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Le droit des robots

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  • Le droit des robots

    Si la création et le développement d’Internet furent l’une des révolutions majeures de la fin du 20e siècle, aujourd’hui c’est vers la robotique que les regards se tournent.

    En effet, les robots sont déjà parmi nous : certainement moins en France qu’en Chine, au Japon ou en Corée, mais selon le Plan National pour la Robotique ils constituent déjà une nouvelle frontière et pourraient donc devenir la prochaine grande révolution industrielle avec un marché multiplié par 30 en seulement 10 ans.

    La Commission européenne a d’ailleurs estimé la seule robotique de service à 100 milliards d’euros en 2020. Mais alors, comment définir cette intelligence artificielle ?

    Selon l’ALTIF (Analyse et traitement informatique de la langue française), le robot peut être défini comme un « appareil effectuant, grâce à un système de commande automatique à base de micro-processeur, une tâche précise pour laquelle il a été conçu dans le domaine industriel, scientifique ou domestique ».

    La robotique, quant à elle, englobe l’ensemble des techniques permettant la conception, la réalisation de machines automatiques ou de robots. En effet, ce terme recouvre une réalité multiple. On distingue des services de robotiques trouvant application dans des domaines différents : robotique industrielle (industrielle automobile), robotique domestique (assistants pour personnes âgées), robotique médicale (robots chirurgicaux) ou encore militaire (drones).

    On peut également rajouter à ces multiples applications une dimension évolutive. A l’origine, la robotique commence avant les robots avec les automates. La différence fondamentale entre automate et robot se situe là : l’automate obéit à un programme préétabli, que ce soit de manière mécanique ou électrique, alors que le robot est doté de capteurs dont les actions sont décidées par l’intermédiaire de son programme en fonction de l’environnement.

    Depuis le début du 21e siècle, l’introduction de l’intelligence artificielle est en train de modifier considérablement les services robotiques avec la possibilité désormais offerte de créer des robots totalement autonomes. Ainsi, de nouveaux robots apparaissent et ont pour fonction première d’assister des personnes âgées ou des personnes à mobilité réduite dans leurs tâches quotidiennes. On imagine donc que les robots intégreront dans un futur proche une large partie de notre quotidien. Ainsi, avec le développement croissant de ces robots autonomes et interactifs, apparaît une véritable nécessité d’encadrer cette nouvelle technologie.

    Si l’on reste dans la comparaison avec la révolution Internet, la démocratisation de sa pratique a nécessité la création d’un cadre juridique adapté (Loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique). Dès lors, quel cadre juridique doit-on adopter concernant les robots ?

    I- L’encadrement législatif de la robotique
    A) Des outils juridiques existants limités

    S’il n’existe pas aujourd’hui de véritable encadrement législatif de la robotique, plusieurs outils juridiques épars permettent néanmoins d’encadrer les robots et plus largement la robotique. On retrouve ces outils dans différentes branches du droit : droit des contrats, droit de la consommation et droit de la propriété intellectuelle.

    Concernant le droit des contrats, la loi impose au vendeur professionnel deux obligations principales (article 1603 du Code civil) : l’obligation de délivrance qui se scinde en deux obligations principales ; une obligation de mise à disposition de la chose et une obligation de délivrance conforme, et une obligation de garantie. Cette dernière comprend deux objectifs distincts : garantir la jouissance paisible de la chose et garantir l’absence de défaut de la chose vendue. De plus, l’acheteur bénéficie aussi de la responsabilité du fait des produits défectueux encadrée par la loi du 19 mai 1998 qui insère les articles 1386-1 et suivants dans le Code civil.

    Cette responsabilité spéciale est la situation dans laquelle un producteur engage sa responsabilité délictuelle du fait d’un défaut de sécurité de l’un de ses produits ou services entraînant un dommage à une personne, quelle qu’elle soit. En outre, l’article 5 du décret du 20 juillet 2005 stipule que les équipements électriques et électroniques comme les appareils ménagers et les dispositifs médicaux doivent être conçus et fabriqués de façon à faciliter leur démantèlement et leur valorisation afin d’encadrer la responsabilité du producteur.

    Enfin, certains types de robots industriels tels que ceux intégrant une ligne de production doivent répondre aux exigences de sécurité prévues par la directive 2006/42/CE du 17 mai 2006 relative aux machines. La directive est entrée en application depuis le 29 décembre 2009.

