Tribune libre SERAGHNI LAID
el-mouradia« Les hommes ont inventé l’Etat pour ne plus obéir à l’homme » G.Burdeau. (1)
La société suite à son évolution s’est retrouvée devant une complexité de rapports entre les individus rendant ainsi la présence d’une autorité morale indispensable pour réglementer ces rapports. L’État est né. Il est le creuset où se concentre la puissance opposable à tous. En lui obéissant, l’homme se croit se libérer de l’homme. Pour éviter l’autoritarisme sans limite des gouvernants et l’obéissance asservissante des gouvernés les rapports entre eux doivent impérativement être définis par un texte émanant de la volonté populaire et fondateur de l’État. C’est la Constitution qui doit:
1- Garantir à chacun le respect de ses droits : Elle est nécessaire pour garantir les droits fondamentaux des citoyens en posant par exemple le principe de l’égalité des citoyens devant la loi et le suffrage universel, source de la légitimité….
2- Définir les différents organes de l’État selon le principe de la séparation des pouvoirs ; législatif, exécutif et judiciaire tout en réglant les rapports entre eux et fixant la répartition des compétences sur l’ensemble du territoire.
3- Garantir la conformité à la constitution et au principe défini par elle des règles de droits (lois et règlements), produits des différents pouvoirs composant l’État.
1- CHAQUE PRESIDENT SE TAILLE UNE CONSTITUTION.
L’absence dès le 5 juillet 1962 d’une volonté politique qui restitue avec fidélité les aspirations du peuple Algérien a induit l’institutionnalisation d’un pouvoir sans partage. Il manquait à l’Algérie une personnalité semblable à John Dickinson. (3)
Le résultat est qu’en 50 ans d’indépendance, l’Algérie a changé à 7 reprises sa constitution soit une constitution nouvelle ou amendée tous les 7 ans.
02-4932-ahmed-benbellaToutes les constitutions algériennes ont un dénominateur commun. Elles consacrent l’emprise du Chef de l ’État sur toutes les institutions en le dotant d’impressionnants pouvoirs. Il est à souligner que tous les présidents de la République sont des militaires. (Ben Bella est adjudant de l’armée française et les 4 autres sont issus de l’ALN)
• Ben Bella et la Constitution de 1963 : après le recouvrement de la souveraineté nationale, Ben Bella, Secrétaire général du Parti Front de libération nationale (FLN), présente lui-même dans une salle de cinéma « l’Afrique » la constitution aux seuls cadres du FLN, en dehors de toute participation de l’Assemblée. Avant d’être élu Président de la République, il s’est taillé une constitution qui consacre la primauté du Parti sur une assemblée soumise. Au départ, l’institutionnalisation d’un pouvoir central où l’hégémonie du chef de l’État se fait sentir. Il fut président de la République, Secrétaire général du FLN, ministre de défense nationale et législateur par voie d’ordonnance. Usant de l’article 59, il prend « les mesures exceptionnelles » pour gouverner, il affichera un monocratisme notoire avec une personnalisation à outrance du pouvoir. Il semble rejoindre Napoléon III qui disait « que la constitution doit être comme un vêtement qui, pour être bien fait ne doit aller qu’à un seul homme ». (3)
le cinéma l'Afrique
le cinéma l’Afrique
• Boumediene et la constitution de 1976 : H. Boumediene fait adopter le 27 juin 1976 par referendum une charte nationale (4) qui servira de base à la rédaction de la constitution. Elle consacre le socialisme comme « technique de modernisation » et l’islam comme « source de personnalité algérienne ». La constitution qu’il fit adopter le 22 novembre 1976 annonce dans son article 6 « la charte nationale est la source fondamentale de la politique de la nation et des lois de l’État. ».
Le socialisme « spécifique » qu’il voulait à l’Algérie avec des monopoles de l’État dans toutes les sphères a enfanté un capitalisme d’État. S’inspirant du bonapartisme il verrouille tout droit à l’’expression et à l’opposition.
• Chadli Ben Djeddid et la constitution 1989: Après les événements d’octobre 1988, C. Ben Djeddid entame une réforme constitutionnelle. La constitution de février 1989 institue l’ouverture politique et le multipartisme mettant fin au système du parti unique. L’article 40 de la nouvelle constitution, en son alinéa 1er stipule que « le droit de créer des associations à caractère politique est reconnu » et fait l’impasse sur le nombre de mandats à assumer par le Président de la république. L’abandon de la référence à l’option socialisme est définitif.
• Liamine Zéroual et la constitution de 1996: La constitution de 1996 augmente considérablement les pouvoirs du président de la république même si elle a le mérite de prévoir l’alternance au pouvoir par la limitation des mandats à deux quinquennats. Elle tend à fermer le champ politique à l’opposition en y introduisant un organe qui n’est qu’un frein à toute tentative législative contraire « aux souhaits » du régime. Le Conseil de la nation dont un tiers de ses membres est désigné par le président de la république. Ces membres se croient détenteurs d’une légitimité exclusive semblable à une forme d’’aristocratie.
