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L’éternité du figuier de barbarie

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  • L’éternité du figuier de barbarie

    - Où me mènes-tu père ?
    - En direction du vent, mon enfant

    A la sortie de la plaine où les soldats de Bonaparte édifièrent une butte
    Pour épier les ombres sur les vieux remparts de Saint-Jean-D’Acre
    Un père dit à son fils : N’aie pas peur
    N’aie pas peur du sifflement des balles
    Adhère à la tourbe et tu seras sauf. Nous survivrons
    Gravirons une montagne au nord, et rentrerons
    Lorsque les soldats reviendront à leurs parents au lointain

    - Qui habitera notre maison après nous, père ?
    - Elle restera telle que nous l’avons laissée mon enfant

    Il palpa sa clé comme s’il palpait ses membres et s’apaisa
    Franchissant une barrière de ronces, il dit
    Souviens-toi mon fils. Ici, les Anglais crucifièrent ton père deux nuits durant sur les épines d’un figuier de Barbarie
    Mais jamais ton père n’avoua. Tu grandiras
    Et raconteras à ceux qui hériteront des fusils
    Le dit du sang versé sur le fer

    - Pourquoi as-tu laissé le cheval à sa solitude ?
    - Que la maison reste animée, mon enfant. Car les maisons meurent quand partent leurs habitants

    L’éternité ouvre ses portes de loin aux passants de la nuit
    Les loups des landes aboient à une lune apeurée
    Et un père dit à son fils
    Sois fort comme ton grand-père
    Grimpe à mes côtés la dernière colline des chênes
    Et souviens-toi. Ici le janissaire est tombé de sa mule de guerre
    Tiens bon avec moi et nous reviendrons chez nous

    - Quand donc, mon père ?
    - Dans un jour ou deux, mon fils

    Derrière eux, un lendemain étourdi mâchait le vent dans les longues nuits hivernales
    Et les hommes de Josué bin Noun édifiaient leur citadelle
    Des pierres de leur maison
    Haletants sur la route du Cana, il dit : Ici
    Passa un jour Notre Seigneur. Ici
    Il changea l’eau en vin puis parla longuement de l’amour
    Souviens-toi des châteaux croisés
    Anéantis par l’herbe d’avril, après le départ des soldats