    Concernant le droit de la propriété intellectuelle, des droits sont souvent revendiqués sur les robots sans que cela ne suscite de difficulté particulière. En effet, des brevets d’invention sont couramment accordés dans le domaine de la robotique (robots chirurgicaux). De plus, la forme ou les performances d’un robot offrent un champ d’application peu contestable au droit d’auteur (ex : tête de « Nao », robot de la société d’Aldebarran, est déposée au titre des dessins et modèles). On peut par ailleurs penser que le droit sui generis des bases de données pourrait s’appliquer pour les données chargées dans le robot et pour celles qu’il accumule en mémorisant de nouvelles expériences.

    B) Vers la création d’un droit sui generis

    Le cadre juridique actuel ne semble cependant pas pouvoir appréhender la diversité de la créativité que les robots vont engendrer. Si les robots ont pu, par le passé, augmenter la productivité des entreprises, améliorer les traitements et les interventions médicales et faciliter les tâches ménagères du quotidien, aujourd’hui, l’arrivée de certains prototypes semble nécessiter un cadre éthique et règlementaire particulier.

    En effet, avec la multiplication des interactions entre les robots de service et les humains, il peut être intéressant d’imaginer un statut juridique quelque peu identique à celui des personnes morales. Être doté de la personnalité signifie, dans le langage juridique, être apte à posséder des droits et à encourir des obligations. La personne, dans le sens qu’attribuent à ce terme les juristes, c’est l’être qui peut être sujet de droit. La création d’un statut sui generis permettrait ainsi aux robots d’avoir une personnalité juridique engendrant à leur égard un ensemble de droits et d’obligations. Cependant, même en reconnaissant un statut juridique aux robots, il semblerait difficile, voire impossible d’admettre une éventuelle responsabilité à ces machines. Le principe d’une responsabilité civile ou pénale des robots pose de nombreuses questions qui nécessiteraient de revisiter certaines des notions fondamentales de notre droit telles que la capacité de discernement, la conscience de commettre un acte illicite et la maîtrise de ses actes.

    II- L’imputabilité d’une responsabilité des robots
    A) Vers la création d’un régime spécial de responsabilité

    Le droit de la responsabilité civile, tel que prévu actuellement par le Code civil, repose sur trois notions fondamentales : une faute imputable à un individu, un dommage et un lien de causalité. Ainsi, pour que la responsabilité puisse être engagée, il faut que l’individu responsable ait le contrôle de ses actes et des conséquences que ces derniers engendrent. Par conséquent, cela implique que l’individu devient responsable si et seulement si il dispose d’une autonomie décisionnelle et comportementale. La personne doit donc prendre des décisions avec discernement. En ce sens, la jurisprudence a toujours refusé de retenir la responsabilité des machines, faute d’absence de capacité de discernement.

    Néanmoins, dès le début du 20e siècle, le législateur a commencé à prendre en compte la multiplication des dommages causés par les machines en instaurant une responsabilité de plein droit des choses que l’on a sous sa garde. Cela concernait les choses dont un individu a l’usage, la direction et le contrôle. La jurisprudence considère donc que la personne qui les contrôle sera tenue responsable. A l’inverse, c’est seulement dans le cas d’un dysfonctionnement que l’individu peut écarter sa responsabilité, cette dernière retombant sur le fabricant par le biais de la responsabilité des produits défectueux.

    On constate alors, dans le cas des robots ayant une certaine autonomie, la nécessité de faire évoluer le cadre juridique actuel. En effet, la responsabilité du fait des choses étant inapplicable en l’absence du critère de contrôle, la création d’un régime spécial semble inévitable.

    B) L’hypothèse d’une responsabilité de l’homme envers les robots

    Si l’idée d’une responsabilité de l’homme envers les robots contre d’éventuels abus peut paraître saugrenue, l’évolution de la robotique devrait nous amener à étudier une éventuelle protection juridique du robot. À titre d’exemple, les animaux sont aujourd’hui protégés contre les sévices et les actes de cruauté des humains. Le Code pénal réprime également de peines d’emprisonnement et d’amende les destructions, dégradations et détériorations des biens d’autrui.

    Le développement des robots ressemblant de plus en plus à des êtres humains capables de dégager de l’empathie et de l’émotion devrait encourager le législateur à créer une personnalité juridique spéciale combinée à un régime spécial de protection des robots. En effet, des observations scientifiques démontrent que les robots qui rendront des services aux humains dans leur vie quotidienne seront de plus en plus regardés avec anthropomorphisme.

    Même si ces observations ne permettent pas de comparer les robots aux animaux ou aux humains, elles pourraient conduire à réprimer le fait de porter des atteintes à l’intégrité des robots non pas pour protéger les atteintes matérielles en tant que telles, mais plutôt pour protéger la sensibilité des humains et les intérêts de la société.

    Par Me Cahen
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