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Pour apprécier le courage des processus révolutionnaires à Cuba, au Venezuela ou en Bolivie, il faut constater l'ampleur de la faillite dans des États sous domination impérialiste : parmi eux le Mexique, qui vient de privatiser le « joyau national », le pétrole.
Une « réforme énergétique » visant à « moderniser, restructurer la PEMEX (Pétroles du Mexique) » : derrière ce langage euphémique, le Mexique vient de faire passer ce 12 décembre la privatisation de sa ressource principale, le pétrole nationalisé en 1938.
Ce projet a été voté grâce à la collaboration entre le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) centriste du président Pena Nieto, le Parti d'action nationale (PAN), mais aussi de l'opposition officielle, le parti de centre-gauche de la Révolution démocratique (PRD).
Ce dernier a participé au programme « Pacte pour le Mexique » qui prévoit des réformes simultanées – « réforme de l'éducation », « réforme énergétique », « réforme du travail » - qui visent à baisser le coût du travail, précariser les salariés et ouvrir de nouveaux secteurs au profit.
Toutefois, la question du pétrole est la plus sensible à plus d'un titre.
D'abord, pour des raisons économiques, la PEMEX est un monopole public intégral dans le 8 ème producteur de pétrole au monde (devant l'Irak, le Nigeria, le Koweït).
Cette manne est source de toutes les convoitises, de la part des capitalistes mexicains comme des groupes pétroliers américains. Elle est aussi le pilier de l'Etat mexicain : 40 % du budget fédéral dépend des ressources du pétrole.
Ensuite, pour des raisons idéologiques. Pour les libéraux, le symbole est fort rivatiser PEMEX, c'est achever la privatisation de tout le pays, entamé dans les années 1980 sous tutelle du FMI.
Le président Cardenas, héritier de la révolution, a en 1938 nationalisé le pétrole, sous pression des luttes ouvrières, exproprié les entreprises britanniques et américaines et fait inscrire dans la Constitution que « les terres, eaux et ressources naturelles appartiennent à la nation ».
Avec l' « ouverture aux investissements étrangers », l’État concède des licences d'extraction, d'exploitation qui confient les ressources naturelles, en particulier les réserves d'avenir (eaux profondes, pétrole bitumineux), aux multi-nationales qui engrangeront les bénéfices.
L'argument fallacieux de la dette : bientôt la faillite de l'Etat mexicain ?
Pour brader ce patrimoine national, les arguments les plus fallacieux ont été ressortis. Celui de la dette d'abord.
La PEMEX a une dette de 55 milliards de $. D'où vient cette dette ? D'abord de l'imposition massive imposée par l'Etat sur la PEMEX, 55 % de ses revenus sont directement pompés par l'Etat.
Les marges de l'entreprise publique financent largement le budget de l'Etat, à hauteur de 40 %, en premier lieu les programmes sociaux, ce qui fait dépendre directement la stabilité de l’État, les aides sociales des dizaines de millions de pauvres que compte le pays, de la manne pétrolière.
La privatisation de la PEMEX menace de faillite l’Etat mexicain, ce qui permettrait l'adoption de thérapies de choc. Dans les années 1980, c'est sous la menace d'une banqueroute que le FMI avait pu imposer ses « plans d'ajustement structurel », dont la privatisation pionnière des télécoms.
La « face sombre » du système PEMEX, c'est la corruption généralisée dont les architectes ont été le PRI (au pouvoir pendant 70 ans) et le Syndicat des pétroliers … les deux forces qui impulsent désormais sa privatisation, contre les intérêts du peuple mexicain !
Face à la perte massive de revenus publics, les responsables gouvernementaux pointent une solution : augmenter la TVA. L'impôt le plus injuste vient d'être unifié à 16 %, même pour les produits de base. La Banque du Mexique propose de l'augmenter à 17 %, d'autres à 23 %.
