Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Relire Ibn Khaldoun, un immense savant maghrébin et universel

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Relire Ibn Khaldoun, un immense savant maghrébin et universel

    Bonjour, le prodigieuse aventure et destinée d'Ibn Khaldoun...
    ------------------------------------------------------------------------
    Il était une fois une famille arabe, originaire du Hadramaout, au sud de la péninsule arabique, qui décida d'émigrer en Andalousie où elle s'installa, tout d'abord, à Carmona, puis à Séville.

    Cela se passait au VIIIème siècle. Cinq autres siècles passèrent au cours desquels cette famille apporta à l'Etat andalou de hauts dignitaires et quelques esprits brillants, dans les domaines des sciences et des arts. Chassée par la Reconquista, vers le milieu du XIIIème siècle, elle choisit de s'établir à Tunis où, de nouveau, elle marqua rapidement de son empreinte la vie politique et culturelle de la cité.

    Dans ce cénacle privilégié, qui avait pignon sur rue au sein de la société tunisoise, naquit, un 27 mai 1332, un certain Abou Zeid Abd Ar Rahman Ibn Mohammed Ibn Khaled Al Hadhrami Ibn Khaldoun dont le seul nom devait s'imposer au fronton des grands personnages de la pensée universelle.

    Ibn Khaldoun est, en effet, l'un des plus importants penseurs arabes dont la notoriété et la dimension sont reconnues par toutes les sphères intellectuelles contemporaines, qu'elles soient occidentales ou orientales. Même si son oeuvre est, depuis quelque temps, dénigrée, plus ou moins violemment, par certains écrivains arabes, il n'empêche que la plupart des cercles d'intellectuels reconnaissent que sa méthode d'analyse des mécanismes sociaux et politiques était en avance de plusieurs siècles sur tous les autres chercheurs contemporains, notamment européens.

    Fait indéniable, Ibn Khaldoun fut un historien et un sociologue, avant la lettre, des sociétés arabe, berbère et perse tout à fait exceptionnel et son oeuvre, pourtant amputée, constitue un classique de la Connaissance universelle dont l'apprentissage devrait normalement figurer en bonne place dans les manuels scolaires des pays du Maghreb qui le revendiquent jalousement alors qu'il leur est commun.

    Un parcours tumultueux

    Orphelin à l'âge de seize ans, ses parents ayant été emportés par la peste qui ravagea Tunis durant les années 1348-1349, Ibn Khaldoun entre, 1352, en qualité de secrétaire, au service du sultan Abou Ishaq. La même année, une guerre éclate entre l'émir de Tunis et celui de Constantine. Ibn Khaldoun décide alors de se réfugier à Biskra pour retourner, deux ans plus tard, à Tunis où il prend épouse au sein d'une famille influente.

    Cette existence n'ayant pas l'heur de le satisfaire, malgré le confort et la sécurité de sa position, tant il était assoiffé de savoir, il gagne Fès afin d'y approfondir sa formation intellectuelle. Il réussit, grâce à sa très grande intelligence, à se faire nommer secrétaire principal du sultan Abou Inan. Mais celui-ci, manipulé par certains courtisans hostiles, jette Ibn Khaldoun en prison en 1356. C'est, là, la première grande rupture de son existence tumultueuse.
    Liens Pertinents
    Afrique du Nord
    Livres
    Algérie

    Libéré après la mort du sultan, il devient cadi et s'installe à Grenade, en 1362. Ibn Khaldoun se lie, à ce moment-là, d'amitié avec un philosophe réputé, Ibn Khatib. En 1365, il quitte l'Andalousie pour Bougie où l'un de ses amis, le prince hafside Abou Abdallah, vient de prendre le pouvoir. Il y obtient le poste de Premier ministre et assure les fonctions de prédicateur à la Grande Mosquée d'El Qaçaba. Lorsque la ville de Bougie tombe entre les mains d'Abou Abbas, autre prince hafside, Ibn Khaldoun prend alors la fuite et se réfugie à Tlemcen, chez le prince Abdelwalid Abou Hammou, qui le charge de se rendre à Biskra afin d'y recruter des soldats parmi les tribus arabes des Dhawawidas.

