Résistance 71
« Très tôt dans ma vie, j'ai remarqué qu'aucun évènement n'est jamais rapporté correctement dans la presse ; mais en Espagne, pour la première fois, j'ai vu des journaux rapporter des choses qui n'avaient absolument rien à voir avec les faits qui s'étaient déroulés, même pas une relation qui serait impliquée dans un mensonge des plus simples. J'ai vu de grandes batailles qui furent rapportées là où il ne se passa strictement rien et un silence total sur des faits qui virent la mort de centaines d'hommes... Ce genre de chose me fait vraiment peur, parce que cela me donne souvent le sentiment que le concept même de la vérité objective s'estompe de la face du monde. Après tout, les chances existent que ces mensonges, ou des mensonges plus simples, passeront pour faits historiques. »
~ George Orwell, 1942
« Hitler a reconnu au début des années 1920 l'affinité entre les mouvements nazi et communiste: 'Dans notre mouvement les deux extrêmes se rejoignent: les communistes depuis la gauche et les officiers et les étudiants depuis la droite. Ces deux entités ont toujours été les éléments les plus actifs... Les communistes furent les idéalistes du socialisme. »
~ Hannah Arendt citant Konrad Heiden, 1951
Georges orwell
© Inconnu
Sur le totalitarisme
George Orwell, extraits de son essai The Prevention of Literature (1946)
~ Traduit de l'anglais par Résistance 71 ~
[...]
Les ennemis de la liberté intellectuelle essaie toujours de présenter leur argument comme étant le cas de la discipline contre l'individualisme. L'issue de la vérité contre le mensonge est toujours tenue le plus à l'écart possible. Bien que le point d'emphase puisse varier, l'écrivain qui refuse de corrompre ses opinions est toujours catalogué comme un égoïste... En cela, le catholique et le communiste sont identiques en assumant qu'un opposant ne peut pas être à la fois honnête et intelligent. Chacun d'eux affirme tacitement que « la vérité » a déjà été révélée et que l'hérétique, s'il n'est pas simplement fou ou idiot, est secrètement au courant de la « vérité » et lui résiste à des fins égoïstes. Dans la littérature communiste, l'attaque sur la liberté intellectuelle est généralemement masquée derrière l'artifice oratoire d'« individualisme petit-bourgeois », ou des « illusions du libéralisme du XIXe siècle » etc... et renforcé par un vocabulaire abusif tel que « romantique » et « sentimental », qui n'ayant pas de signification vraiment unanime, est difficile à contrer. De cette manière la controverse est déviée du vrai problème.
[...]
Le mensonge organisé pratiqué par les états totalitaires n'est pas, comme cela est souvent avancé, un expédient temporaire de la même nature que le mensonge militaire. C'est quelque chose d'intégral au totalitarisme, quelque chose qui continuerait même si les camps de concentration et les forces de police secrète cessaient d'être nécessaire... Du point de vue totalitaire, l'histoire est quelque chose qui doit être créé et non pas appris. Un état totalitaire est en fait une théocratie et sa caste dirigeante, afin de garder sa position, doit être pensée comme étant infaillible. Mais comme bien sûr en pratique, personne n'est infaillbible, il est donc fréquemment nécessaire de réarranger les évènements du passé afin de montrer que cette erreur-ci ou celle-là ne furent pas faites ou que ce triomphe imaginaire-ci ou celui-là s'est en fait bien déroulé. Ainsi là encore, chaque changement de politique demande un changement correspondant de doctrine et une réévaluation des figures historiques prominentes. Ce genre de chose apparaît en fait partout, mais clairement cela a plus de chance de mener à une falsification totale dans les sociétés où seulement une seule opinion est permise à quelque moment que ce soit.
Le totalitarisme demande en fait, l'altération continue du passé et sur le long terme demande probablement un manque de croyance dans l'existence d'une vérité objective. Les amis du totalitarisme dans ce pays, tendent généralement à argumenter que la vérité absolue et sincère n'est pas atteignable et qu'un gros mensonge n'est pas pire qu'un petit. Il est noté que toutes les archives historiques sont biaisées et imprécises, ou alors que la physique moderne a prouvé que ce qui nous paraît être le véritable monde n'est en fait qu'une illusion et que par conséquent croire en ce que nous disent nos sens n'est que vulgaire pensée philistine.
