Écrit par Samira Hadj Amar
Parcours atypique ! En quittant l’Algérie au début des années 1980, Mohamed Saâdi était loin de se douter du destin qui l’attendait de l’autre côté de la Méditerranée. A Paris, il est obligé de repartir à zéro. Son diplôme de comptabilité, obtenu dans une école en Algérie, n’était pas reconnu. Qu’à cela ne tienne, de tout en bout, il travaillera dur jusqu’à monter un cabinet comptable sur la plus belle avenue du monde : les Champs-Elysées. Une institution qui compte aujourd’hui un millier de clients issus pour la plupart du star-système français. Son rêve américain en France n’aurait pu se concrétiser complètement sans que sa culture originelle, le berbère, trouve une place d’honneur dans son existence. Mohamed Saâdi est actuellement le patron du groupe de télévisions & radios BRTV. Du Maghreb, à la France, la conquête des territoires pour étendre l’identité et la culture berbères de cet homme n’a pas de frontières. En mars prochain, c’est le Canada qui abritera les locaux de la nouvelle filiale du groupe BRTV. Rencontré à l’occasion de la venue du chanteur Idir à Alger, Mohamed Saâdi a bien voulu se livrer à nous.
Reporters : Comment s’est organisée la venue du symbole de la musique berbère, Idir, à Alger ? Etes-vous à l’origine de cet événement qui marquera longtemps les esprits des présents au forum de Liberté lundi dernier ?
Mohamed Saâdi : J’ai simplement reçu un mail en septembre dernier de la direction du journal Liberté, puis un autre de l’animateur du forum, Ahmed Lahri. A la suite de cet échange de courriels, j’en ai parlé à Idir, je lui ai expliqué ce qu’il en était, il m’a donné son accord de principe. Vous savez, Idir est un ami de longue date, j’ai beaucoup d’affection pour lui. L’accompagner dans cette rencontre m’honore de la confiance qu’il a en moi. En même temps, il faut savoir que nous avons, lui et moi, le même cap, le même objectif… Il y a une telle communion entre nous qui fait que je l’accompagne souvent dans différentes manifestations officielles ou semi-officielles à Paris et ailleurs, et lui de même ! C’est un garçon qui est intelligent, ouvert… et pour moi, c’est toujours un plaisir d’être à ses côtés !
Vous avez créé le premier Festival international des musiques amazighes, c’était en septembre dernier au Parc floral, à Paris ; comment ce projet est-il né ?
Je suis allé au Maroc plusieurs fois, parce qu’il se trouve que le producteur principal du Festival de la tolérance qui se tient à Agadir chaque année est l’un de mes clients, parce que, ce que vous ne savez peut-être pas sur moi, est que je suis expert-comptable, il s’agit d’une société française qui est affiliée au groupe Lagardère. D’ailleurs, cette même société organise plusieurs festivals très importants à Paris et qui donc s’occupe de ce festival à Agadir en partenariat avec les autorités royales marocaines et également la chaîne France2. Et à ce titre, je vous informe que Berbère TV sera également de la partie pour la prochaine édition du Festival d’Agadir. Lorsque j’ai vu toute l’organisation faite autour de ce festival et d’autres également, en rentrant à Paris. Il faut que je vous dise aussi que, de par mon métier de financier, je côtoie énormément de personnalités de l’audiovisuel, du cinéma et du spectacle, et ces personnes organisent en parallèle des événements culturels et artistiques. De ce fait, je me suis demandé pourquoi ne pas organiser un festival des musiques berbères pour montrer, faire découvrir et créer un lien avec des artistes français, anglo-saxons…
Le principe est d’exposer cette musique pendant deux jours. J’ai alors demandé le soutien de la mairie de Paris, que j’ai obtenu immédiatement, et nous avons tenu cette première édition dans un cadre exceptionnel : le Parc floral ! Pourquoi le Parc floral ? Un an auparavant, j’avais assisté à un concert d’Idir là-bas, j’ai été émerveillé par le cadre ouvert avec du soleil. Il y a à la fois une scène ouverte et semi-ouverte ; l’espace réservé au public est couvert juste par rapport au ciel. Le déclic s’est fait immédiatement, j’ai pris des photos en me disant que ça se passera là.
Connaissant la montée du racisme et de la xénophobie en France, en avez-vous souffert ou subi pendant l’organisation de cet événement ou autre ?
Non, il n’y a pas de racisme ! Je m’appelle Mohamed Saâdi, je suis arrivé en France en 1980, aujourd’hui, je suis à la tête d’un cabinet d’expert-comptable avec une cinquantaine d’employés, j’ai près de mille clients. Jamais au grand jamais je n’ai rencontré d’embûche ! Je m’explique, il y a de très bons côtés en France pour les 95% des Français et pour les 10% restants, un peu plus nombreux aujourd’hui d’après les sondages, ils traversent des épreuves ! En fait, ce chiffre, comme le racisme, oscille selon que les affaires de la France vont bien ou que c’est la crise. Moi, la France que je regarde, c’est la France accueillante et généreuse, la France qui d’où que vous venez pour peu que vous avez des initiatives et respectez les règles de droit sur place, vous n’avez alors aucun obstacle dans la réalisation de vos projets !