    Poèmes de Mahmoud Darwich...( traduits)
    dz(0000/1111)dz

  • #2
    Dans le poème L’Éternité du figuier de Barbarie de Mahmoud Darwich, un père et son fils dialoguent en quittant leur village, aux environs de Saint-Jean-d’Acre, en direction du Liban au cours de la guerre de 1948. Et l’enfant de demander : « Pourquoi as-tu laissé le cheval à sa solitude ? » Le poète a ainsi converti en littérature un des lieux communs consacrés par le discours mémoriel des réfugiés palestiniens : celui du cheval qu’on a oublié de détacher en quittant la maison au moment précipité de la fuite. Rappelant cette histoire (p. 26), Jihane Sfeir se propose de mettre à l’épreuve de la documentation historique, écrite et orale, non seulement ces « légendes de la nakba » (p. 26), mais d’une manière générale les idées reçues sur les Palestiniens du Liban. Autant la guerre de 1948 en Palestine a été l’objet d’une littérature abondante et renouvelée, autant l’expérience des réfugiés palestiniens juste après leur expulsion – ici, des premiers départs à l’été 1947 jusqu’au début du mandat du président libanais Camille Chamoun qui initia une politique sélective de « restitution de la nationalité libanaise » – est mal connue.
    La partie proprement palestinienne de l’histoire – le départ du village natal et les étapes successives jusqu’au Liban (chapitre 1) – constitue moins un nouveau récit de l’exode palestinien de 1948 que des histoires alternatives, reconstituées à travers des mémoires individuelles, au cours d’entretiens avec des survivants de cette époque. Le choix des témoignages retenus est avisé, car Jihane Sfeir ne s’est pas fondée sur des prénotions relatives à la composition de la population palestinienne, ce qui n’aurait fait qu’entériner un discours construit et trompeur sur la Palestine mandataire. A la place, elle propose une sorte de forme saturée de la population palestinienne, un survol casuistique des catégories significatives de celle-ci ; on y voit les réfugiés d’origine libanaise ou arménienne, très minoritaires, jouer un rôle d’importance, car le chapitre 2 montrent combien ils ont compté dans la définition différenciée des statuts des Palestiniens au Liban et dans la pensée institutionnelle des modes d’accueil et de secours.
    Le bât blesse lorsque l’on entre dans l’interprétation des témoignages. L’auteure oppose deux types de récits de l’exode des Palestiniens : un récit fortement structuré, la nakba, officialisé au point d’être aujourd’hui l’objet de commémorations (pp. 23-25) ; et des témoignages individuels sur l’avant, le pendant et l’après de l’exode, pour lesquels Jihane Sfeir emprunte à Rosemary Sayigh le terme de hijra (p. 31). C’est à ce dernier type de récits qu’elle donne la priorité, en s’appuyant sur le travail de Maurice Halbwachs sur la mémoire collective et en reprenant notamment l’idée de stations que cet auteur emprunte au vocabulaire du Chemin de croix pour décrire la constitution des pratiques de ressouvenir collectif aux lieux saints (p. 31). Je regrette que ce choix ne l’ait pas amenée à interroger davantage l’opposition qu’elle fait entre nakba comme « construction symbolique » et hijra comme « réalité historique » (p. 57). A mon sens, on a dans les deux cas affaire à une mémoire fortement socialisée et partiellement reconstruite.
    La référence à Halbwachs, en effet, inscrit le livre dans une tradition d’études des cadres sociaux de la mémoire, ancrés dans des lieux à travers des représentations collectives. Analyser la hijra individuelle en ces termes serait pertinent, mais conduirait à montrer non seulement combien celle-ci est affectée par l’appartenance sociale d’origine, ce que fait l’auteure, mais aussi combien elle est reconstruite, jusque dans les étapes citées. La référence à un événement connu, la bataille de Jeddine, dans le témoignage de Nazmiyyé (p. 52) incline le propos dans ce sens, qu’on pourrait poursuivre jusqu’à la production d’un récit complètement conformé à un modèle narratif socialisé comme celui de Khaled (pp. 54-56). Mais c’est principalement la subjectivité et les structures mentales, mises en avant dans les récits de Soraya et de sa fille Dounya (p. 46) qui sont utilisées dans l’ouvrage pour expliquer la cristallisation de la mémoire autour d’étapes précises. On pourrait arguer que la reconstruction est à la fois affaire de subjectivité et de représentations collectives, mais on tombe alors sur un deuxième problème, de méthode celui-là.
    En évoquant la part de subjectivité ou de socialisation dans les témoignages employés, on se retrouve confronté à un choix fondamental dans la constitution des sources orales : faut-il orienter le travail vers la constitution de faits, par accumulation des recoupements ? Ou bien s’agit-il au contraire de prendre la mémoire pour objet et, partant, de laisser aux personnes interrogées faire leur récit de vie sans recadrage de l’entretien ? Il semble que Jihane Sfeir ait opté pour des récits de vie, mais avec quelques questions ou avec répétition des entretiens pour approfondir le sujet, comme cela apparaît incidemment dans la présentation de l’histoire de Feryal (p. 40).