Le poids de la PEMEX dans le budget public s'explique aussi par un système fiscal injuste, offrant aux grandes entreprises – en particulier celles américaines qui délocalisent à la frontière, dans les maquiladoras – des avantages fiscaux exorbitants.
Selon la CEPAL (Commission économique pour l'Amérique latine), le montant des exonérations et privilèges fiscaux concernant les plus riches et les entreprises s'élève à 70 milliards de $, soit 6 % du PIB, ou encore un tiers du budget de l’Etat !
« Le vol du siècle » ; un jackpot convoité par les multi-nationales, une pression américaine
« Le vol du siècle », le terme choisi par le politicien de centre-gauche Lopez Obrador est plutôt juste. Présentée comme moribonde, la PEMEX se porte très bien, elle a engrangé en 2012 128 milliards de $ de revenus, dont 52 milliards de bénéfices.
Présentée comme un géant inefficace, peu compétitif, en réalité la PEMEX est une des entreprises aux coûts de production les plus faibles au monde : 6,12 dollars par baril, contre 6,57 $ pour Total, 10 $ pour BP, 11 $ pour Shell, 14 $ pour Chevron.
Aujourd'hui, la PEMEX est la quatrième entreprise pétrolière au monde pour la production de brut, elle est la 13 ème entreprise du continent Américain, tous secteurs confondus, pour les revenus générés derrière Petrobras et 12 entreprises états-uniennes (Exxon, WalMart, Ford, HP …).
Le projet de privatisation du pétrole n'a pas mobilisé seulement les groupes capitalistes mexicains (dont celui du multi-millardaire Carlos Slim), les majors américaines – Exxon, Chevron – voient dans le Mexique un el dorado, la garantie de profits faciles.
Les Etats-unis ont été les pionniers de la privatisation, poussant à la signature en avril 2012 de l' « Accord trans-frontalier » pour l'exploitation des réserves au large du Golfe du Mexique, qui pour la première fois envisageait l'exploitation conjointe du pétrole entre PEMEX et majors américaines.
Un rapport capital rédigé en 2012 pour le Sénat américain insistait, pour la « sécurité énergétique des Etats-unis » sur l'importance de l'ouverture du Mexique aux « capitaux étrangers ».
Le Mexique, vingt ans après l'ALENA : un pays plongé dans la misère
Trente ans après les premières « réformes structurelles » imposées par le FMI, vingt ans après l'Accord de libre-échange-ALENA avec les Etats-unis, le Mexique est plus que jamais un pays dépendant, colonisé, un pays ravagé par la misère, l'insécurité, les inégalités.
L'industrie mexicaine a été réduite à l'état de sous-traitant de l'économie américaine, de réserve de main d’œuvre bon marché pour les multi-nationales américaines. Les emplois créés dans les maquiladoras délocalisées compensent ceux perdus dans les industries traditionnelles.
Les salaires dans le secteur industriel ont baissé de 20 % entre 1994 et 2001, tandis que les conditions de travail se sont dégradées : hommes mais aussi femmes et enfants travaillent de 10 à 12 h par jour, dans des conditions d'hygiène et de travail dignes du XIX ème siècle.
L'agriculture mexicaine a été ravagée, avec des conséquences dramatiques pour la population des campagnes comme des villes. Depuis 1994, 5 millions d'emplois agricoles ont été perdus, des millions de paysans réduits à la misère.
Le Mexique, en auto-suffisance alimentaire jusqu'en 1994, est désormais dépendant de l'agriculture américaine à hauteur de 40 %. L'inflation endémique des prix alimentaires a conduit à des émeutes de la faim en 2007, après une augmentation de près de 100 % du prix de la « tortilla », aliment de base des Mexicains.
La conséquence directe de cette mutation économique, c'est l'explosion de la pauvreté. Le pays comptait 21 % de pauvres, soit 12 millions. Aujourd'hui ils sont quatre fois plus nombreux : 53 millions, soit 46 % de la population du pays.
