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Expressions et caractéristiques de la névrose en Algérie , Nacir Benhalla

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  • Expressions et caractéristiques de la névrose en Algérie , Nacir Benhalla

    Psychiatres, psychologues et psychanalystes s’accordent à dire que la névrose est une affection caractérisée par des troubles affectifs et émotionnels tels que phobies, angoisses, obsessions, asthénie... Ils soulignent que le malade en est conscient, mais ne peut se débarrasser de ces troubles qui, par ailleurs, n’altèrent pas l’intégrité de ses fonctions mentales.

    Cette approche globale de la névrose par la médecine moderne reste, du moins, la première idée qui vient à l’esprit. Or, le sujet est beaucoup plus complexe, voire même très délicat. Forcément, cela oblige de sortir des sentiers battus afin de voir les choses sous un meilleur angle. S’agissant de la réalité algérienne, l’idée a nécessairement des ramifications, des racines qui pourront conduire à des éclairages et des découvertes insoupçonnés. Dans son étude, le docteur Nacir Benhalla cherche justement les arborescences de cette névrose «algérienne», chez les hommes jeunes en particulier. Il veut aller en profondeur dans son champ d’analyse et voir plus loin que le bout des théories généralement assimilées.

    A travers son ouvrage Expressions et caractéristiques de la névrose en
    Algérie, Nacir Benhalla psychologue clinicien a ainsi le mérite de proposer de nouvelles pistes de recherche et de réflexion. Il a surtout réalisé un travail remarquable tant sur les plans de la méthodologie et de la rigueur scientifique, qu’au niveau de la qualité et de la variété du corpus soumis à l’étude.

    Evidemment, ce n’est pas là le fruit du hasard, Nacir Benhalla exerçant comme psychothérapeute à Alger depuis plus de vingt ans.

    Et c’est ce regard vif sur l’univers des patients, ce jugement critique de professionnel que le lecteur, le chercheur et le praticien sont invités à découvrir dans ce livre qui met au jour une belle somme d’expériences quotidiennes. A la base de cette étude, une idée directrice : «Comprendre comment un vécu ou une pratique sociale s’imbriquerait dans le psychisme, et après avoir subi des transformations multiples, donnerait tel ou tel type de pathologie.» Ou, dit autrement : «La question essentielle que j’ai posée et sur laquelle repose toute ma démarche peut être résumée ainsi : y a-t-il une relation de cause à effet entre le vécu socioculturel et la psychopathologie des patients qui nous consultent ?» La réflexion n’est pas nouvelle, certes, mais pareille problématique tisse fort à propos le fil conducteur qui amènera le docteur Nacir Benhalla à développer une pertinente analyse sur la souffrance mentale et ses modes d’expression, ainsi que sur l’origine de cette souffrance et son traitement.

    Et comme le souligne l’éditeur, en quatrième de couverture, «les 300 sujets soumis à l’étude, sélectionnés au hasard sur une période de 10 ans, représentent une véritable expérience qui met en exergue leurs motifs de consultation, la nature de leur souffrance et la manière avec laquelle le vécu socioculturel s’imbrique dans leur vie pour développer une psychopathologie spécifique». Mais pourquoi avoir ciblé particulièrement le jeune
    adulte ? Parce que, explique le psychothérapeute, «les personnes qui demandent une aide psychologique sont majoritairement des hommes, leur âge varie entre 20 et 30 ans, ils sont souvent célibataires».
    Dans cette étude basée sur les méthodes descriptive et clinique et qui a recours à la théorie psychanalytique, Nacir Benhalla va ainsi s’évertuer à (dé) montrer «comment les données socioculturelles contribuent à la névrose du jeune Algérien».

    A l’origine, les multiples bouleversements, désorganisations et crises cycliques subis par la société algérienne durant les périodes les plus sombres de son histoire. Cela a généré un phénomène d’acculturation, une sorte de «dépression réactionnelle» qui se répercute en premier sur la cellule familiale. Exemple le plus récent, «le vécu de la violence terroriste suffit pour constater l’échec de la transmission des normes et des vertus qui faisaient jadis la fierté de l’Algérien et qui faisaient partie intégrante de son identité». Sur la base de ce constat (l’absence de la culture), le psychologue clinicien établit tout un réseau de liens entre culture et identité, culture et violence, modèles identificatoires et sentiments de culpabilité, frustrations individuelles et/ou collectives et conduites défensives, etc. Et quand «la culture ne joue plus son rôle cathartique libérateur», inévitablement l’individu est privé des moyens et des espaces où il «exprime sa douleur, sublime ses conflits et atténue ses angoisses». Bien sûr, Nacir Benhalla n’oublie pas de rappeler que le rôle du psychothérapeute c’est justement «de déterminer la part de la singularité psychique du sujet et la part de la violence collective» (ou des marasme et malaise collectifs).

    Le psychothérapeute souligne d’ailleurs, à juste titre, que la névrose dans ses diverses formes (obsessionnelle, hystérique, phobique...) n’est jamais semblable sur le fond chez les individus, en Occident et dans notre société. Car si, en Occident, la personne névrosée n’est pas «soumise au «camouflage» social», il en est autrement chez nous, «du moment que notre culture ne tolère pas l’expression des désirs comme en Occident». Résultat : l’aspect socioculturel «reste caractérisé par une répression sociale très forte, l’image identificatoire au père faible, les désirs manquent de voies expressives». Aussi, pour éviter les erreurs de diagnostic, le docteur Nacir Benhalla préfère privilégier l’étude clinique du cas par cas pour traiter ses patients. Telle est, de façon générale, la thèse défendue par le chercheur dans son ouvrage.

    Quant aux ramifications et autres nombreux détails (ou cas concrets) dont regorge le livre, le lecteur pourra en prendre connaissance tout au long des sept chapitres (dont trois théoriques et quatre pratiques).
    Par exemple, il découvrira avec beaucoup d’intérêt les pistes et réflexions sur la quête du père, la pratique et les traditions religieuses, les pratiques magico-religieuses (roqia, désenvoûtement, rbit...), la vie sexuelle des sujets, les effets de la guerre de libération, l’emprise de la mère, l’image du corps, etc. Après une magistrale démonstration fondée sur cinq hypothèses de travail que viennent corroborer trois exemples parmi ses patients, le docteur Nacir Benhalla peut alors conclure, à juste raison, que «l’inconscient collectif façonne d’une certaine manière la structure de la personne». Autrement dit, «la psychopathologie est en rapport étroit avec le vécu socioculturel au sens large du terme. C’est une pathologie dévoilant une crise identitaire multifactorielle». Nul doute que cet ouvrage — qui mérite d’être lu attentivement — devra inspirer les travaux d’autres universitaires et chercheurs.

    Hocine Tamou Le Soir

    Nacir Benhalla, Expressions et caractéristiques de la névrose en Algérie (préface du professeur Mustapha Haddab), éditions l’Harmattan, Paris 2013, 308 pages, 30,50 euros.
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