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Agroalimentaire : ces industriels bataillent pour être au menu du réveillon à Noël ou la Saint-Sylvestre

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  • Agroalimentaire : ces industriels bataillent pour être au menu du réveillon à Noël ou la Saint-Sylvestre

    Le grand rush a déjà commencé au marché de Rungis. Dès 3 heures du matin, le pavillon de la marée est en ébullition avec son ballet de chariots élévateurs sonnants et clignotants. Pendant ces deux semaines, cruciales pour les affaires, les ventes sont multipliées par deux par rapport à la normale. Et durant le mois de décembre, 6.500 tonnes de marchandises y sont échangées, dont la moitié d’huîtres, plus de 300 tonnes de saumon fumé et 600 tonnes de homard.

    "Cela s’annonce plutôt bien, nous nous attendons à un surplus d’activité de 30% en volume, prévoit Pascal Dufays, grossiste spécialisé dans les produits de la mer haut de gamme. Crise ou pas crise, à Noël, les gens se lâchent !" Seul bémol : "Nous peinons à recruter des manutentionnaires pour faire face au surplus d’activité", s’inquiète Isabelle Blanc, responsable de la société Blanc, un important négoce de fruits de mer.
    175 euros dépensés en moyenne

    Au pavillon de la volaille, les ventes de foie gras du Sud-Ouest promettent de battre des records historiques cette année encore. Cela peut surprendre en ces temps difficiles, mais à Rungis personne ne se plaint de la crise économique. Une récente étude du cabinet Deloitte sur les intentions d’achat des consommateurs explique ce paradoxe. "Pour les fêtes de fin d’année 2013, les Français ne comptent pas réduire leurs dépenses alimentaires, alors qu’ils prévoient de diminuer leur budget cadeaux", indique Stéphane Rimbeuf, associé chez Deloitte.

    Selon cette enquête, les familles françaises vont dépenser en moyenne 302 euros en cadeaux, soit une baisse de 3% par rapport à Noël 2012 ; tandis que le budget consacré à leurs repas de fête augmente, lui, de 2%, à 175 euros en moyenne. "Ce n’est pas une surprise, souligne Stéphane Rimbeuf. Quand les temps sont difficiles, on a tendance à investir dans la famille, les plaisirs de la table et la convivialité qui sont des valeurs refuges." Bref, le chiffre d’affaires du réveillon, cette année encore, aura des allures de conte de Noël pour la filière agroalimentaire.

    Labeyrie, Delpeyrat et Montfort et Rougié, rois du foie gras

    Du côté des industriels, la bataille fait rage pour se tailler la part du lion sur l’un des derniers havres de prospérité de l’économie française. Depuis quelques années, trois grands groupes coopératifs se sont installés sur le marché de la gastronomie festive où l’on ne jure que par deux grands produits: le foie gras et le saumon fumé. Labeyrie (Goupe coopératif Lur Berri, 1,1 milliard d’euros de chiffre d’affaires), Montfort et Rougié (Euralis, 1,32 milliard d’euros) et Delpeyrat (Maïsadour, 1,37 milliard d’euros) totalisent 70% des 20.000 tonnes de foie gras produit en France.

    Le modèle de ces trois mousquetaires de la bonne chère est très intégré: de la céréale à la fabrication et à la vente de foie gras, ces coopératives ont verrouillé le marché en moins de dix ans. Pour les agriculteurs du Sud-Ouest qui en sont les véritables actionnaires, la production de foie est devenue le moyen le plus lucratif d’écouler leur production de maïs. Portées par la hausse des cours des céréales dans les années 2000, elles n’ont pas eu de mal à racheter l’aval de la filière, des transformateurs qui, eux, étaient asphyxiés par ces hausses de matières premières qu’ils peinaient à répercuter auprès de la grande distribution.
    Diversification dans le saumon

    Et comme l’appétit des consommateurs ne s’est jamais démenti, la filière a dû s’organiser très vite pour accroître ses volumes et répondre à une demande qui s’emballait. "Nous avons beaucoup investi pour accompagner la croissance du marché, confie Dominique Duprat, le directeur général adjoint de Delpeyrat. En dix ans, notre chiffre d’affaires est passé de 80 à 450 millions d’euros."

    Une croissance exceptionnelle qui a laissé les petits producteurs de marbre: "Nous les avons laissés se battre sur cet impressionnant marché de masse, dont les prix se sont effondrés, pour nous concentrer sur le haut de gamme et le secteur des restaurants et traiteurs", explique Robert Dupérier, l’un des derniers fabricants indépendants du département des Landes, dont la clientèle est constituée de grands restaurants étoilés fidèles à sa production artisanale.

