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Le sécuritaire et la communication

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  • Le sécuritaire et la communication

    Ce n’est qu’au bout de plusieurs années d’affrontements sanglants, d’un nombre de morts que seul l’avenir révélera éventuellement, de veuves, d’orphelins et de traumatisés pour toujours dans leur corps et leur esprit, que le réel s’est enfin frayé un bout de chemin et la vérité un sentier à peine défriché.

    Certains amateurs en communication se sont évertués avec un zèle touchant, comme des enfants têtus, à réduire par l’emphase et l’incantation «nationalo-patriotique» le phénomène à une série limitée de slogans aussi naïfs que l’information officielle, condamnée à son corps défendant, à faire l’autruche, se voilant la face et exhibant le derrière. La brèche était devenue béante pour tous les médiats concurrents qui ont expérimenté en Algérie le fameux «à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire». Par la négation forcenée de la réalité et l’auto-intoxication, les tueurs des GIA étaient, selon l’humeur, la verve journalistique ou la «créativité» du communicateur, des «mutants» fils de harkis (comme si la chose diminuait leur nuisance), petits bandits de grands chemins, mercenaires venus d’ailleurs, des débarqués de l’espace, etc.

    Ces procédés d’apprentis psy et de «grouillots» de la communication étaient loin d’éclairer avec franchise l’opinion que l’on infantilise. Elle n’était pas traitée en adulte capable d’intégrer les dangers, donc de participer à leur élimination. Et c’est cette même opinion qui sera considérée comme la plus mûre et la plus politisée du monde lorsqu’elle est sollicitée pour un show «spontané» ou une élection. Le choc des deux discours contradictoires est fortement ressenti, et les citoyens le font savoir de mille et une manières.

    L’opacité qui entourait les GIA, leur descendance, leurs dissidences et conflits, le remplacement des chefs qui apparaissent et disparaissent comme des fantômes dans un fatras tribalo-familio-régiono-délirant au point que l’ordinateur de la CIA péterait ses plombs pour se mettre à réciter la sourate de La Vache à l’envers.

    Les groupes armés de «résiduels» étaient carrément devenus virtuels sans le lot de cadavres et de destructions qui attestent de leur brutale réalité. «En voie d’extinction, à bout de souffle», ils n’en finissaient pas de proliférer à la lecture de leurs pertes. Et plus les carnages sont monstrueux, et plus les observateurs et analystes y voyaient la preuve de leur désarroi. Jusqu’au jour où le monde médusé apprend que les GIA utilisaient des capteurs solaires. Enfin une vérité crue, dite par un militaire qui affrontait les dangers loin des résidences surveillées. La politique informative qui relève du «gri-gri», de l’insulte, de la virilité («ils attaquent lâchement les civils et fuient les forces armées») et de thèses fumeuses sur la non-islamité des «émirs» était un fiasco total. «Ce ne sont pas des musulmans, ils n’ont rien à voir avec l’Islam de nos parents (qui est celui de leurs parents aussi), etc». Le terrain religieux est toujours convoqué maladroitement et investi, y compris par ceux dont la vocation et la mission sont de maintenir la religion loin du politique. Le communicateur, le ministre et le wali se prennent pour des imams doublés de voyants. Ils évoquaient «l’étrangeté» des terroristes, et pour faire bonne mesure, leur extra territorialité sinon leur extra temporalité. Donc, à la limite, ils n’existent pas. La linguistique s’en mêle pour déchiffrer des accents étrangers, entendus ça et là, dans une ambiance à la Hitchcock.

    L’ennemi pouvait donc se dispenser d’un service de propagande et d’action psychologique. Les médias lourds impavides, déroulent les fastes du protocole, l’ennui des gens assis pour des réunions clones et les discours officiels qui durent, durent, alors que les gens sont déjà ailleurs où l’on débat de l’Islam, du terrorisme, de la durée du travail, de l’amiante, de la riposte citoyenne lorsqu’un policier se fait tuer en Espagne, etc. L’incompétence, la «fakhfakha», l’arrogance versatile, l’improvisation et la perte vertigineuse de crédibilité des médias et canaux officiels étaient les meilleurs alliés en amont et en aval des terroristes. Ces derniers savaient faire fructifier, ici et à l’étranger, la rupture dramatique entre le pouvoir et les oppositions. Ces dernières divergeaient complètement dans l’analyse du fondamentalisme, des groupes armés et leur potentielle durée de vie et sur la nature du discours à tenir devant les inquiétudes sincères, les manoeuvres, les craintes réelles, les approches géostratégiques qui émanent de voisins, d’ONG, de gouvernements ou d’organisation internationales.

