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Algérie: guerres et incertitudes

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  • Algérie: guerres et incertitudes

    L'Algérie intéresse peu de médias. Et pour cause, une vitrine -bien séduisante- fait croire, à l'observateur non initié, que le royaume de Bouteflika serait aussi le pays des merveilles.
    Et pourtant, depuis quelques mois, sans morts ni vacarmes ni détonations, une guerre sourde a pour théâtre les plus hautes sphères du régime algérien. L'une des luttes claniques les plus graves, depuis l'indépendance, mine et paralyse un pays qui ne sait plus quelle direction prendre et ankylose une société, transformée en observatrice passive, incapable de prendre son destin en main.
    A cinq mois d'une élection présidentielle qui risque fort bien de voir un président-candidat, gravement malade sinon impotent, remporter le "droit" d'exercer un 4e mandat sans prendre la peine de mener campagne, d'exposer bilan et programme, c'est un pôle important du régime qui est en phase d'être complètement démantelé.
    Depuis son retour en Algérie après une longue période de soins et de convalescence, Abdelaziz Bouteflika s'est, en effet, attaqué méthodiquement à celui qui était jusque-là désigné comme le Dieu tout-puissant d'un pays mis en coupe réglé par un régime militaire, encadré par une police politique omniprésente et un cheptel de politiciens civils, la plupart davantage attirés par la répartition du produit de la rente que par le devenir de leur Nation. Bouteflika a osé déclarer la guerre à l'intouchable général Mohamed Mediène dit Toufik, patron du non moins intouchable Département de renseignement et de sécurité (DRS), théoriquement organe sécuritaire dépendant de l'Armée, transformé par la volonté d'un seul homme en un véritable Etat dans l'Etat.
    L'Etat-DRS, qui fut aussi le titre de mon dernier livre sur l'Algérie, est une réalité. Et j'avais appelé et souhaité la dissolution de cet organe qui a abruti beaucoup d'Algériens, à travers le clientélisme, la pression et différentes sortes de magouilles tout aussi malsaines les unes que les autres.
    Dans l'absolu, l'offensive de Bouteflika a de quoi réjouir même si l'inamovible général Toufik est toujours en place malgré la maladie qui le ronge, lui aussi. Mais en même temps, cette offensive a de quoi inquiéter.
    Elle inquiète d'abord parce qu'elle parachève un processus qui vise à réunir le pouvoir, jusque-là détenu par les services de renseignement, l'armée et la présidence entre les mains d'un seul homme, voire d'une fratrie: les frères Bouteflika. Désormais, la voie est libre devant ces ambitieux qui n'ont qu'un souhait, transformer le pays en presque-monarchie et se transformer en roi et prince capables d'asservir encore plus la société et s'accaparer les richesses.
    Elle inquiète ensuite parce qu'elle n'émane pas, loin s'en faut, d'un démocrate qui souhaiterait la modernisation du pays et la mise en place de nouvelles traditions qui permettraient une bonne gouvernance. Ces actions, à visées politico-affairistes, sont le fait d'Abdelaziz Bouteflika qui est à la démocratie ce que Staline était aux droits de l'Homme.
    Elle inquiète enfin parce que dans un pays où la violence politique et la violence tout court sont intimement liées à la culture de l'exercice du pouvoir, rien n'indique que tous ceux qui ont un intérêt vital à venir en aide au général Toufik ne choisissent pas le mode opératoire le plus extrême pour préserver leurs intérêts à travers le sauvetage de leur parrain, néanmoins patron du DRS.
    Quoi qu'il en soit, plusieurs observateurs très avertis estiment que si Bouteflika ne va pas au bout de sa logique et s'il choisit, par calculs, d'épargner, du moins pour l'instant, Toufik et de le maintenir à un poste, même vidé de ses prérogatives essentielles, ce dernier, selon des informations largement recoupées, auraient à la fois l'ambition et la capacité de riposter dès le moment où Bouteflika aura officialiser sa candidature pour le 4e mandat.
    Drôle de western en effet ! Le téléspectateur aurait presque envie d'assister à un ultime duel qui emporterait les deux protagonistes, car entre Toufik et Bouteflika, il n'y a pas de "bon" et de "méchant". Tout juste s'il s'agit d'une "brute" et d'un "truand". De ce point de vue, l'Algérie mérite beaucoup mieux que "ça" et les Algériens, à défaut de prendre leur destin en main, je comprends leur lassitude, ont probablement tout intérêt à rester spectateur et à attendre l'érosion de ces deux tristes personnages, désormais, et plus que jamais, hommes du passé et du passif.


    Mohamed Sifaoui
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