    Cinq ans plus tard, le voici qui regagne Tlemcen pour assumer les fonctions de Premier ministre. Mais c'est aussitôt la guerre avec le monarque de Fès. Voulant retourner à Biskra, Ibn Khaldoun est arrêté par des soldats mérinides lancés à sa poursuite et il n'aura la vie sauve qu'en acceptant de se rendre, une fois de plus, à Biskra pour y recruter des combattants pour le compte de Fès.

    Lassé d'être la proie des événements, et pour échapper à la vindicte d'Abou Hammou, alias l'émir Abdelwalid, qui réclame vengeance, Ibn Khaldoun renonce aux honneurs et s'établit, en 1375, dans une forteresse appartenant à son ancien protecteur, la Qalaa des Bani Salama, située sur un piton, à proximité de Taghazaout, (non loin de Frenda) où il rédige la Muqaddima et une partie de l'Histoire des Berbères. Il y séjournera trois ans.En 1378, il regagne Tunis où il obtient un poste de professeur. Son enseignement est d'une qualité telle que les étudiants n'hésitent pas à déserter les cours de son puissant rival, Ibn Arafa, pour assister aux siens, de sorte que son rival déclencha une cabale contre lui. En 1382, Ibn Khaldoun, lassé des complots et des polémiques stériles, quitte Tunis pour l'Egypte.

    La suite...
    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin

  • #2
    Le roi Barqouq l'y nomme grand cadi, fonction dont il sera rapidement spolié, ne survivant plus que grâce aux enseignements qu'il prodiguera sans cesse, jusqu'à la fin de sa vie.

    Cruauté du destin, sa famille à laquelle il avait demandé de gagner Le Caire disparut dans un naufrage, au large de la Libye. Cette catastrophe fut l'épreuve la plus terrible de toute son existence. En 1401, Ibn Khaldoun rencontre Tamerlan, tristement célèbre pour sa cruauté. Le roi égyptien Farraj, fils de Barqouq, souhaite repousser les troupes turco-mongoles et se fait accompagner à Damas par de nombreuses personnalités dont Ibn Khaldoun. Ce dernier retourne au Caire et récupère sa charge de grand cadi qu'il exercera jusqu'à sa mort, un mercredi 19 mars 1406.

    Vainqueur et vaincu

    Tel est l'itinéraire foisonnant et acéré de cet esprit illustre qui, tournant le dos aux convenances et aux usages de son temps, franchissait, à maintes reprises, les Rubicon de la société politique qu'il servait et dont il se servait, au gré des circonstances.

    Trois décennies durant, il a vécu de pérégrination en pérégrination, fuyant les attaches et l'ancrage, de capitale en capitale, à travers le Maghreb et l'Andalousie.

    Il connut la vanité des hautes charges dont il mesura vite la gloire éphémère et s'il fut, tour à tour, chambellan, secrétaire, conseiller, confident, vizir et grand vizir des maîtres de chaque cité, il goûta tout autant à la prison, aux fuites éperdues, à la trahison et à la fourberie des relations qu'il entretenait, avec une philosophie résignée.

    Ibn Khaldoun fut, en quelque sorte, le prototype de l'aventurier qui n'accepte ni entraves ni concessions. En témoigne sa décision d'abandonner les attraits de la cour pour s'isoler dans la Qalaat Ibn Salama afin d'y entreprendre la rédaction de la Mouquaddima. Ce fut la seconde rupture marquante de sa destinée mouvementée mais non la dernière. A Tunis, où il devait parachever l'écriture de son oeuvre gigantesque, il lui fallut affronter les affres de noirs complots et la vindicte de cercles jaloux de sa notoriété et de sa démarche intellectuelle. Contraint à un nouvel exil, il prétendit entreprendre un pèlerinage à La Mecque mais gagna, en fait, Le Caire pour s'y installer définitivement. Ibn Khaldoun ne devait jamais plus, en effet, retrouver son Maghreb natal.