Pour apprécier le courage des processus révolutionnaires à Cuba, au Venezuela ou en Bolivie, il faut constater l'ampleur de la faillite dans des États sous domination impérialiste : parmi eux le Mexique, qui vient de privatiser le « joyau national », le pétrole.
Une « réforme énergétique » visant à « moderniser, restructurer la PEMEX (Pétroles du Mexique) » : derrière ce langage euphémique, le Mexique vient de faire passer ce 12 décembre la privatisation de sa ressource principale, le pétrole nationalisé en 1938.
Ce projet a été voté grâce à la collaboration entre le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) centriste du président Pena Nieto, le Parti d'action nationale (PAN), mais aussi de l'opposition officielle, le parti de centre-gauche de la Révolution démocratique (PRD).
Ce dernier a participé au programme « Pacte pour le Mexique » qui prévoit des réformes simultanées – « réforme de l'éducation », « réforme énergétique », « réforme du travail » - qui visent à baisser le coût du travail, précariser les salariés et ouvrir de nouveaux secteurs au profit.
Toutefois, la question du pétrole est la plus sensible à plus d'un titre.
D'abord, pour des raisons économiques, la PEMEX est un monopole public intégral dans le 8 ème producteur de pétrole au monde (devant l'Irak, le Nigeria, le Koweït).
Cette manne est source de toutes les convoitises, de la part des capitalistes mexicains comme des groupes pétroliers américains. Elle est aussi le pilier de l'Etat mexicain : 40 % du budget fédéral dépend des ressources du pétrole.
Ensuite, pour des raisons idéologiques. Pour les libéraux, le symbole est fort rivatiser PEMEX, c'est achever la privatisation de tout le pays, entamé dans les années 1980 sous tutelle du FMI.
Le président Cardenas, héritier de la révolution, a en 1938 nationalisé le pétrole, sous pression des luttes ouvrières, exproprié les entreprises britanniques et américaines et fait inscrire dans la Constitution que « les terres, eaux et ressources naturelles appartiennent à la nation ».
Avec l' « ouverture aux investissements étrangers », l’État concède des licences d'extraction, d'exploitation qui confient les ressources naturelles, en particulier les réserves d'avenir (eaux profondes, pétrole bitumineux), aux multi-nationales qui engrangeront les bénéfices.
L'argument fallacieux de la dette : bientôt la faillite de l'Etat mexicain ?
Pour brader ce patrimoine national, les arguments les plus fallacieux ont été ressortis. Celui de la dette d'abord.
La PEMEX a une dette de 55 milliards de $. D'où vient cette dette ? D'abord de l'imposition massive imposée par l'Etat sur la PEMEX, 55 % de ses revenus sont directement pompés par l'Etat.
Les marges de l'entreprise publique financent largement le budget de l'Etat, à hauteur de 40 %, en premier lieu les programmes sociaux, ce qui fait dépendre directement la stabilité de l’État, les aides sociales des dizaines de millions de pauvres que compte le pays, de la manne pétrolière.
La privatisation de la PEMEX menace de faillite l’Etat mexicain, ce qui permettrait l'adoption de thérapies de choc. Dans les années 1980, c'est sous la menace d'une banqueroute que le FMI avait pu imposer ses « plans d'ajustement structurel », dont la privatisation pionnière des télécoms.
La « face sombre » du système PEMEX, c'est la corruption généralisée dont les architectes ont été le PRI (au pouvoir pendant 70 ans) et le Syndicat des pétroliers … les deux forces qui impulsent désormais sa privatisation, contre les intérêts du peuple mexicain !
Face à la perte massive de revenus publics, les responsables gouvernementaux pointent une solution : augmenter la TVA. L'impôt le plus injuste vient d'être unifié à 16 %, même pour les produits de base. La Banque du Mexique propose de l'augmenter à 17 %, d'autres à 23 %.
