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Avec les neutrinos, une nouvelle astronomie ?

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  • Avec les neutrinos, une nouvelle astronomie ?

    LE MONDE SCIENCE ET TECHNO
    Marco Zito


    Image de synthèse représentant le passage d'"Ernie" le neutrino le plus énergétique détecté par IceCube, un dispositif creusé dans la glace en Antarctique, en janvier 2012.
    La revue Science a annoncé, vendredi 22 novembre, des détections de neutrinos obtenues en Antarctique par la collaboration IceCube. Nous republions à cette occasion une chronique de Marco Zito qui avait évoqué en juin ces résultats déjà présentés lors d'un congrès scientifique.

    Les peuples des mégalithes, il y a plusieurs milliers d'années, pratiquaient déjà l'astronomie, tout comme les grandes civilisations antiques en Chine ou en Egypte. Depuis, ces observations ont continué et ont été une source constante de découvertes sur le système solaire, sur notre galaxie et sur l'Univers. Or, toutes ces observations ont été basées sur la même source physique, les ondes électromagnétiques. Ce fut la lumière d'abord, puis d'autres régions du spectre, comme les ondes radio ou les rayons X.
    Avec l'observation par la collaboration IceCube de neutrinos provenant en toute probabilité d'une source astrophysique, nous entrons dans une nouvelle ère, celle où l'on utilise aussi les neutrinos pour observer l'Univers. Si l'on considère une source très lointaine, un photon (une particule de lumière) émis par cette source pourrait être absorbé en chemin.

    Les particules chargées comme les protons peuvent être absorbées ou déviées par des champs magnétiques. Les neutrinos, au contraire, sont des particules qui présentent le grand avantage d'interagir très peu avec la matière. Ils pourraient donc être un messager de choix pour explorer l'Univers très lointain. A condition de réaliser un détecteur d'une masse très grande, de l'ordre du milliard de tonnes. A cette fin, on peut utiliser un milieu naturel, par exemple l'eau de la mer ou d'un lac, ou la glace. Ainsi, un de ces détecteurs, Antares, est situé dans les profondeurs de la Méditerranée, au large de Toulon.

    Le laboratoire IceCube situé dans le station Amundsen-Scott au pôle sud est le plus grand détecteur de neutrinos du monde.
    IceCube est l'un de ces détecteurs hors norme, situé au pôle Sud et constitué par un réseau de 5 160 photomultiplicateurs coulés dans la glace, à une profondeur moyenne de 2 000 m. Cela permet de détecter la lumière émise par les particules chargées produites par les interactions des neutrinos, et cela dans un cube d'un kilomètre de côté, volume jamais atteint auparavant.

    Pour calibrer ce détecteur, on observe les rayons cosmiques, constitués entre autres de protons de très haute énergie. Ceux dont la direction pointe vers la Lune sont en nombre plus faible car une partie a été absorbée par notre satellite : on observe une sorte d'ombre de la Lune. Cela permet de vérifier la précision de ce télescope souterrain d'un nouveau type.

    Vue en coupe du détecteur de neutrinos IceCube.
    Les premiers résultats (arxiv.org/abs/1304.5356/) de cet effort ont été présentés en 2012. Après deux ans de prises de données, on observe deux événements, surnommés "Ernie" et "Bert" en référence aux personnages du "Muppet Show". L'énergie de ces deux amis est cent fois supérieure à celle des faisceaux de l'accélérateur de particules LHC de Genève. Cette annonce a suscité une certaine curiosité, mais était insuffisante pour tirer des conclusions fermes. De nouveaux résultats ont été récemment montrés en conférence par la collaboration IceCube. Une nouvelle analyse plus sophistiquée permet de déceler 28 événements au total. Si cela est confirmé, il s'agirait d'un nouveau signal produit par une source inconnue. Ces événements semblent provenir de tout le ciel de façon uniforme.

    Quelle pourrait être leur origine ? Il pourrait s'agir d'objets extragalactiques, où ont lieu des phénomènes très énergétiques, peut-être les mêmes qui produisent les "sursauts gamma", des bouffées de photons très intenses. Il pourrait aussi s'agir d'interactions ou de désintégrations d'une nouvelle particule, ce qui établirait une nouvelle échelle de masse, bien au-delà du boson de Higgs et de tout ce qu'on connaît. Un début lumineux pour une nouvelle ère de l'astronomie.

    Physicien des particules, Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives

    Marco Zito
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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