    La success story du foie gras français ne repose cependant pas seulement sur un marché domestique qui a bien progressé (+25% en dix ans). La production tricolore –75% de la production mondiale – s’apprête aussi à doubler son solde commercial en 2013. Cette belle santé ne suffit apparemment pas aux barons du foie gras. Car, dans la foulée, ils se sont diversifiés dans le saumon fumé, avec Labeyrie qui, le premier, a trouvé là un moyen d’acquérir une taille critique dans les rayons festifs de la grande distribution.

    Un goût fumé sans passer par le fumage


    Plébiscité par les consommateurs, et alimenté par la création de centaines d’élevages intensifs dans le nord de l’Europe, le marché du saumon a décuplé en dix ans. Au point que ce produit s’est dramatiquement galvaudé. "Le saumon fumé, c’était jadis un mets de luxe, c’est devenu une sorte de jambon de poisson standardisé, produit à la chaîne en usine", s’émeut l’ancien chroniqueur Jean-Pierre Coffe, qui a sélectionné un élevage bio pour produire la marque dont il est le consultant à Leader Price.

    Bien conscients du problème, les industriels redoublent d’efforts en marketing pour tenter d’éviter la banalisation de leurs propres produits et une brutale chute des prix. "Nous lançons cette année une innovation majeure : les tranches de saumon sont rangées entre des intercalaires rigides qui permettent de se servir sans les déchirer", annonce Jacques Trottier, le directeur général de Labeyrie. Passablement désorienté par les multiples appellations de toutes sortes, parfois fantaisistes – saumon d’Ecosse, de Norvège, de l’Atlantique, salé à la main, à l’ancienne, au sel sec… –, le consommateur en perd le nord.

    "C’est un marché sinistré, submergé par les produits médiocres, remplis d’eau salée et d’arômes, où l’on peine à faire comprendre aux consommateurs que la qualité coûte cher, regrette Florence Hardy, PDG de la société Médelys, spécialisée dans la distribution de produits alimentaires de luxe. La plupart des saumons emballés que l’on propose dans la grande distribution n’ont jamais nagé de leur courte vie et ont été fumés sans fumée."

    Promotions dans le caviar

    C’est ce que l’on appelle être victime de son succès. Mais après le foie gras et le saumon fumé, le prochain produit de luxe à se démocratiser pourrait être le caviar. "Aucun risque, ce sera toujours un produit élitiste et rare", affirme Armen Petrossian, négociant historique qui contrôle près de 20% de la production mondiale, et commercialise les précieux grains jusqu’à 12.000 euros le kilogramme dans son magasin du VIIe arrondissement de Paris.

    Il n’empêche que la rareté n’est plus aussi assurée depuis qu’un peu partout dans le monde, et surtout en France, des élevages d’esturgeons permettent d’obtenir un caviar très proche des variétés sauvages d’Iran et de Russie, aujourd’hui préservées par les programmes de protection des espèces menacées.

    Jamais en reste, les rois du foie gras se sont engouffrés dans la brèche. Labeyrie et Delpeyrat ont tous les deux créé leur gamme et écoulent leurs caviars à prix bas dans les rayons de la grande distribution. La guerre entre les deux marques gasconnes est telle que les distributeurs en profitent pour leur demander de casser les prix. Ainsi, Intermarché, non content de proposer le caviar Labeyrie au prix de 19,95 euros le bocal de 25 grammes (soit 800 euros le kilogramme), a décidé pendant la période des fêtes de rembourser leur ticket à 100 % aux 60.000 premiers clients qui en feront la demande…

    A 5.800 euros le kilo, les acheteurs se font rares

    Le concurrent Delpeyrat, qui se flatte de proposer un caviar d’Aquitaine de qualité depuis qu’il a racheté un élevage d’esturgeons de la région, laissera-t-il Labeyrie siphonner les ventes avec ce genre de promotions radicales ? La spirale déflationniste semble enclenchée. "Nous devons tout faire pour que le caviar reste un produit magique, rare, et donc forcément cher", plaide Charles de Saint Vincent, qui vient de créer la marque de caviar Boutary, exclusivement vendue à un cercle d’amateurs passionnés.

    Avec son associé, Maxime de Valroger, passé comme lui par les directions marketing de grands groupes de spiritueux, il a créé une maison de négoce, puis établi les codes et le design d’une marque de luxe (coffrets prestigieux, rituels de dégustation, discours sur la tradition et la rareté).

    Pour mieux faire connaître leur marque confidentielle, ils s’installent quelques jours au troisième étage des Galeries Lafayette, à Paris. Ils proposent un coffret dégustation de trois verrines de 10 grammes pour 58 euros. De nombreux clients du grand magasin devraient se laisser tenter, même si leur produit est proposé à 5.800 euros le kilogramme. Ce n’est pas parce qu’ils ont tous les deux du sang bleu qu’ils craignent la démocratisation du caviar: c’est juste parce que ce serait un véritable désastre pour le commerce si, après le foie gras et le saumon fumé, le mets préféré des tsars perdait à son tour ses lettres de noblesse.




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