Justement, en vous écoutant parler, on a le sentiment que vous avez vécu une véritable success story, le rêve américain d’un Algérien à Paris…
C’est vrai que lorsque je quitte aujourd’hui mon domicile pour aller à mon cabinet, quelquefois, je me touche pour voir si c’est vrai ou je rêve encore ! (rires). Mes bureaux sont sur la plus belle avenue du monde : les Champs-Elysées ! Berbère TV est à Montreuil sur 1 200 m2. Je dois dire que mon expérience de Berbère TV est plus forte que mon expérience professionnelle dans les finances, même si dans la salle d’attente de mon cabinet, vous allez trouver des stars qui passent sur les chaînes TF1, France2… Ce n’est pas ça qui m’impressionne le plus, mais c’est lorsque je regarde aujourd’hui Berbère TV, je me dis : d’où t’est venue cette force mystérieuse qui t’a amené à créer une chaîne de télévision, il y a 15 ans ! Pour moi, à ce jour, c’est une énigme ! Pour l’anecdote, j’emmenais souvent ma mère en Kabylie dans les années 1985 jusqu’en 1987. Elle me demandait souvent dans la voiture de mettre la chaîne kabyle. Mon frère me disait de ne pas me fatiguer parce qu’à cette époque, les émissions d’expression kabyle étaient « arrêtées » ou les horaires de diffusion étaient réduits à Alger. Dans ce contexte, vous ne pouvez que ressentir de la souffrance ! Un sentiment que j’ai longtemps porté en moi ! Une souffrance par rapport à ma langue, à ma culture ! C’est probablement ce ressenti aussi qui m’a amené à créer une chaîne de télévision et radio plus tard. Toujours est-il que ça ne c’est pas fait comme ça ! En fait, quand j’ai sorti le film La Colline oubliée, le film en langue berbère d’Abderrahmane Bouguermouh à Paris, parce qu’il faut dire qu’il était dans un état désastreux, je l’ai donc pris en charge. En fin de compte, j’ai été très heureux de constater l’afflux du public sur les Champs-Elysées et tout l’intérêt accordé à l’œuvre de Mouloud Mammeri à travers ce film. Il faudrait être de fer pour ne pas réagir ! C’est là où je me suis demandé comment continuer l’aventure !
Parcours atypique ! En quittant l’Algérie au début des années 1980, Mohamed Saâdi était loin de se douter du destin qui l’attendait de l’autre côté de la Méditerranée. A Paris, il est obligé de repartir à zéro. Son diplôme de comptabilité, obtenu dans une école en Algérie, n’était pas reconnu. Qu’à cela ne tienne, de tout en bout, il travaillera dur jusqu’à monter un cabinet comptable sur la plus belle avenue du monde : les Champs-Elysées. Une institution qui compte aujourd’hui un millier de clients issus pour la plupart du star-système français. Son rêve américain en France n’aurait pu se concrétiser complètement sans que sa culture originelle, le berbère, trouve une place d’honneur dans son existence. Mohamed Saâdi est actuellement le patron du groupe de télévisions & radios BRTV. Du Maghreb, à la France, la conquête des territoires pour étendre l’identité et la culture berbères de cet homme n’a pas de frontières. En mars prochain, c’est le Canada qui abritera les locaux de la nouvelle filiale du groupe BRTV. Rencontré à l’occasion de la venue du chanteur Idir à Alger, Mohamed Saâdi a bien voulu se livrer à nous.
Reporters : Comment s’est organisée la venue du symbole de la musique berbère, Idir, à Alger ? Etes-vous à l’origine de cet événement qui marquera longtemps les esprits des présents au forum de Liberté lundi dernier ?
Mohamed Saâdi : J’ai simplement reçu un mail en septembre dernier de la direction du journal Liberté, puis un autre de l’animateur du forum, Ahmed Lahri. A la suite de cet échange de courriels, j’en ai parlé à Idir, je lui ai expliqué ce qu’il en était, il m’a donné son accord de principe. Vous savez, Idir est un ami de longue date, j’ai beaucoup d’affection pour lui. L’accompagner dans cette rencontre m’honore de la confiance qu’il a en moi. En même temps, il faut savoir que nous avons, lui et moi, le même cap, le même objectif… Il y a une telle communion entre nous qui fait que je l’accompagne souvent dans différentes manifestations officielles ou semi-officielles à Paris et ailleurs, et lui de même ! C’est un garçon qui est intelligent, ouvert… et pour moi, c’est toujours un plaisir d’être à ses côtés !
Vous avez créé le premier Festival international des musiques amazighes, c’était en septembre dernier au Parc floral, à Paris ; comment ce projet est-il né ?