• Bouteflika et les révisions de la constitution de 1996 :
Depuis son élection en avril 1999, Bouteflika ne cesse de critiquer la constitution dans le cadre de laquelle il avait accepté de se faire adouber par la haute hiérarchie de la muette. Il estime « que la constitution actuelle ne garantit pas la séparation des pouvoirs, ne permet pas de mettre fin aux interférences entre les prérogatives des institutions ainsi que l’amalgame entre le régime parlementaire et le régime présidentiel » (5). Loin de faire adopter une constitution qui « protège le peuple contre le gouvernement ».(6) Cherchant à rester au pouvoir, il ambitionne la confection d’une loi fondamentale qui lui permet d’exhausser ses volontés.
En moins d’une dizaine d’années après son élection, le Président Bouteflika a procédé deux fois à la modification de la constitution en 2002 et 2008.
• Amendement constitutionnel de 2002 : La révision de la constitution de 1996 a introduit seulement Tamazight comme langue nationale.
• Amendement constitutionnel de 2008 : Bouteflika efface purement et simplement le principe de l’alternance au pouvoir, opte pour une présidence à vie et fait que devient le centre du pouvoir. Il renforce les pouvoirs du Chef de l ’État en transformant la fonction du Chef de gouvernement en premier ministre. Il légifère concurremment au parlement par voie d’ordonnances pendant les périodes d’intersessions de l’Assemblée. Les prérogatives dévolues à la fonction du président sont exorbitantes. Les pouvoirs législatif et juridique sont inféodés au pouvoir. L’abus de recours aux ordonnances présidentielles le confirme ne laissant aucunes prérogatives aux parlementaires.
Sur la validation du projet de révision constitutionnelle par le seul vote du parlement, Ahmed Ouyahia répond « un choix souverain et la contrainte des délais ». (6).
Il faut se souvenir comme l’avait souligné Mostefa Lacheraf qu’avec toutes les révisions constitutionnelles « On s’obstine à relancer sur le marché politique des vieilles élites corrompues, usées et discréditées » (7). Le pouvoir réel est entre une gérontocratie ayant acquis de véritables intérêts au point d’être capable pouvoir paralyser le pays. Un affairisme d’État à visage découvert.
el-mouradia« Les hommes ont inventé l’Etat pour ne plus obéir à l’homme » G.Burdeau. (1)
La société suite à son évolution s’est retrouvée devant une complexité de rapports entre les individus rendant ainsi la présence d’une autorité morale indispensable pour réglementer ces rapports. L’État est né. Il est le creuset où se concentre la puissance opposable à tous. En lui obéissant, l’homme se croit se libérer de l’homme. Pour éviter l’autoritarisme sans limite des gouvernants et l’obéissance asservissante des gouvernés les rapports entre eux doivent impérativement être définis par un texte émanant de la volonté populaire et fondateur de l’État. C’est la Constitution qui doit:
1- Garantir à chacun le respect de ses droits : Elle est nécessaire pour garantir les droits fondamentaux des citoyens en posant par exemple le principe de l’égalité des citoyens devant la loi et le suffrage universel, source de la légitimité….
2- Définir les différents organes de l’État selon le principe de la séparation des pouvoirs ; législatif, exécutif et judiciaire tout en réglant les rapports entre eux et fixant la répartition des compétences sur l’ensemble du territoire.
3- Garantir la conformité à la constitution et au principe défini par elle des règles de droits (lois et règlements), produits des différents pouvoirs composant l’État.
1- CHAQUE PRESIDENT SE TAILLE UNE CONSTITUTION.
L’absence dès le 5 juillet 1962 d’une volonté politique qui restitue avec fidélité les aspirations du peuple Algérien a induit l’institutionnalisation d’un pouvoir sans partage. Il manquait à l’Algérie une personnalité semblable à John Dickinson. (3)
Le résultat est qu’en 50 ans d’indépendance, l’Algérie a changé à 7 reprises sa constitution soit une constitution nouvelle ou amendée tous les 7 ans.