    Homme de ruptures, donc, et homme de savoir, Ibn Khaldoun n'avait qu'une raison d'être, opiniâtre, dense, incommensurable, sa quête de la science et de la connaissance. Il n'hésitait pas à lui sacrifier les choses, communément considérées comme essentielles, la famille, la tribu, et il cheminait seul, à la lisière des ambitions et des prétentions humaines, sans doute rompu d'angoisse et d'incertitude mais constamment déterminé.

    Tout le parcours d'Ibn Khaldoun préfigure les temps modernes, car il anticipait sur les valeurs actuelles de l'individualisme et du matérialisme, multipliant recherches et questionnements sur les sociétés les plus disparates, les civilisations les plus emblématiques.

    Non seulement il fut le premier à affirmer l'importance de l'économie dans la politique mais il développa, de façon prémonitoire, le concept de mondialisation dans son essai théorique «Vainqueur et vaincu» où il énonce que le vaincu est nécessairement fasciné par le discours, les normes et le modus vivendi du vainqueur.

    L'histoire de Kahina

    Son oeuvre, foisonnante et visionnaire, brille d'autant plus par son actualité qu'il a fallu le vingtième siècle pour qu'il soit re-découvert, non sans effarement et avec enthousiasme. Ce penseur arabe et maghrébin aura marqué par son génie davantage notre époque que la sienne mais il est triste de penser que sa réappropriation est délaissée par le Monde arabe et même par le Maghreb qui l'a enfanté. Comment ignorer que c'est lui qui a narré, très objectivement, l'histoire de Kahina, la Reine guerrière des Berbères Djeraouas de l'Aurès, sans occulter les victoires initiales remportées par celles-ci contre les armées arabes, et sans oublier les égards qu'elle montra envers certains prisonniers arabes, ni sa mort au combat.

    Que ce soit dans le domaine linguistique et littéraire ou celui de l'analyse politique et religieuse des sociétés, Ibn Khaldoun est un patrimoine éminemment précieux, par la rigueur de ses observations, par le regard documentaire et l'examen scientifique des mécanismes de construction des civilisations et de leur système socio-politique, anticipant avec bonheur sur le monde moderne qui le consacre fort justement.

    Sa curiosité de chercheur l'a poussé à étudier les civilisations égyptienne, grecque, perse, romaine, judaïque et, plus près de son ère, européenne moyenâgeuse, turque, indienne, chinoise, noire, etc. Repensant, sur un mode théorique, toutes les situations examinées, il a fait preuve d'une prodigieuse curiosité en se penchant également sur les questions de la théologie et du mysticisme, de l'astrologie, de l'alchimie et même de la magie et de la sorcellerie !

    Confrontant le passé au présent pour mieux tenter de cerner le futur, il a développé une démarche où le questionnement, la rationalisation, la démonstration et, in fine, la réflexion délivrent la sentence d'un esprit profondément universaliste.

    Par-delà une tendance réelle, mais excusable pour un penseur de son époque, à un arabo-islamo-centrisme qui balaie la seule réflexion qu'on lui attribue, d'ailleurs à tort, sur la genèse des sociétés arabes, Ibn Khaldoun est un monument de la pensée et de la connaissance humaines, fort d'une oeuvre dont on peut affirmer qu'elle recèle un plaidoyer pour les valeurs d'humanisme et de paix qui réfutent totalement le discours actuel sur «le choc des civilisations».

    Azzedine Chabane
    28 Septembre 2006 La Tribune (Algiers)
    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin

    Commentaire

    Chargement...
    X