Le poids de la PEMEX dans le budget public s'explique aussi par un système fiscal injuste, offrant aux grandes entreprises – en particulier celles américaines qui délocalisent à la frontière, dans les maquiladoras – des avantages fiscaux exorbitants.
Selon la CEPAL (Commission économique pour l'Amérique latine), le montant des exonérations et privilèges fiscaux concernant les plus riches et les entreprises s'élève à 70 milliards de $, soit 6 % du PIB, ou encore un tiers du budget de l’Etat !
« Le vol du siècle » ; un jackpot convoité par les multi-nationales, une pression américaine
« Le vol du siècle », le terme choisi par le politicien de centre-gauche Lopez Obrador est plutôt juste. Présentée comme moribonde, la PEMEX se porte très bien, elle a engrangé en 2012 128 milliards de $ de revenus, dont 52 milliards de bénéfices.
Présentée comme un géant inefficace, peu compétitif, en réalité la PEMEX est une des entreprises aux coûts de production les plus faibles au monde : 6,12 dollars par baril, contre 6,57 $ pour Total, 10 $ pour BP, 11 $ pour Shell, 14 $ pour Chevron.
Aujourd'hui, la PEMEX est la quatrième entreprise pétrolière au monde pour la production de brut, elle est la 13 ème entreprise du continent Américain, tous secteurs confondus, pour les revenus générés derrière Petrobras et 12 entreprises états-uniennes (Exxon, WalMart, Ford, HP …).
Le projet de privatisation du pétrole n'a pas mobilisé seulement les groupes capitalistes mexicains (dont celui du multi-millardaire Carlos Slim), les majors américaines – Exxon, Chevron – voient dans le Mexique un el dorado, la garantie de profits faciles.
Les Etats-unis ont été les pionniers de la privatisation, poussant à la signature en avril 2012 de l' « Accord trans-frontalier » pour l'exploitation des réserves au large du Golfe du Mexique, qui pour la première fois envisageait l'exploitation conjointe du pétrole entre PEMEX et majors américaines.
Un rapport capital rédigé en 2012 pour le Sénat américain insistait, pour la « sécurité énergétique des Etats-unis » sur l'importance de l'ouverture du Mexique aux « capitaux étrangers ».
Le Mexique, vingt ans après l'ALENA : un pays plongé dans la misère
Trente ans après les premières « réformes structurelles » imposées par le FMI, vingt ans après l'Accord de libre-échange-ALENA avec les Etats-unis, le Mexique est plus que jamais un pays dépendant, colonisé, un pays ravagé par la misère, l'insécurité, les inégalités.
L'industrie mexicaine a été réduite à l'état de sous-traitant de l'économie américaine, de réserve de main d’œuvre bon marché pour les multi-nationales américaines. Les emplois créés dans les maquiladoras délocalisées compensent ceux perdus dans les industries traditionnelles.
Les salaires dans le secteur industriel ont baissé de 20 % entre 1994 et 2001, tandis que les conditions de travail se sont dégradées : hommes mais aussi femmes et enfants travaillent de 10 à 12 h par jour, dans des conditions d'hygiène et de travail dignes du XIX ème siècle.
L'agriculture mexicaine a été ravagée, avec des conséquences dramatiques pour la population des campagnes comme des villes. Depuis 1994, 5 millions d'emplois agricoles ont été perdus, des millions de paysans réduits à la misère.
Le Mexique, en auto-suffisance alimentaire jusqu'en 1994, est désormais dépendant de l'agriculture américaine à hauteur de 40 %. L'inflation endémique des prix alimentaires a conduit à des émeutes de la faim en 2007, après une augmentation de près de 100 % du prix de la « tortilla », aliment de base des Mexicains.
La conséquence directe de cette mutation économique, c'est l'explosion de la pauvreté. Le pays comptait 21 % de pauvres, soit 12 millions. Aujourd'hui ils sont quatre fois plus nombreux : 53 millions, soit 46 % de la population du pays.
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