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Quelques vérités sur la situation de l'enseignement de la langue arabe en France

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  • Quelques vérités sur la situation de l'enseignement de la langue arabe en France

    Pour un enseignement digne de la langue arabe à l'école laïque et républicaine

    Le Monde.fr | 11.02.2011
    Par Julien Leers, arabisant, titulaire d'une maîtrise LLCE arabe

    Quelques vérités sur la situation de l'enseignement de la langue arabe en France :


    A l'école primaire, par l'intermédiaire du dispositif ELCO (enseignement des langues et cultures d'origine), l'enseignement de la langue arabe aux enfants issus de l'immigration est laissé à la discrétion d'Etats autoritaires du Maghreb (Algérie, Maroc) ou en passe de ne plus l'être (du moins on l'espère) : la Tunisie. Ces enfants français d'origine maghrébine sont ainsi maintenus en situation de tutelle culturelle par rapport aux pays dont sont originaires leurs parents alors qu'ils n'y sont eux, très souvent, même pas nés !
    Au secondaire, c'est un champ de ruines. Depuis de nombreuses années, la langue arabe est cantonnée soit dans les établissements de l'élite des centres-villes (Lycée Henri IV…) soit dans les collèges des villes les plus en difficulté où la République a ghettoïsé les populations issues de l'immigration et de ses anciennes colonies. Les professeurs d'arabe y enseignent comme leurs collègues avec des moyens dérisoires et dans des conditions très difficiles.

    La spécificité de l'arabe tient à ce que souvent les professeurs certifiés ou agrégés d'arabe ne se voient pas confier d'affectation complète voire se retrouvent sans affectation ou bien sont amenés à enseigner d'autres matières que celle pour laquelle ils se sont formés. Il n'est pas rare qu'ils soient aussi encouragés à devenir le VRP de leur matière : faire le tour des établissements et des salons pour inciter les élèves et leurs parents à choisir l'arabe. C'est en feignant de constater cette situation issue de ses propres orientations que les gouvernements de droite prétextent depuis 2002 l'absence de demande en arabe pour organiser méthodiquement la baisse régulière, chaque année, du nombre de postes mis aux concours de recrutement des professeurs jusqu'à la fermeture pure et simple du Capes d'arabe en 2011 !

    Rappelons que cette politique s'inscrit dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et que l'arabe est loin d'être la seule matière à en payer le prix : le russe (pas de Capes de russe non plus cette année), les langues anciennes, l'Education physique et sportive (EPS) et d'autres matières comme l'histoire-géographie jugées accessoires par le ministère font les frais des économies de grande échelle imposées à l'éducation nationale en France au nom du dogme de la rigueur budgétaire alors que le gouvernement s'apprête à alléger l'impôt sur la fortune (ISF) au bénéfice des plus riches.

    GHETTOÏSATION ET ÉLITISME

    Dans le supérieur, on a coutume d'affirmer (comme pour le primaire) que la situation de la langue arabe est plus enviable. Il n'en est rien. L'arabe dispose certes de diplômes labélisés LLCE (lettres, langues et civilisations étrangères) ou LEA (Langues étrangères appliquées) dans plusieurs universités de région parisienne et de province ainsi que d'une vitrine à l'Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO), diplômes animés par des professeurs renommés, reconnus et méritants mais cela ne permet pas de sortir cette langue de ses ghettos académiques : ghetto de pauvres issus de l'immigration à la recherche légitime de leurs racines ou ghetto de riches issus des classes intellectuelles les plus favorisées.

    A l'occasion du salon Expolangues (du 3 au 5 février) mettant à l'honneur la langue arabe, nos politiques en profitent pour ressortir leurs beaux discours éculés sur l'enseignement de l'arabe en France "qui ne doit pas être laissée aux associations culturelles et qui a toute sa place dans l'école de la République". Et le ministre d'affirmer jeudi 3 février que "la France est le seul pays de l'espace européen à proposer un enseignement laïc de l'arabe, du collège à l'université". Mensonge par omission car la langue arabe au primaire est plus que jamais majoritairement enseignée par des associations dites "culturelles" dans les quartiers populaires, hors de l'école publique.

