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Résumé des présidentielles pour ceux qui n'ont pas compris

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    Résumé des présidentielles pour ceux qui n'ont pas compris



    En gros, pour beaucoup d'Algériens, l'équation se résume à deux pieds dans une même chaussure impaire, au bord d'une grande falaise: coincés entre un homme déjà mort et un homme qui n'existe pas. Pour les présidentielles bien sûr.

    L'homme mort, on le connaît, on le voit chaque jour, il est mort mais il ne le sait pas, la guerre est finie mais pas sa guerre, il murmure mais déjà dans l'au-delà, se lève mais à moitié dans la terre, signe des textes mais avec l'index qui est la dernière partie à se rendre au ciel quand le corps a tout compris. L'homme mort représente une époque morte, une façon de mort de gérer la vie, un générique, un vieux jardin, une façon d'être en colère et de parler de la France et de la traîtrise, une façon de ne pas compter l'argent du pays, comme un mort et de recevoir les gens comme des revenants. Il veut rester mais ce n'est pas lui qui décide, il s'accroche mais le temps glisse passe et ne se retourne pas, il croit servir son pays mais ne sert que son prénom et son désir. On le sait, on le connaît, il nous tue et tue le temps, le nôtre surtout.

    L'autre homme qui nous prend au piège est l'homme qui n'existe pas. Celui qui n'est pas encore né, qu'on ne laisse pas venir au monde, sauf à pied et pieds nus, celui qui devra changer notre monde, parler notre langue et nous parler de l'avenir, pas de la guerre; du bonheur, pas de sa maladie; de nos enfants, pas de son frère. L'homme qui n'existe pas est attendu depuis longtemps et cela nous fait vieillir, on a cru l'avoir vu, aperçu ou croisé mais à chaque fois il se décompose en illusions. Certains ont cru bon de se faire passer pour lui, parler en son nom ou jurer que lui c'est eux, comme il a dit lui, sans eux. Car depuis le temps qu'on en rêve, on ne veut même plus se réveiller: un Algérien bon, parlant en algérien, n'ayant pas fait la guerre pour ne pas devoir la refaire contre nous, jeune comme un fruit arrivé, souriant, pas en colère contre soi ni en haine contre les siens, capable de voir loin, de construire avec les mains et de réconcilier notre noyau avec nos lèvres et nos paroles avec nos nuages. Le régime ne l'a jamais laissé s'accoucher de lui-même, détruit tout ce qui pourra lui donner jour, le réduit en poussière avant l'œuf et prétend que c'est impossible, que nous sommes ingouvernables autrement que par les morts et ingérables sauf par le bâton ou la semoule. L'homme qui n'existe pas n'existe ni dans le FLN, ni dans l'armée, ni en avocat, ni en journaliste leader, ni en père de famille, ni en courant d'air et préfèrera mourir bébé que de s'appeler Sid Saïd. Tout lui tourne le dos alors que lui tourne autour de notre terre depuis mille ans.

    Et c'est équation: si on vote pour un mort, on vote pour tuer le temps et la récolte et détruire la dernière chance de ce pays. Et en même temps, en face, l'homme qui n'existe pas n'arrive pas. Se fait attendre, se fait expulser, est empêché, surveillé dans le ventre de sa mère. «Sans moi, c'est le chaos», dit l'homme mort. «Sans moi, c'est sans issue», dit l'homme qui n'existe pas. On est donc coincés.

    par Kamel Daoud

    Le Quotidien d'Oran
    " Celui qui passe devant une glace sans se reconnaitre, est capable de se calomnier sans s'en apercevoir "
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