Une société totalitaire qui parvient à se perpétuer elle-même mettrait probablement en place un système schizophrénique de pensée, dans lequel les lois du sens commun tenues pour juste dans la vie de tous les jours et dans certaines sciences exactes, pourraient être ignorées par les politiciens, les historiens et les sociologues. Il y a déjà un grand nombre de personnes qui jugerait scandaleux de falsifier un livre scientifique, mais qui ne trouve rien à dire sur la falsification du narratif d'évènements historiques. C'est à ce point où la littérature et la politique se croisent que le totalitarisme exerce sa plus grande pression sur l'intellectuel.
Pour maintenir la chose en perspective, laissez-moi ici répéter ce que j'ai dit au début de cet essai : En Angleterre, l'ennemi immédiat de la vérité et donc de la liberté de pensée, est le groupe constitué des grands patrons de la presse, des magnats du cinéma et des bureaucrates, mais que sur le long terme, l'affaiblissement de désir de liberté parmi les intellectuels eux-mêmes, est le symptôme le plus sérieux d'entre tous.
[...]
Aussi loin que la liberté d'expression soit concernée, il n'y a pas de différence entre un simple journaliste et l'écrivain imaginatif les plus « apolitique ». Le journaliste n'est pas libre et est parfaitement conscient de son manque de liberté, lorsqu'il est forcé d'écrire des mensonges ou de supprimer ce qu'il considère pourtant comme une nouvelle importante : l'écrivain imaginatif n'est pas libre quand il doit falsifier ses sentiments subjectifs, qui de son point de vue sont des faits. Il peut déformer et caricaturer la réalité afin de rendre sa pensée plus claire, mais il ne peut pas mal représenter la scène de sa propre pensée: il ne peut pas dire avec une grande conviction qu'il aime ce qu'il n'aime en fait pas, ou croit ce à quoi il ne croit pas. S'il est forcé à le faire, le seul résultat sera qu'il verra ses facultés créatrices se tarir... Il n'y a pas de littérature non politique à proprement parler, certainement pas dans une ère telle que la nôtre, lorsque les peurs, les haines et les loyautés d'un genre politique direct sont si près de la surface de la conscience de tout à chacun.
[...]
« Très tôt dans ma vie, j'ai remarqué qu'aucun évènement n'est jamais rapporté correctement dans la presse ; mais en Espagne, pour la première fois, j'ai vu des journaux rapporter des choses qui n'avaient absolument rien à voir avec les faits qui s'étaient déroulés, même pas une relation qui serait impliquée dans un mensonge des plus simples. J'ai vu de grandes batailles qui furent rapportées là où il ne se passa strictement rien et un silence total sur des faits qui virent la mort de centaines d'hommes... Ce genre de chose me fait vraiment peur, parce que cela me donne souvent le sentiment que le concept même de la vérité objective s'estompe de la face du monde. Après tout, les chances existent que ces mensonges, ou des mensonges plus simples, passeront pour faits historiques. »
~ George Orwell, 1942
« Hitler a reconnu au début des années 1920 l'affinité entre les mouvements nazi et communiste: 'Dans notre mouvement les deux extrêmes se rejoignent: les communistes depuis la gauche et les officiers et les étudiants depuis la droite. Ces deux entités ont toujours été les éléments les plus actifs... Les communistes furent les idéalistes du socialisme. »
~ Hannah Arendt citant Konrad Heiden, 1951
Georges orwell
© Inconnu
Sur le totalitarisme
George Orwell, extraits de son essai The Prevention of Literature (1946)
~ Traduit de l'anglais par Résistance 71 ~
[...]
Les ennemis de la liberté intellectuelle essaie toujours de présenter leur argument comme étant le cas de la discipline contre l'individualisme. L'issue de la vérité contre le mensonge est toujours tenue le plus à l'écart possible. Bien que le point d'emphase puisse varier, l'écrivain qui refuse de corrompre ses opinions est toujours catalogué comme un égoïste... En cela, le catholique et le communiste sont identiques en assumant qu'un opposant ne peut pas être à la fois honnête et intelligent. Chacun d'eux affirme tacitement que « la vérité » a déjà été révélée et que l'hérétique, s'il n'est pas simplement fou ou idiot, est secrètement au courant de la « vérité » et lui résiste à des fins égoïstes. Dans la littérature communiste, l'attaque sur la liberté intellectuelle est généralemement masquée derrière l'artifice oratoire d'« individualisme petit-bourgeois », ou des « illusions du libéralisme du XIXe siècle » etc... et renforcé par un vocabulaire abusif tel que « romantique » et « sentimental », qui n'ayant pas de signification vraiment unanime, est difficile à contrer. De cette manière la controverse est déviée du vrai problème.