02-4932-ahmed-benbellaToutes les constitutions algériennes ont un dénominateur commun. Elles consacrent l’emprise du Chef de l ’État sur toutes les institutions en le dotant d’impressionnants pouvoirs. Il est à souligner que tous les présidents de la République sont des militaires. (Ben Bella est adjudant de l’armée française et les 4 autres sont issus de l’ALN)
• Ben Bella et la Constitution de 1963 : après le recouvrement de la souveraineté nationale, Ben Bella, Secrétaire général du Parti Front de libération nationale (FLN), présente lui-même dans une salle de cinéma « l’Afrique » la constitution aux seuls cadres du FLN, en dehors de toute participation de l’Assemblée. Avant d’être élu Président de la République, il s’est taillé une constitution qui consacre la primauté du Parti sur une assemblée soumise. Au départ, l’institutionnalisation d’un pouvoir central où l’hégémonie du chef de l’État se fait sentir. Il fut président de la République, Secrétaire général du FLN, ministre de défense nationale et législateur par voie d’ordonnance. Usant de l’article 59, il prend « les mesures exceptionnelles » pour gouverner, il affichera un monocratisme notoire avec une personnalisation à outrance du pouvoir. Il semble rejoindre Napoléon III qui disait « que la constitution doit être comme un vêtement qui, pour être bien fait ne doit aller qu’à un seul homme ». (3)
le cinéma l'Afrique
le cinéma l’Afrique
• Boumediene et la constitution de 1976 : H. Boumediene fait adopter le 27 juin 1976 par referendum une charte nationale (4) qui servira de base à la rédaction de la constitution. Elle consacre le socialisme comme « technique de modernisation » et l’islam comme « source de personnalité algérienne ». La constitution qu’il fit adopter le 22 novembre 1976 annonce dans son article 6 « la charte nationale est la source fondamentale de la politique de la nation et des lois de l’État. ».
Le socialisme « spécifique » qu’il voulait à l’Algérie avec des monopoles de l’État dans toutes les sphères a enfanté un capitalisme d’État. S’inspirant du bonapartisme il verrouille tout droit à l’’expression et à l’opposition.
• Chadli Ben Djeddid et la constitution 1989: Après les événements d’octobre 1988, C. Ben Djeddid entame une réforme constitutionnelle. La constitution de février 1989 institue l’ouverture politique et le multipartisme mettant fin au système du parti unique. L’article 40 de la nouvelle constitution, en son alinéa 1er stipule que « le droit de créer des associations à caractère politique est reconnu » et fait l’impasse sur le nombre de mandats à assumer par le Président de la république. L’abandon de la référence à l’option socialisme est définitif.
• Liamine Zéroual et la constitution de 1996: La constitution de 1996 augmente considérablement les pouvoirs du président de la république même si elle a le mérite de prévoir l’alternance au pouvoir par la limitation des mandats à deux quinquennats. Elle tend à fermer le champ politique à l’opposition en y introduisant un organe qui n’est qu’un frein à toute tentative législative contraire « aux souhaits » du régime. Le Conseil de la nation dont un tiers de ses membres est désigné par le président de la république. Ces membres se croient détenteurs d’une légitimité exclusive semblable à une forme d’’aristocratie.
• Bouteflika et les révisions de la constitution de 1996 :
Depuis son élection en avril 1999, Bouteflika ne cesse de critiquer la constitution dans le cadre de laquelle il avait accepté de se faire adouber par la haute hiérarchie de la muette. Il estime « que la constitution actuelle ne garantit pas la séparation des pouvoirs, ne permet pas de mettre fin aux interférences entre les prérogatives des institutions ainsi que l’amalgame entre le régime parlementaire et le régime présidentiel » (5). Loin de faire adopter une constitution qui « protège le peuple contre le gouvernement ».(6) Cherchant à rester au pouvoir, il ambitionne la confection d’une loi fondamentale qui lui permet d’exhausser ses volontés.
En moins d’une dizaine d’années après son élection, le Président Bouteflika a procédé deux fois à la modification de la constitution en 2002 et 2008.
• Amendement constitutionnel de 2002 : La révision de la constitution de 1996 a introduit seulement Tamazight comme langue nationale.
• Amendement constitutionnel de 2008 : Bouteflika efface purement et simplement le principe de l’alternance au pouvoir, opte pour une présidence à vie et fait que devient le centre du pouvoir. Il renforce les pouvoirs du Chef de l ’État en transformant la fonction du Chef de gouvernement en premier ministre. Il légifère concurremment au parlement par voie d’ordonnances pendant les périodes d’intersessions de l’Assemblée. Les prérogatives dévolues à la fonction du président sont exorbitantes. Les pouvoirs législatif et juridique sont inféodés au pouvoir. L’abus de recours aux ordonnances présidentielles le confirme ne laissant aucunes prérogatives aux parlementaires.
Sur la validation du projet de révision constitutionnelle par le seul vote du parlement, Ahmed Ouyahia répond « un choix souverain et la contrainte des délais ». (6).
Il faut se souvenir comme l’avait souligné Mostefa Lacheraf qu’avec toutes les révisions constitutionnelles « On s’obstine à relancer sur le marché politique des vieilles élites corrompues, usées et discréditées » (7). Le pouvoir réel est entre une gérontocratie ayant acquis de véritables intérêts au point d’être capable pouvoir paralyser le pays. Un affairisme d’État à visage découvert.
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