    Tout ce que le ministre a à proposer, ce sont des dispositifs de classes européennes, "pôles linguistiques d'excellence", où les langues arabes et orientales auraient toute leur place. On ne sort pas d'une logique de ghettoïsation et d'élitisme. N'oublions pas que ce sont les mêmes qui étalent leur mépris de cette langue depuis tant d'années, mépris de l'éducation et de la culture en général ! Rien n'est fait pour combattre les préjugés contre la langue arabe et ses locuteurs !

    Il me parait fondamental de réserver à l'enseignement de la langue arabe une place aussi importante que des langues comme l'espagnol ou l'allemand en permettant, aux élèves issus des classes moyennes d'accéder à son apprentissage, en lançant des campagnes nationales de promotion de cette langue et de la civilisation arabo-musulmane et enfin en rouvrant les concours avec un nombre de postes décent. N'en déplaise à M. Sarkozy, la France a une dette envers les populations issues de ses ex-colonies dont celles d'Afrique du Nord. Qu'elle l'honore dignement !

    Julien Leers, arabisant, titulaire d'une maîtrise LLCE arabe

  • #2
    « Dépenses ahurissantes pour les cours d’arabe à l’école » : intox de Marion Le Pen

    « Dépenses ahurissantes pour les cours d’arabe à l’école » : intox de Marion Le Pen

    12 février 2013

    « Des dépenses ahurissantes pour l’enseignement de l’arabe à l’école ! »

    « Mieux vaudrait remettre à plat un certain nombre de dépenses, parfois ahurissantes, notamment en ZEP, en supprimant par exemple les cours d’arabe pour les primaires, quand même l’anglais n’est plus dispensé par des professeurs spécialisés ! « Déclaration de Marion Maréchal-Le Pen, la députée Front National, à la tribune de l’Assemblée Nationale, en décembre 2012.


    En arrière-fond de cette déclaration solennelle, on devine que la benjamine Le Pen voulait, comme toute la fachosphère le fait sans cesse, effrayer avec cette « invasion arabo-musulmane en marche, avec la complicité de la gauche ». En nous jouant aussi l’air du « y en a que pour les arabes et les immigrés » , mêlé au « pour les écoles en ZEP , les banlieues et les racailles , on dépense sans compter».

    Mais la pseudo-révélation de la députée FN a fait un flop retentissant.

    En effet, son hoax sur ces »dépenses ahurissantes » a été prestement démoli par nos brillants collègues de Désintox TV, sur Arte et Libération (voir la vidéo ci-dessous).

    En réalité, l’arabe est enseigné à une quantité « ahurissante » de 124 élèves d’école primaire, sur plus de 6.5 millions d’élèves, soit à peine 0.001%.
    Marion Le Pen s’est piteusement embrouillée dans sa démonstration, confondant (volontairement ou non) deux systèmes concernant les langues étrangères à l’école :


    1) Un enseignement facultatif et pour lequel le contribuable français ne débourse pas un centime d’euro : nommé « ELCO », pour Enseignement des Langues et Cultures d’Origine.
    Il repose sur des accords initiés depuis 1973 entre la France et d’autres pays. Il permet aux enfants, dont les familles le souhaitent, de garder un lien, une connaissance du pays d’origine.


    Académie de Nancy-Metz : « …. L’objectif premier de l’ELCO était de permettre aux élèves étrangers de mieux s’insérer dans le système éducatif du pays d’accueil, tout en maintenant des liens avec leurs racines et en préservant la possibilité d’un retour au pays.
    Actuellement, les objectifs sont avant tout de valoriser la culture et la langue d’origine des élèves et de permettre la mise en place d’activités interculturelles dans un but plus général : améliorer leurs compétences linguistiques et leur réussite scolaire.


    L’ELCO va permettre également une médiation école-famille. Enseignants à part entière, membres des équipes pédagogiques, les enseignants LCO connaissent le fonctionnement de l’école française et ses exigences, ainsi, ils peuvent assurer un rôle de médiateurs et constituer des référents précieux pour les enseignants et les familles…. »

    Les intervenants qui dispensent ces cours sont rémunérés par le pays d’origine en question, et non pas par l’Éducation Nationale. Cet accord « ELCO » a été signé avec 9 pays : l’Algérie, La Croatie, l’Espagne, l’Italie, le Maroc, le Portugal, la Serbie, la Tunisie et la Turquie. En 2010 / 2011, 80 000 enfants étaient concernés.

    2) Un enseignement obligatoire pour tous les élèves, financé par l’Éducation Nationale.

