Reporters : Le Premier ministre libyen Ali Zeidan évoque une nouvelle intervention étrangère dans son pays si la stabilité ne revient pas. Quelle lecture faites-vous de sa déclaration surprenante ?
Saïda Benhabyles : Les déclarations du Premier ministre libyen Ali Zeidan sont un aveu d’échec et une reconnaissance de la gravité de la situation interne devenue explosive. Lorsqu’un Premier ministre fait une déclaration pareille, cela signifie que le pays échappe à tout contrôle et la situation est ouverte à toutes les éventualités. Le gouvernement libyen, aujourd’hui, est incapable d’assurer la sécurité à ses propres membres. L’enlèvement d’Ali Zeidan lui-même, le mois dernier témoigne de la dégradation dangereuse de la situation sécuritaire en Libye. Ce pays est livré depuis la chute de Kadhafi à des groupes armés. Chacun essaie d’imposer son diktat. Avec une simple analyse, on se rend compte que l’Etat libyen n’existe plus. C’est les chefs des tribus et les groupes armés qui font la loi et non le gouvernement ou ses différents services.
Vous faites partie de ceux qui ne voyaient pas d’un bon œil la chute de Kadhafi. Cela vous réjouit-il que les évènements en cours en Libye vous donnent raison ?
Il ne s’agit pas de se réjouir. A l’époque, toutes les personnes censées étaient d’accord pour dire que l’intervention de l’OTAN en 2011 - qui n’était pas prévue dans la résolution onusienne de sanction contre le régime de Kadhafi – était une erreur à ne pas commettre. Aujourd’hui, les Libyens payent le prix de l’intervention étrangère et de l’intrusion des Occidentaux qui sont à l’origine du chaos dans ce pays. Cette situation est planifiée, sinon comment expliquer que tous les cadres libyens susceptibles de faire fonctionner le pays sont soit tués, soit chassés de chez eux. Si vous me demandez comment, suivez l’actualité libyenne…
Vous semblez avoir de gros doutes sur la capacité d’Ali Zeidan à stabiliser la situation dans son pays…
Je vous rappelle que lui-même a été enlevé et qu’il n’a pu se protéger… Etant adepte de l’intervention et de l’ingérence étrangères, je ne le vois pas capable d’un tel rôle. En 2009, j’ai assisté à une réunion de la société civile des pays de la région MENA au Maroc, à laquelle était invité Ali Zeidan.
A l’ordre de jour : demander à la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton de faire pression sur les gouvernements des pays arabes pour qu’ils respectent les droits de l’Homme. Je veux bien, mais tout le monde sait quel sens donner à cette pression et ce à quoi elle a abouti. Aujourd’hui, la Libye est devenue un terrain de lutte entre les services secrets de plusieurs pays. Ces derniers manipulent à tous les échelons et compliquent la situation déjà tendue.
Que fera le gouvernement libyen si les groupes armés refusent de déposer les armes ?
Ecoutez, les groupes armés en Libye ne semblent pas disposés à déposer les armes. Il faut arrêter de croire que les tribus et les chefs des groupes armés vont accepter de se soumettre à la loi. Aujourd’hui, toutes les parties cherchent à renforcer leur position et s’armer davantage, car l’Etat ne peut plus assurer la sécurité des biens et des personnes. De plus, il n’y a plus de souveraineté en Libye. La preuve : le gouvernement a passé des accords avec des compagnies britanniques pour sécuriser ses frontières. Y a-t-il
souveraineté lorsqu’on confie la surveillance des frontières à des étrangers ? Pour reprendre votre première question, je crois que le gouvernement prépare l’opinion publique interne à accepter une présence plus accrue des forces sécuritaires étrangères. Il finira par dire à son peuple : puisque vous ne voulez pas déposer les armes, on appellera l’aide étrangère. Voilà ce qui se prépare à mon avis.
Quelles conséquences pour l’Algérie ?