Je suis allé au Maroc plusieurs fois, parce qu’il se trouve que le producteur principal du Festival de la tolérance qui se tient à Agadir chaque année est l’un de mes clients, parce que, ce que vous ne savez peut-être pas sur moi, est que je suis expert-comptable, il s’agit d’une société française qui est affiliée au groupe Lagardère. D’ailleurs, cette même société organise plusieurs festivals très importants à Paris et qui donc s’occupe de ce festival à Agadir en partenariat avec les autorités royales marocaines et également la chaîne France2. Et à ce titre, je vous informe que Berbère TV sera également de la partie pour la prochaine édition du Festival d’Agadir. Lorsque j’ai vu toute l’organisation faite autour de ce festival et d’autres également, en rentrant à Paris. Il faut que je vous dise aussi que, de par mon métier de financier, je côtoie énormément de personnalités de l’audiovisuel, du cinéma et du spectacle, et ces personnes organisent en parallèle des événements culturels et artistiques. De ce fait, je me suis demandé pourquoi ne pas organiser un festival des musiques berbères pour montrer, faire découvrir et créer un lien avec des artistes français, anglo-saxons…
Le principe est d’exposer cette musique pendant deux jours. J’ai alors demandé le soutien de la mairie de Paris, que j’ai obtenu immédiatement, et nous avons tenu cette première édition dans un cadre exceptionnel : le Parc floral ! Pourquoi le Parc floral ? Un an auparavant, j’avais assisté à un concert d’Idir là-bas, j’ai été émerveillé par le cadre ouvert avec du soleil. Il y a à la fois une scène ouverte et semi-ouverte ; l’espace réservé au public est couvert juste par rapport au ciel. Le déclic s’est fait immédiatement, j’ai pris des photos en me disant que ça se passera là.
Connaissant la montée du racisme et de la xénophobie en France, en avez-vous souffert ou subi pendant l’organisation de cet événement ou autre ?
Non, il n’y a pas de racisme ! Je m’appelle Mohamed Saâdi, je suis arrivé en France en 1980, aujourd’hui, je suis à la tête d’un cabinet d’expert-comptable avec une cinquantaine d’employés, j’ai près de mille clients. Jamais au grand jamais je n’ai rencontré d’embûche ! Je m’explique, il y a de très bons côtés en France pour les 95% des Français et pour les 10% restants, un peu plus nombreux aujourd’hui d’après les sondages, ils traversent des épreuves ! En fait, ce chiffre, comme le racisme, oscille selon que les affaires de la France vont bien ou que c’est la crise. Moi, la France que je regarde, c’est la France accueillante et généreuse, la France qui d’où que vous venez pour peu que vous avez des initiatives et respectez les règles de droit sur place, vous n’avez alors aucun obstacle dans la réalisation de vos projets !
Justement, en vous écoutant parler, on a le sentiment que vous avez vécu une véritable success story, le rêve américain d’un Algérien à Paris…
C’est vrai que lorsque je quitte aujourd’hui mon domicile pour aller à mon cabinet, quelquefois, je me touche pour voir si c’est vrai ou je rêve encore ! (rires). Mes bureaux sont sur la plus belle avenue du monde : les Champs-Elysées ! Berbère TV est à Montreuil sur 1 200 m2. Je dois dire que mon expérience de Berbère TV est plus forte que mon expérience professionnelle dans les finances, même si dans la salle d’attente de mon cabinet, vous allez trouver des stars qui passent sur les chaînes TF1, France2… Ce n’est pas ça qui m’impressionne le plus, mais c’est lorsque je regarde aujourd’hui Berbère TV, je me dis : d’où t’est venue cette force mystérieuse qui t’a amené à créer une chaîne de télévision, il y a 15 ans ! Pour moi, à ce jour, c’est une énigme ! Pour l’anecdote, j’emmenais souvent ma mère en Kabylie dans les années 1985 jusqu’en 1987. Elle me demandait souvent dans la voiture de mettre la chaîne kabyle. Mon frère me disait de ne pas me fatiguer parce qu’à cette époque, les émissions d’expression kabyle étaient « arrêtées » ou les horaires de diffusion étaient réduits à Alger. Dans ce contexte, vous ne pouvez que ressentir de la souffrance ! Un sentiment que j’ai longtemps porté en moi ! Une souffrance par rapport à ma langue, à ma culture ! C’est probablement ce ressenti aussi qui m’a amené à créer une chaîne de télévision et radio plus tard. Toujours est-il que ça ne c’est pas fait comme ça ! En fait, quand j’ai sorti le film La Colline oubliée, le film en langue berbère d’Abderrahmane Bouguermouh à Paris, parce qu’il faut dire qu’il était dans un état désastreux, je l’ai donc pris en charge. En fin de compte, j’ai été très heureux de constater l’afflux du public sur les Champs-Elysées et tout l’intérêt accordé à l’œuvre de Mouloud Mammeri à travers ce film. Il faudrait être de fer pour ne pas réagir ! C’est là où je me suis demandé comment continuer l’aventure !
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