Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Staline et son gang

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Staline et son gang

    L'ouverture des archives russes et la parole libérée d'ultimes témoins ont permis d'affiner le portrait simpliste du tyran rouge, mais aussi d'en savoir plus sur des personnalités clés de son régime comme Beria et Joukov. Les 60 ans de sa mort voient paraître ces jours-ci une rafale d'ouvrages sur le sujet.

    Staline et son gang
    Si l'on excepte la Russie où son image demeure majoritairement positive, Iossif Djougachvili, alias Joseph Staline, «l'Homme de fer» qui succéda à Lénine à la tête de l'URSS, reste connu comme une sorte de bourreau borné, paranoïde et assoiffé de sang. A de rares exceptions près, les biographes de Staline passent à côté de sa complexité. Si personne ne conteste la cruauté bureaucratique du «tsar rouge» et la terreur qu'il inspirait à ses proches, force est de constater que son charisme atypique, ses talents d'écrivain et de poète, sa passion pour l'art, ses traits de mari, de père de famille, et une certaine jovialité ainsi qu'un goût pour les blagues de potache ont été effacés avec la même célérité que les services de la propagande soviétique faisaient disparaître des photographies officielles les caciques du régime tombés en disgrâce.

    L'historien britannique Robert Service, loué pour ses travaux sur Trotski et Lénine, a publié voilà une dizaine d'années un portrait de Staline aujourd'hui enfin traduit en français (1) : dans un livre dense, clair et... humain, l'auteur présente un être truffé de contradictions qui, précisément, ont façonné son destin. De sa naissance en Géorgie le 6 décembre 1878 jusqu'à sa mort en 1953, celui qui deviendra le vojd («guide») a bel et bien connu plusieurs vies, nées d'une extraordinaire propension à échapper à la mort : fils d'un savetier brutal et alcoolique surnommé «Besso le fou», le garçon, rescapé par miracle de la variole et d'un accident grave, se révèle prêt à tout pour s'imposer comme chef d'une bande de voyous de Gori, ville du centre de la Géorgie. Orienté vers la prêtrise par sa mère, pieuse et aimante, il s'affirme comme un élève brillant auquel est dispensé un enseignement de haut niveau.

    Le jeune Joseph n'en demeure pas moins imprégné d'un esprit de vendetta caucasienne qui le conduira à cultiver un vif amour de la violence et de la révolte, jusqu'à quitter le séminaire sans explication, embrassant la cause marxiste et s'adonnant un temps au braquage de banques pour le compte du parti bolchevique. Entré très tôt dans le premier cercle de Vladimir Ilitch Oulianov, il sera dès 1917 un commissaire politique violent et orageux. Fin politique négligé par ses rivaux et vainqueur surprise de la guerre de succession ouverte à la disparition de Lénine, l'instigateur de la collectivisation des terres, de la mise à mort des koulaks et des grandes purges se rendra également responsable d'immenses famines et d'une industrialisation à marche forcée.

    Staline, agacé par les «flatteurs» et en proie à des poussées de fièvre antisémite, fut aussi celui qui, faute de mieux, noua une entente calculée avec son pire ennemi - Hitler -, avant de devenir, dès 1941, «l'homme de l'année» de Time, et le prestigieux maître d'œuvre d'une défaite nazie pour laquelle son peuple et sa patrie payèrent le prix fort. Mais Robert Service va plus loin : son travail dépasse l'analyse de la personnalité d'un dictateur prompt à éliminer ceux qui le connaissent trop bien, pour replacer le Géorgien dans son environnement, soulignant ici l'importance d'un entourage fluctuant, le poids du système totalitaire dont il a hérité et qui limitait, au moins dans les années 30, l'étendue de son pouvoir.

    Deux séides de poids

    Le dévouement de personnalités clés joua un rôle décisif dans le règne du stalinisme : Lavrenti Beria, chef de la police politique en 1938, est à compter parmi ceux-là. Comme son maître, ce natif de Géorgie est issu d'un milieu en proie à la misère. Première étude sérieuse depuis 1978, la biographie richement documentée que lui consacre l'historien Jean-Jacques Marie (3), Beria, le bourreau politique de Staline, rappelle que ce criminel de masse décidé à alimenter «l'archipel du goulag» avec un zèle sans pareil témoigna aussi d'un redoutable flair politique.

    Nullement entravée par ses sinistres penchants, sa carrière météorique fut pourtant brisée à la mort de Staline, même si les signes annonciateurs de la chute se firent sentir lors de l'arrestation de sa propre épouse. Clairvoyant, Beria avait compris que l'URSS ne tiendrait pas longtemps sous une chape de plomb répressive. Sa volonté de réforme lui valut donc d'être exécuté comme l'artisan d'un complot aussi imaginaire que ceux que lui-même prêta à tant d'opposants réels ou supposés. La biographie que consacre Françoise Thom au Janus du Kremlin diverge en certains points, notamment sur les circonstances de sa mort.

    Comme d'autres, le maréchal Joukov s'étonna de la joyeuse fébrilité avec laquelle Beria, suspecté d'avoir empoisonné le vojd, prépara la succession du mourant. Ce grand militaire, pur autodidacte né en 1896 et à peine alphabétisé, a connu le baptême du feu en tant que simple soldat, franchissant tous les grades jusqu'à pénétrer le premier cercle des staliniens à la faveur de son succès de 1939 contre les troupes japonaises, qui le propulsera à la tête de l'armée Rouge.