    Il y a là une question importante, qui traverse les études palestiniennes depuis plus de vingt ans. Le projet d’établissement d’une vérité factuelle au moyen d’archives et de sources orales correspond au désir de réhabiliter historiquement les Palestiniens face à un récit historique dominant. En revanche, la constitution d’une mémoire palestinienne par l’accumulation des récits de vie et des témoignages vise à tirer d’avant 1948 et de l’expérience des réfugiés des ressources culturelles assurant la pérennité du collectif national palestinien. Ces deux projets ont été les moteurs de nombreux programmes de documentation audiovisuelle sur la Palestine et les Palestiniens. Contrairement au gros des entretiens ainsi accumulés, Jihane Sfeir, qui du reste utilise ce type de matériau, cible l’usage qu’elle en fait en utilisant 1948 comme pivot pour orienter le propos des témoins ; mais elle a plus de succès en confrontant ces témoignages oraux à la documentation juridique, journalistique et statistique qu’elle manipule dans les chapitres suivants.
    C’est en effet la force de son travail que de donner de l’intelligibilité à son exploitation des archives en la croisant avec les témoignages oraux. Ceci lui permet d’avancer deux points principaux : d’une part, l’accueil des Palestiniens au Liban a été largement déterminé en fonction du précédent de l’accueil des réfugiés arméniens arrivés d’Anatolie orientale entre 1915 et 1939. D’autre part, la population palestinienne arrivant au Liban n’est pas conforme à leur image reconstruite a posteriori à partir des années 1960, à ceci près qu’il s’agit bien d’une population plus urbaine, plus éduquée, moins ultra-majoritairement musulmane que dans le reste de la diaspora.
    Le chapitre 2 traite de l’adaptation des Palestiniens à une double réalité libanaise : celle, nouvelle en 1949, de la fermeture des frontières entre deux entités territoriales où celle-ci était jusque là essentiellement formelle ; et celle du confessionnalisme, qui induit une différenciation du traitement entre catégories de réfugiés. Jihane Sfeir pousse assez loin cette analyse, en faisant du mode d’identification des Palestiniens un catalyseur de la cohésion nationale libanaise (p. 83), une idée hardie qui aurait gagnée à être étayée de comparaisons avec d’autres cas de production d’identité nationale par des biais administratifs. Les représentations des Palestiniens à l’époque et le précédent arménien influencent les pratiques de recensement étudiées au chapitre 3 qui, elles, contribuent à fonder l’identité palestinienne réfugiée autour de la carte donnant droit à l’aide alimentaire de l’UNRWA. Curieusement, l’auteure sépare ces thèmes de ceux du chapitre 4, qui analysent dans le détail les instrumentalisations du dénombrement et de la définition du statut des réfugiés à travers l’action de la principale organisation de secours au Liban, la Ligue des Sociétés de la Croix-Rouge.
    Les trois derniers chapitres font bloc : il s’agit à chaque fois de comparer la population réfugiée au Liban à la population palestinienne d’avant 1948 et à la population du pays d’accueil, sur le plan confessionnel et démographique, socioprofessionnel, et territorial à mesure que les réfugiés se fixent dans des camps particuliers, ou en dehors des camps. Le tout est d’un grand intérêt, même si on trouve ici une incohérence de chiffres (la proportion des chrétiens dans la population arabe de Palestine passe de 9,36 % en 1946 p. 169 à 12 % « avant 1948 » p. 199), là des analyses hasardeuses des statistiques (par exemple à propos du rôle du système sanitaire sur la natalité sous le Mandat, p. 172). Deux conclusions me semblent d’un intérêt tout particulier : tout d’abord, la population réfugiée au Liban se révèle nettement moins paysanne que ne le veut le discours rétrospectif du mouvement national palestinien, et on y trouve une variété de métiers et de qualifications qui rend plus compréhensible la mobilité professionnelle internationale des Palestiniens dès les années 1950. En outre, Jihane Sfeir démontre la pluralité de logiques et le degré d’autonomie des réfugiés lors de leur installation dans les camps, ce qui tranche fortement avec leur image actuelle d’enclaves marginalisées et assiégées.
    L’ouvrage souffre d’une conclusion trop brève et de redites. C’est dommage, car il constitue un réel enrichissement de l’historiographie du Liban contemporain, et vient combler une véritable lacune historiographique dans un domaine où règnent les fantasmes politiques.
    Philippe Bourmaud
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    • #3
      Fleur d'amndier


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