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« Pourquoi l’Occident ignore-t-il ses propres principes au Soudan ? »

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  • « Pourquoi l’Occident ignore-t-il ses propres principes au Soudan ? »

    LE MONDE | 12.11.2013 à 12h17 • Mis à jour le 12.11.2013 à 12h17 |
    Propos recueillis par Christophe Ayad

    Fondé il y a deux ans, le 12 novembre 2011, le Front révolutionnaire du Soudan (SRF) regroupe les principaux groupes rebelles du Darfour (SLM-Nour, SLM-Minnaoui et JEM) ainsi que le SPLM-Nord, actif dans les Monts Nouba et la province du Nil-Bleu. En guerre contre le gouvernement central de Khartoum, le chef du SRF, Malik Agar, était de passage à Paris du jeudi 7 novembre au lundi 11 novembre, pour plaider sa cause auprès de la France avant de se rendre en Allemagne et en Italie.

    Quel est le but de votre tournée européenne ?




    C'est la première fois que le SRF se rend en Europe en tant que groupe. Tous les chefs sont là, nous sommes un bloc uni : voilà le premier message ! Le deuxième, c'est que la guerre se poursuit au Soudan : le Darfour, les Monts Nouba et le Nil-Bleu sont quotidiennement bombardés, 3,2 millions de civils ont été déplacés en tout. Ils sont abandonnés à eux-mêmes, Khartoum leur refuse l'accès à l'aide humanitaire malgré les résolutions de l'Union africaine et du Conseil de sécurité de l'ONU. La réponse internationale n'est pas à la hauteur. Il faut clairement une nouvelle approche, on ne peut pas continuer comme ça. La France est un membre permanent du Conseil de sécurité, nous espérons qu'elle va exercer des pressions sur le gouvernement.
    Malgré l'indépendance du Soudan du Sud en juillet 2011, la guerre se poursuit au Nord. Comment expliquez-vous cela ?

    Ce régime est un régime de guerre. D'abord c'était le Sud, puis le Darfour, et maintenant les Monts Nouba et le Nil-Bleu sont en guerre. Il n'y a pas de solution ponctuelle. Ce pouvoir a signé 42 accords de paix et n'en a respecté aucun. Seule une approche globale peut mettre fin à la guerre. Ce qu'il faut, c'est changer les règles du jeu. C'est pourquoi nous avons fondé le SRF. Nous sommes une organisation politique et pacifique : si nous menons la guerre, c'est parce qu'elle nous a été imposée. Notre but est de régler les problèmes majeurs qui n'ont pas été traités depuis l'indépendance du Soudan [en 1956]. Nous avons rédigé la Charte de l'Aube nouvelle [à Kampala, en janvier 2013], qui regroupe 39 partis, mouvements de jeunesse, ONG et syndicats, ainsi que le SRF. Dans ce texte, nous nous prononçons pour une séparation entre les institutions religieuses et l'exécutif, contrairement au pouvoir actuel qui ne cesse de mélanger les deux. L'identité du Soudan ne peut pas être fondée sur une race et une religion, que ce soit l'arabité ou l'islam. Nous avons réglé une autre question importante : celle de savoir comment le Soudan va être gouverné, et non pas par qui. Le Soudan de demain sera décentralisé et fédéral. Le centre n'écrasera plus les provinces.

    Ce n'est pas la première fois que l'opposition s'unit. Mais le pouvoir a toujours réussi à la diviser et à survivre…

    Il y a une nouvelle dynamique au Soudan créée par les manifestations de la fin du mois de septembre contre la hausse des prix. La dégradation de la situation est réelle. C'est dû à la guerre : l'armée et les organes de sécurité absorbent 70 % du budget. Ajoutez à cela que Khartoum a perdu 70 % de ses recettes pétrolières depuis l'indépendance du Soudan du Sud [en juillet 2011] ! Aujourd'hui, les revenus de l'Etat sont de 4 milliards de dollars [3 milliards d'euros] par an, alors que les dépenses sont le double. Enfin, il y a la corruption endémique. Il n'est donc pas étonnant que les gens soient sortis dans la rue. Le gouvernement est provisoirement venu à bout de la contestation par une répression sans merci, qui a causé 250 morts et plus d'un millier de blessés, qui ne peuvent pas se rendre à l'hôpital de peur d'être arrêtés. Trois mille personnes ont été jetées en prison, des travailleurs, des femmes et même des adolescents : 1 200 seulement ont été relâchées.

    Depuis 1989, l'opposition annonce la chute imminente du régime…

    Mais ce régime est déjà tombé. La question est de savoir comment en finir avec ses résidus. Le système s'est dévoré de l'intérieur. Il y avait déjà eu la scission entre le président Omar Al-Bachir et Hassan Al-Tourabi à la fin des années 1990. Aujourd'hui, une trentaine de hauts responsables du Parti du Congrès national (NCP, au pouvoir) se présentant comme des réformateurs, dont le conseiller présidentiel Ghazi Salaheddine Atabani, menace de faire sécession. C'est une sérieuse fracture au sommet. Tout est possible aujourd'hui, même un coup d'Etat à l'intérieur du régime.

    Comment expliquez-vous le désintérêt des Occidentaux, qui s'étaient beaucoup mobilisés pour le Darfour au milieu des années 2000 ?

    Ils sont dans l'expectative. A l'évidence, les Américains préfèrent traiter avec Omar Al-Bachir, qu'ils connaissent bien, plutôt que de risquer le saut dans l'inconnu. Pourtant, il est inculpé de génocide par la Cour pénale internationale. Et son régime a formé et hébergé des terroristes sur tout le continent africain, de l'Egypte au Mali en passant par la Somalie, le Kenya et le Nigeria. Ils sortent tous de l'Université internationale pour l'Afrique de Khartoum. Même les combattants rescapés d'Al-Qaida au Mali sont aujourd'hui regroupés dans un camp près de Madani. Il n'y a rien de bon à attendre de ce régime.

    Le SRF est le seul mouvement dans le monde arabe à combattre l'extrémisme les armes à la main. Nous partageons les valeurs occidentales, celles de démocratie et de droits de l'homme. Pourquoi l'Occident ignore-t-il ses propres principes au Soudan ? Pourquoi commerce-t-il avec un régime criminel et terroriste ? Les Occidentaux font comme si l'indépendance du Soudan du Sud en 2011 avait tout réglé. Ce n'est absolument pas le cas, ils le savent parfaitement.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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