    Les citoyens ont appris, depuis longtemps, avant les «récitants» successifs, dans les deuils et les chagrins gravés comme des tatouages, à appréhender le terrorisme dans des capacités meurtrières, sa logistique tentaculaire, ses financements et surtout, à ne pas sous-estimer sa durabilité. C’est que cette dernière vécue par eux est rendue plus impitoyable par les conditions de vie et la désespérance.

    Il y avait un refus suicidaire, par tous, d’un sursaut patriotique et d’une vraie pratique politique loin des rivalités personnelles, claniques, et qui ouvre des perspectives aux parties en présence et au pays. Ce sursaut patriotique n’est évidemment pas la somme négative de ces lugubres et cyniques récitations écrites dans le style des années 60 et 70, qui s’enclenchent par l’association de mots comme l’écriture automatique des surréalistes. Ces textes sont servis par des hommes-magnétophones à ces jeunes qui étaient déjà, dans l’an 2005, dans une misère affreuse, dans le sang, dans l’exil ou l’aphasie totale. C’est selon le statut social, la naissance, le lieu, la fortune, les alliances entre «familles» ou la cooptation au rang de «responsables» apparents.

    Les sectes qui pompent les subventions, les licences d’importation ne sont d’aucune aide à la République. Et si les privilèges leur sont demain retirés, on mesurera mieux leur nationalisme et leur patriotisme. Et à ce jour, elles n’ont strictement servi à rien, ni dans la lutte contre le terrorisme, ni dans le combat démocratique parce qu’elles ne sont pas l’émanation des couches sociales intéressées par la stabilité du pays et ayant des visions et des projets ambitieux et visionnaires pour le pays. Elles n’ont rien à défendre car leur rente est directement puisée dans les recettes des hydrocarbures. Elles sont par essence réactionnaires, budgétivores et parfaitement stériles d’idées, de production intellectuelle ou artistique.

  • #2
    Les analyses qui procèdent du «magique» et de l’exorcisme ont fait perdre un temps précieux, difficile à rattraper. Elles ont amoindri la perception des choses et rendu flous les regards portés sur les terrorismes qui reproduisent des formes de violence qui leur sont antérieures. De dernier quart d’heure en dernière demi-heure, les années se suivaient et se ressemblaient. Le pays régresse et personne ne nous attendra sur le long et dur chemin du développement culturel et économique, de la démocratie et de la joie de vivre. De grandes énergies ont été et sont dépensées, et de tortueux complots «ourdis» pour la désignation d’un «sous quelque chose» dans une wilaya ou un média public, pour le renvoi d’un DG ou le remplacement d’un ministre. Tristes et dérisoires ambitions dans un pays qui espère de fécondes et spectaculaires ruptures avec les monopoles, devant un peuple qui aspire à faire de ses mains le renouveau, tellement promis et tant de fois différé. Les jeunes sont prêts à bâtir des opéras, des usines flambant neufs, des crèches et des théâtres. Ils sont prêts à irriguer des vergers arrachés au béton, à conduire des avions neufs, à faire jaillir l’eau à satiété et à verdir tout le territoire. Ils rêvent d’un foisonnement de productions et d’industries culturelles.

