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La migration nocturne des oiseaux, une épreuve extrême

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  • La migration nocturne des oiseaux, une épreuve extrême

    De nombreux oiseaux migrateurs parcourent plusieurs milliers de kilomètres en voyageant la nuit. Comment surmontent-ils une telle épreuve ?

    Imaginez-vous sur un long vol de nuit. Les turbulences et le manque de confort vous empêchent de dormir. Lorsque vous arrivez à l'aéroport au petit matin, vous êtes déshydraté et de mauvaise humeur, mais une journée de réunions importantes vous attend. Le soir, vous ne souhaitez rien d'autre qu'une douche chaude et un long sommeil. Malheureusement, vous devez retourner à l'aéroport pour un autre vol de nuit.

    Vous supporterez un tel programme de temps en temps, mais imaginez que ce soit votre rythme quotidien : travail de jour et vol de nuit, pendant plusieurs semaines d'affilée. Imaginez aussi qu'il n'y ait ni boissons ni nourriture à bord de l'avion. Et dernier détail : c'est vous qui fournissez l'énergie nécessaire au vol en pédalant sur un vélo fixe.

    C'est bien sûr impossible. Pourtant, des milliards d'oiseaux accomplissent une performance similaire deux fois par an, lorsqu'ils migrent entre leurs sites de reproduction d'été et leurs zones d'hivernage. Parmi les 700 espèces d'oiseaux au moins qui nichent en Amérique du Nord, plus de 400 migrent (contre environ 200 en France). Dans le monde entier, les oiseaux migrateurs déclinent plus vite que les autres. Comprendre les défis auxquels ils sont confrontés est capital pour leur protection.

    La migration requiert de spectaculaires changements saisonniers de comportement et de physiologie. À la fin de l'été, après l'envol des oisillons, les oiseaux muent et remplacent leurs plumes, anciennes et abîmées, par de nouvelles. En outre, ils se nourrissent abondamment – on parle d'hyperphagie. Cette quête de nourriture se traduit par une activité frénétique à cette époque de l'année. L'hyperphagie des oiseaux s'accompagne d'importants changements de la masse et de la composition de leur corps, qui devient très gras.

    Les oiseaux partent ensuite pour un voyage de plusieurs semaines. Ils passent l'hiver dans des régions plus chaudes, qui leur offrent des ressources suffisantes. Puis ils muent à nouveau, avant une autre période d'hyperphagie de plusieurs semaines. Quand la durée des jours et la température ont assez augmenté, ils repartent en migration vers des sites de reproduction. À leur arrivée, les mâles délimitent des territoires. Des couples se forment, construisent des nids et pondent des œufs. Bientôt, ceux-ci éclosent, et les parents consacrent presque toute leur énergie à nourrir les poussins. Si le temps le permet, ils peuvent s'accoupler de nouveau et avoir une seconde couvée. Puis le cycle recommence (voir la figure 1).

    À l'évocation du mot migration, on pense souvent à une formation d'oies en V. Cependant, dans de nombreux cas, les migrations d'oiseaux sont difficiles à observer. Ainsi, la plupart des passereaux (des oiseaux chanteurs et d'autres espèces apparentées) migrent de nuit. Quels sont les avantages de telles migrations nocturnes ? Comment les oiseaux en supportent-ils les contraintes physiologiques et de quelle façon s'orientent-ils ? Quand dorment-ils ? Des études récentes ont apporté quelques réponses, mettant notamment en évidence le rôle des horloges biologiques internes.

    Les humains prennent des vols de nuit pour les divers avantages qu'ils offrent, tels des billets moins chers ou la possibilité de passer la journée sur le lieu de destination. Dans une étude publiée en 2011, Guy Beauchamp, de l'Université de Montréal, a analysé les migrations diurnes ou nocturnes de multiples oiseaux d'Amérique du Nord. Ses résultats suggèrent qu'un voyage de jour est bénéfique pour les espèces sociales, qui migrent en grands ensembles et restent groupées parce que les oiseaux voient leurs congénères. Les migrations nocturnes, quant à elles, permettraient d'éviter les prédateurs, de minimiser le stress thermique et les pertes d'eau par évaporation, et de réduire les dépenses énergétiques (en raison d'une plus faible turbulence de l'air). Ce serait particulièrement avantageux pour les petits oiseaux ; et, de fait, la plupart d'entre eux migrent de nuit. En outre, voler la nuit libère une partie de la journée pour la quête de nourriture.

    Des ombres devant la Lune
    Comment sait-on que des oiseaux migrent la nuit ? On a d'abord remarqué que des groupes d'oiseaux changent d'endroit entre le soir et le lendemain matin. Depuis les années 1880, des ornithologues étudient les vols nocturnes en observant la Lune et en attendant que des oiseaux passent devant elle. On répertorie aussi les cris d'oiseaux en vol entendus la nuit : une liste a été publiée en 1899, mais cette technique n'a pris son essor que dans les années 1950, grâce à des avancées en matière d'enregistrement des sons. Lors du développement des radars, dans les années 1940, des « signaux fantômes » se sont révélés être des oiseaux migrants ; depuis, le radar est très utilisé pour l'étude des migrations. Nombre de ces méthodes sont encore en service ; elles ont juste été un peu perfectionnées.

    L'activité migratoire nocturne est aussi étudiée en laboratoire, où diverses manifestations physiologiques et comportementales persistent. En période de migration, les oiseaux qui la pratiquent ont des comportements stéréotypés pendant la nuit, nommés Zugunruhe (littéralement, inquiétude migratoire). Ils...

    Paul Bartell et Ashli Moore
    pour la science
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