    De fait, Gueorgui Joukov fut l'un des rares responsables de haut rang à oser tenir tête au «patron» pour imposer sa stratégie, notamment lorsque les blindés allemands n'étaient plus qu'à une vingtaine de kilomètres du centre de Moscou. Ecrit d'une plume élégante, l'ouvrage que lui consacrent Jean Lopez et Lasha Otkhmezuri (4) offre une porte d'entrée originale sur la Russie tsariste, l'URSS et les trente premières années de la guerre froide.

    C'est pourtant de façon fort logique que le rôle de Joukov pendant la Seconde Guerre mondiale occupe le cœur du propos. Fascinés par leur sujet, les auteurs manifestent toutefois une nette tendance à hypertrophier son poids (important mais pas décisif), qui contraste avec celui d'un Staline cantonné ici à l'image classique du dictateur cruel, au détriment des manœuvres élaborées par ce dernier pour s'attacher le contrôle de l'armée via des maréchaux ainsi intégrés à la nomenklatura. Il n'empêche, le livre tord le cou à quelques légendes tenaces, à l'instar du mythe d'un Joukov formé en Allemagne, et démontre combien son action, toujours maîtrisée en des heures où un soldat soviétique tombait littéralement toutes les deux secondes, se fera sentir bien après la guerre, grâce au gigantesque appareil militaire qu'il contribua à forger.

    Face à Barbarossa

    Pour tous ces hommes, Staline inclus, la «grande guerre patriotique» déclenchée le 22 juin 1941 par le déferlement de 210 divisions nazies en territoire soviétique marque un avant et un après. S'appuyant sur une colossale bibliographie et un vaste fonds d'archives plurinationales, Nicolas Bernard (5) propose une lecture très fine du conflit, dont de multiples aspects sont ici révisés avec pertinence : l'auteur réfute par exemple la thèse toujours dominante d'un plan Barbarossa grevé, le 22 juin 1941, par le soutien d'Hitler à Mussolini en Grèce et les opérations dans les Balkans : l'appui en question n'a en effet requis que 3 % des blindés affectés à l'invasion de l'URSS.

    Exempt de l'anticommunisme primaire qui renvoie souvent dos à dos Staline et Hitler, Bernard détaille aussi les coulisses diplomatiques du pacte germano-soviétique. Ses développements sur l'aspect économique - trop peu connu - qui présidait à la stratégie hitlérienne emportent tout autant l'adhésion. Rigoureux, il démontre que l'assaut de Stalingrad n'avait rien d'une fixette hitlérienne, l'avancée nazie vers les ressources pétrolières de Bakou ne pouvant s'accommoder d'une présence ennemie sur ses flancs.

    Dans la grande tradition des synthèses anglo-saxonnes, l'historien change de focale pour s'intéresser, aussi, au sort des sans-grade et des civils exposés à la barbarie, et broyés par la soif de conquête du Führer entrée en collision avec l'obsession offensive du «patron» qu'était Staline. Augmenté d'une réflexion mémorielle, son travail fait la part belle à l'histoire militaire : Bernard explique la nature particulière du choc entre la doctrine de guerre allemande (un Blitzkrieg mâtiné de racisme vis-à-vis du Russe supposé inférieur) et la doctrine soviétique (ou «art opératif») dominée par l'offensive.

    Le talent de vulgarisateur de l'historien rend passionnante la présentation de ces mouvements de troupes, qui s'apparentent ici à de morbides parties d'échecs, soldées côté soviétique par 27 millions de morts, presque autant de sans-abri, 18 millions de blessés et mutilés, sans oublier l'incommensurable bilan des destructions. Staline et les siens en sortiront vainqueurs, tirant des vastes champs de ruines une puissance inédite.

    1) Staline, Perrin, 732 p., 29 euros.

    (2) Beria. Le Janus du Kremlin, éditions du Cerf, 928 p., 30 euros.

    (3) Beria, le bourreau politique de Staline, Tallandier, 512 p., 25,90 euros.

    (4) Joukov, l'homme qui a vaincu Hitler, Perrin, 732 p., 28 euros.

    (5) La Guerre germano-soviétique, 1941-1945, Tallandier, 797 p., 29,90 euros.

    REPÈRES

    6 décembre 1878:

    Naissance de Jossef Djougachvili en Géorgie, fraîchement conquise par le tsar. Dans sa biographie officielle parue en 1938, Staline prétendait être né le 21 décembre 1879.

    Décembre 1905:

    Celui qui se fait désormais appeler Staline rencontre Lénine en Finlande.

    1929:

    Staline, à peine cinquantenaire, devient le maître de l'URSS en se présentant comme l'héritier et le gardien de la mémoire d'un Lénine avec lequel il s'était pourtant brouillé.

    25 novembre 1938:

    Beria devient officiellement chef du NKVD, qu'il dirige en fait depuis plusieurs mois.

    Janvier 1941:

    Le maréchal Joukov, âgé de 44 ans, est nommé à la tête de l'état-major général de l'armée Rouge.

    22 décembre 1953:

    Peu après la mort de Staline, Beria, candidat à sa succession, est jugé et exécuté.

    Octobre 1957:

    Membre du Comité central, le maréchal Joukov est accusé de préparer un putsch.
    Marianne

  • #2
    Ce type a massacré son propre peuple et le nombre des victimes s'élève à plusieurs dizaines de millions de morts dans le Goulag ... et pourtant on parle plus des crimes commis par Hitler que de ce sanguinaire nommé Staline ...:22:

    Commentaire

    Chargement...
    X