant les deux petites heures que lui consacre Barack Obama lors de sa visite officielle à Washington (à partir du 23 novembre), ni même une dérogation expresse de faire du Jet-ski sur le Potomac, non, il a tout juste demandé à ce que soit annulée la traditionnelle conférence de presse qui doit normalement clôturer l’entrevue.
Mais enfin, where is le King quoi ?!
Mais pourquoi diable se refuse-t-il à se plier à cet exercice, somme toute banal pour un chef d’Etat investi de tous les pouvoirs ? Dommage ! Il aurait pu rabattre le caquet à ses détracteurs qui disent que tout ce qu’il dit en public, il doit l’apprendre par cœur la veille. Et puis que vont penser de notre roi bien-aimé les journalistes des grands médias américains accrédités à la Maison Blanche et qui auraient été ravis de poser quelques questions bien senties au « King of Morocco » ?
Tiens par exemple, Il aurait pu saisir le micro pour rabrouer ces ignares du Washington Post qui viennent le mois dernier de lui consacrer un édito pour le moins insolent l’accusant – quel lèse-majesté !- d’avoir « renoncé aux réformes ». On aurait tant aimé voir le rédacteur en chef de ce journal prétentieux s’enfoncer dans ses petits souliers alors que le souverain chérifien lui ferait la leçon !
Bon, on avait compris qu’il ne voulait pas nous faire cet honneur à nous pauvres gratte-papiers marocains qui sont relégués à la condition servile de sujets-de-Sa-Majesté-qui-doivent-filer-droit, autrement on pourrait comme par enchantement atterrir dans une cellule humide pour dangereux terroristes…
L’esprit Paris Match ou rien
Ok, nous on ne mérite pas de débattre avec lui, cloportes que nous sommes, mais aux Etats-Unis, face à de vrais journalistes avec calepins noirs et visières vissées sur le crâne comme dans les films !, n’était-ce pas là l’occasion rêvée de dire à l’opinion publique américaine tout ce qu’il pense du Département d’Etat et de ses câbles diplomatiques orduriers que Wikileaks a osé rendre publics ? Et de sermonner ces viles ONG qui n’aiment pas le Maroc et qui rédigent sur le plus-beau-pays-du-monde de méchants rapports sur les droits de l’Homme ?
L’occasion aussi de crier haut et fort toute la vérité sur le DanielGate, d’expliquer le procès tragi-comique de ce fichu Ali Anouzla, et bien sur de ce qu’il entend faire au juste du Sahara occidental. Vous ne trouvez pas ? Faut croire que Mohamed VI, grand seigneur, leur a épargné cette terrible humiliation.
Hassan II lui au moins nous faisait marrer !
Lors de sa dernière conférence de presse avec Bill Clinton sur la pelouse de la Maison Blanche en mars 1995, pour marquer son mécontentement, il s’était accoudé au pupitre en faisant la moue. Cool ! Voilà un vrai dictateur comme on aime ! Oui, ou encore quand il inventait des citations de Rousseau ou de La Bruyère pour épater les téléspectateurs français aussi beaufs que les nôtres et qui s’extasiaient : « Ah ce souverain chérifien arabe , qu’est-qu’il est calé en culture françaiiiiiiiiiiiiise ! ».
Non, Mohamed VI est trop gentil, il préfère raser les murs. L’exercice est trop périlleux. Ce n’est pas comme du perchoir du Parlement de Rabat où il fronce les sourcils et engueule tout le monde derrière ses grosses lunettes, le maire de Casablanca, les députés qui ne foutent rien, le ministre de l’enseignement, Abdelaziz Bouteflika etc. les yeux rivés sur ses papiers sans que personne ne puisse le questionner. Trop facile…
La cata chez Dableyou
La dernière fois qu’il a eu à parler devant la presse américaine c’était lors de sa visite à son copain Georges W. Bush le 23 avril 2002. Très intimidé par la forêt de micros qu’on lui tendait, il a bafouillé : « Soyez certains, M. le Président que le Maroc fera tout pour soutenir les Etats-Unis dans sa guerre contre la terreur » provoquant un large sourire de Dableyou. « Tais-toi !, mais tais-toi donc ! » aurait répliqué Dieudonné s’il s’agissait d’un sketch. D’ailleurs c’était comme un skectch au fond, avec en prime une quenelle pour nous pauvres marocains.
Quelques jours après son intronisation en 1999, toute la presse internationale avait fait le pied de grue au Palais pour décrocher une première interview. Sans succès. Aux journalistes étrangers qui bavaient pour avoir le scoop, André Azoulay et Fouad Ali El Himma répondaient invariablement « Non », soit parce-que « le jeune roi est ingénu », soit parce-que « cela pourrait nuire à son image ».
Presque quinze ans après, la situation n’a pas évolué d’un iota, lui qui est toujours à la peine lors de ses fastidieux discours télévisés (mais pourquoi il n’apprend pas à déclamer face caméra équipée d’un prompteur comme tout le monde ?) . Les rares interviews qu’il a eu à accorder, celle à Time Magazine (il avait plus parlé de sa chaine stéréo et de sa nouvelle voiture de sport au journaliste) ou celles au Figaro et à El Pais ont été intégralement réécrites par son cabinet.« Yes, we can…escape ! » en somme…
Ali Benacher
DEMAIN
Commentaire