    Dans ce paysage torturé où cohabitent des fortunes rapides et fabuleuses, l’extrême pauvreté, le discours social sur les dangereuses fractures qui se creusent est quasi absent. Le chômage, l’emploi, la mixité, les loisirs, le temps de travail, les vacances familiales, toutes ces réalités du monde sont ici des concepts clandestins à peine évoqués comme un parent handicapé qui ferait honte à famille. Ceux qui ont fait Novembre pour la terre, le travail, le pain et la dignité font presque tous de la politique. Les pauvres qu’ils étaient managent désormais une «famille» (qui devient un beau parti) avec la bénédiction gênée de clercs, de scribes et de notables. Mais voilà que l’étranger s’en mêle. Ce qu’il n’a cessé de faire depuis au moins 1954. Sous le terme générique de l’ingérence, des plumes censées être lucides et rationnelles emmêlent les pinceaux pour barioler une fresque d’amalgames, d’approximations où se mêlent le passé, le présent et le futur. On oublie surtout les «alliances». Les dits et les écrits d’hier. Pasqua a été l’étoile du berger sans gêner les réactionnaires et les révolutionnaires. Et puis il y a Mitterrand, Jospin, Pelletreau, Clinton, Chirac, Ben Ali, Hassan II et son laboratoire, Chevènement, le PCF, Mariane, De La Gorce qui n’a vraiment rien à dire de pertinent, le SG de l’ONU, les ONG. En veux-tu, en voilà.

    Et là, nous sommes presque tous responsables, en dehors des populations coincées entre les prix du marché, la paupérisation et l’absence d’horizons. Le pouvoir et les oppositions, les journalistes et les intellectuels, les commis voyageurs et les sédentaires, les esprits dits libres, les ONG et les OFG (Organisation franchement gouvernementale), tous ou presque ont participé, peu ou prou, à des formes d’internationalisation. A part de rares personnalités qui gardent un silence digne. Presque tous, toute dignité oubliée et toute honte bue, ont fait un travail de sergent recruteur. Chacun pour sa bonne cause. Tous à la chasse! Qui aux communistes, qui aux Américains, qui aux socialistes, qui aux frères musulmans, qui à l’Italie, qui à l’Iran, qui au pape, qui au diable, qui aux Espagnols, qui aux oulemas d’Egypte, qui aux talibans, etc. Nos alignements partisans, nos convictions idéologiques, nos appétits matériels, financiers et la soif du pouvoir ont fait que nous avons sollicité l’étranger en faisant mal à un peuple brave et lucide, à un pays en piteux état. Le réveil a été brutal pour tous. Les dégâts sont encore à quantifier, les plaies à panser et tellement d’enfants «à garnir de sourires».

    Face aux violences qui ont choisi des chemins aussi nombreux que leurs stratégies, il y a la classe politique, le pouvoir et l’opposition. Il y aussi un embryon de société civile, un jour manipulée, un jour délaissée, un autre «séminarisée» ou «colloquée». Là aussi, si les subventions sont coupées, les véritables associations les mériteront par leur travail sur le terrain et la mobilisation qu’elles auront réussie. Cependant, tous portent une grande responsabilité, d’abord devant ceux qui risquent encore leur vie chaque jour dans l’odeur de la poudre, avec la perte de compagnons et de frères d’armes. Ceux-là, et sans tomber dans le culte malsain et intéressé de l’uniforme, méritent respect et reconnaissance car ils agissent sans se bousculer devant les caméras.

    La classe politique, l’intelligentsia indépendante, la société civile non rentière ont une lourde responsabilité, surtout ceux qui ont du pouvoir de l’influence, du charisme, un rayonnement, un ancrage populaire, de la compétence, une écoute internationale, une plume ou une caméra crédible, à ceux-là, il appartient, en urgence, de délivrer des messages clairs, simples à comprendre. Le refus absolu de toute ingérence passe par la formation d’un front intérieur dont les plus petits dénominateurs communs sont la démocratisation de toutes les institutions, le monopole de la force armée dévolu aux institutions constitutionnelles de l’Etat, la condamnation unanime du terrorisme, le respect farouche des Droits de l’homme, le caractère démocratique et républicain de l’Etat national, la lutte contre la confusion, voulue ou non, entre la religion et la politique de la part du pouvoir et des oppositions. Vaste programme? Oui, et il a été expérimenté dans les grandes nations.


    «Les querelles ne dureraient pas longtemps, si le tort n’était que d’un côté».La Rochefoucauld.


    Par Abdou B

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