Ce qui se passe en Libye nous concerne directement. Nous sommes forcés de suivre l’évolution de la situation et de gérer le chaos qui règne chez notre voisin. Avoir des forces étrangères à nos frontières dans un pays très fragilisé n’est pas une chose rassurante. Cela demande une mobilisation à tous les niveaux. De plus, il est à craindre qu’une détérioration nouvelle du climat politique et sécuritaire ne provoque à nouveau des flux migratoires et des fuites de civils se sentant en danger. L’Algérie ne pourra pas fermer ses frontières, elle doit accueillir tous ces gens et les prendre en charge et assurer en même temps l’intégrité territoriale de notre pays. Ce sont des tâches lourdes à supporter.
reporters.dz
Saïda Benhabyles : Les déclarations du Premier ministre libyen Ali Zeidan sont un aveu d’échec et une reconnaissance de la gravité de la situation interne devenue explosive. Lorsqu’un Premier ministre fait une déclaration pareille, cela signifie que le pays échappe à tout contrôle et la situation est ouverte à toutes les éventualités. Le gouvernement libyen, aujourd’hui, est incapable d’assurer la sécurité à ses propres membres. L’enlèvement d’Ali Zeidan lui-même, le mois dernier témoigne de la dégradation dangereuse de la situation sécuritaire en Libye. Ce pays est livré depuis la chute de Kadhafi à des groupes armés. Chacun essaie d’imposer son diktat. Avec une simple analyse, on se rend compte que l’Etat libyen n’existe plus. C’est les chefs des tribus et les groupes armés qui font la loi et non le gouvernement ou ses différents services.
Vous faites partie de ceux qui ne voyaient pas d’un bon œil la chute de Kadhafi. Cela vous réjouit-il que les évènements en cours en Libye vous donnent raison ?
Il ne s’agit pas de se réjouir. A l’époque, toutes les personnes censées étaient d’accord pour dire que l’intervention de l’OTAN en 2011 - qui n’était pas prévue dans la résolution onusienne de sanction contre le régime de Kadhafi – était une erreur à ne pas commettre. Aujourd’hui, les Libyens payent le prix de l’intervention étrangère et de l’intrusion des Occidentaux qui sont à l’origine du chaos dans ce pays. Cette situation est planifiée, sinon comment expliquer que tous les cadres libyens susceptibles de faire fonctionner le pays sont soit tués, soit chassés de chez eux. Si vous me demandez comment, suivez l’actualité libyenne…
Vous semblez avoir de gros doutes sur la capacité d’Ali Zeidan à stabiliser la situation dans son pays…
Je vous rappelle que lui-même a été enlevé et qu’il n’a pu se protéger… Etant adepte de l’intervention et de l’ingérence étrangères, je ne le vois pas capable d’un tel rôle. En 2009, j’ai assisté à une réunion de la société civile des pays de la région MENA au Maroc, à laquelle était invité Ali Zeidan.
A l’ordre de jour : demander à la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton de faire pression sur les gouvernements des pays arabes pour qu’ils respectent les droits de l’Homme. Je veux bien, mais tout le monde sait quel sens donner à cette pression et ce à quoi elle a abouti. Aujourd’hui, la Libye est devenue un terrain de lutte entre les services secrets de plusieurs pays. Ces derniers manipulent à tous les échelons et compliquent la situation déjà tendue.
Que fera le gouvernement libyen si les groupes armés refusent de déposer les armes ?
Ecoutez, les groupes armés en Libye ne semblent pas disposés à déposer les armes. Il faut arrêter de croire que les tribus et les chefs des groupes armés vont accepter de se soumettre à la loi. Aujourd’hui, toutes les parties cherchent à renforcer leur position et s’armer davantage, car l’Etat ne peut plus assurer la sécurité des biens et des personnes. De plus, il n’y a plus de souveraineté en Libye. La preuve : le gouvernement a passé des accords avec des compagnies britanniques pour sécuriser ses frontières. Y a-t-il
souveraineté lorsqu’on confie la surveillance des frontières à des étrangers ? Pour reprendre votre première question, je crois que le gouvernement prépare l’opinion publique interne à accepter une présence plus accrue des forces sécuritaires étrangères. Il finira par dire à son peuple : puisque vous ne voulez pas déposer les armes, on appellera l’aide étrangère. Voilà ce qui se prépare à mon avis.
Quelles conséquences pour l’Algérie ?
Ce qui se passe en Libye nous concerne directement. Nous sommes forcés de suivre l’évolution de la situation et de gérer le chaos qui règne chez notre voisin. Avoir des forces étrangères à nos frontières dans un pays très fragilisé n’est pas une chose rassurante. Cela demande une mobilisation à tous les niveaux. De plus, il est à craindre qu’une détérioration nouvelle du climat politique et sécuritaire ne provoque à nouveau des flux migratoires et des fuites de civils se sentant en danger. L’Algérie ne pourra pas fermer ses frontières, elle doit accueillir tous ces gens et les prendre en charge et assurer en même temps l’intégrité territoriale de notre pays. Ce sont des tâches lourdes à supporter.
reporters.dz
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