[...]
Le mensonge organisé pratiqué par les états totalitaires n'est pas, comme cela est souvent avancé, un expédient temporaire de la même nature que le mensonge militaire. C'est quelque chose d'intégral au totalitarisme, quelque chose qui continuerait même si les camps de concentration et les forces de police secrète cessaient d'être nécessaire... Du point de vue totalitaire, l'histoire est quelque chose qui doit être créé et non pas appris. Un état totalitaire est en fait une théocratie et sa caste dirigeante, afin de garder sa position, doit être pensée comme étant infaillible. Mais comme bien sûr en pratique, personne n'est infaillbible, il est donc fréquemment nécessaire de réarranger les évènements du passé afin de montrer que cette erreur-ci ou celle-là ne furent pas faites ou que ce triomphe imaginaire-ci ou celui-là s'est en fait bien déroulé. Ainsi là encore, chaque changement de politique demande un changement correspondant de doctrine et une réévaluation des figures historiques prominentes. Ce genre de chose apparaît en fait partout, mais clairement cela a plus de chance de mener à une falsification totale dans les sociétés où seulement une seule opinion est permise à quelque moment que ce soit.
Le totalitarisme demande en fait, l'altération continue du passé et sur le long terme demande probablement un manque de croyance dans l'existence d'une vérité objective. Les amis du totalitarisme dans ce pays, tendent généralement à argumenter que la vérité absolue et sincère n'est pas atteignable et qu'un gros mensonge n'est pas pire qu'un petit. Il est noté que toutes les archives historiques sont biaisées et imprécises, ou alors que la physique moderne a prouvé que ce qui nous paraît être le véritable monde n'est en fait qu'une illusion et que par conséquent croire en ce que nous disent nos sens n'est que vulgaire pensée philistine.
Une société totalitaire qui parvient à se perpétuer elle-même mettrait probablement en place un système schizophrénique de pensée, dans lequel les lois du sens commun tenues pour juste dans la vie de tous les jours et dans certaines sciences exactes, pourraient être ignorées par les politiciens, les historiens et les sociologues. Il y a déjà un grand nombre de personnes qui jugerait scandaleux de falsifier un livre scientifique, mais qui ne trouve rien à dire sur la falsification du narratif d'évènements historiques. C'est à ce point où la littérature et la politique se croisent que le totalitarisme exerce sa plus grande pression sur l'intellectuel.
Pour maintenir la chose en perspective, laissez-moi ici répéter ce que j'ai dit au début de cet essai : En Angleterre, l'ennemi immédiat de la vérité et donc de la liberté de pensée, est le groupe constitué des grands patrons de la presse, des magnats du cinéma et des bureaucrates, mais que sur le long terme, l'affaiblissement de désir de liberté parmi les intellectuels eux-mêmes, est le symptôme le plus sérieux d'entre tous.
[...]
Aussi loin que la liberté d'expression soit concernée, il n'y a pas de différence entre un simple journaliste et l'écrivain imaginatif les plus « apolitique ». Le journaliste n'est pas libre et est parfaitement conscient de son manque de liberté, lorsqu'il est forcé d'écrire des mensonges ou de supprimer ce qu'il considère pourtant comme une nouvelle importante : l'écrivain imaginatif n'est pas libre quand il doit falsifier ses sentiments subjectifs, qui de son point de vue sont des faits. Il peut déformer et caricaturer la réalité afin de rendre sa pensée plus claire, mais il ne peut pas mal représenter la scène de sa propre pensée: il ne peut pas dire avec une grande conviction qu'il aime ce qu'il n'aime en fait pas, ou croit ce à quoi il ne croit pas. S'il est forcé à le faire, le seul résultat sera qu'il verra ses facultés créatrices se tarir... Il n'y a pas de littérature non politique à proprement parler, certainement pas dans une ère telle que la nôtre, lorsque les peurs, les haines et les loyautés d'un genre politique direct sont si près de la surface de la conscience de tout à chacun.
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