    En effet, l’initiation à une langue vivante étrangère figure dans les programmes officiels de l’école primaire.
    - Dans 95% des cas, ces cours de langues sont dispensés par les instituteurs, le reste par des intervenants extérieurs rémunérés par l’Éducation Nationale ou les communes.
    - Quelles langues sont enseignées et à combien d’élèves ? 91% des écoliers sont initiés à l’anglais, 7.6% à l’allemand, 1.3% à l’espagnol, 0.7% à l’italien, 0.1% au portugais. Pour l’arabe, on recense le total « ahurissant » de 124 élèves (sur plus de 6.5 millions d’élèves soit à peine 0.001%) ! Nous faisons grâce aux lecteurs de la comparaison des coûts auxquels on peut évaluer l’apprentissage de chacune de ces langues en primaire….

    Vidéo Marion Maréchal-Le Pen et les cours d'arabe en primaire - Par Désintox TV - Arte / Libération :



    Décidément, la députée Le Pen, cherchant à se faire remarquer en dénonçant de pseudo-scandales, s’emmêle souvent dans ses chiffres et démonstrations. Ainsi cet autre démontage à voir, toujours par Désintox-TV : Les chiffres foireux de Marion Maréchal-Le Pen sur l’absentéisme scolaire
    Dernière modification par choucha, 20 décembre 2013, 00h22.

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    • #3
      La langue arabe et l'Education nationale

      La langue arabe et l'Education nationale

      Rédigé par Youssef Girard - Lundi 30 Janvier 2006


      En 2005, la session du CAPES d’arabe a été supprimée. A partir de cette année, le CAPES d’arabe ne sera ouvert qu’un an sur deux, en alternance avec l’agrégation selon le ministère de l’éducation nationale. Cette mesure une régression notable dans l’enseignement d’une langue qui ne fut jamais vraiment promue au sein de l’institution scolaire française.

      Pourtant, en France, l’enseignement de la langue arabe a commencé dès le Moyen Age. En 1530, François Ier fonda le Collège des Lecteurs Royaux –le futur Collège de France- où fut ouverte la première chaire d’arabe. Au XIXème siècle, ayant besoin d’arabisants au service de la colonisation, la France développa l’enseignement de cette langue dans ses universités et dans ses instituts coloniaux. L’arabe fit son entrée dans les concours de recrutement de la fonction publique, tandis que l’agrégation d’arabe fut créée en 1905. A l’époque l’enseignement de l’arabe était essentiellement lié au phénomène colonial. Après la décolonisation la langue arabe continua d’être enseignée et en 1975 le CAPES d’arabe fut créé. Mais d’une manière générale, il n’y eut jamais de réelle volonté politique de développer l’apprentissage de l’arabe dans l’enseignement secondaire français. Et cette affirmation nous semble de plus en plus vraie.

      Apprendre l'arabe quand on est de culture arabe

      Pourtant, la langue arabe ne peut pas être considérée comme une langue “rare” puisqu’elle est parlée par plus de 250 millions d’individus dans le monde et qu’elle est la langue officielle de plus de vingt pays. Elle est une langue internationale reconnue comme telle par les Nations Unies. Langue de culture elle est aussi enseignée et parlée dans de nombreux pays non arabe, notamment dans les pays de culture musulmane. L’arabe est aussi une langue vivante pluriséculaire qui se développe et qui évolue avec son temps. Aujourd’hui elle est devenue une langue de communication au travers de ses chaînes de télévision, de ses radios et de ses journaux.


      Malgré cela, la langue arabe est enseignée uniquement par 214 professeurs dans 259 collèges et lycées à l’heure actuelle en France. En 2002-2003, seuls 7446 élèves étudiaient l’arabe comme première, deuxième ou troisième langue vivante. Ces chiffres sont ridicules et nombre d’élèves doivent renoncer à étudier cette langue dans l’enseignement public du fait du manque de professeurs. Pourtant les demandes pour apprendre l'arabe sont très fortes. Il est vrai que nombre d’élèves de références arabo-musulmanes veulent mieux connaître leur culture d’origine et étudier la langue arabe qui est porteuse de cette culture.

      De fait, l’éducation nationale ne couvrirait que 15% des demandes d’apprentissage de la langue arabe. Les 85 % restants étudieraient cette langue dans des structures privées ou associatives, ou encore dans les ELCO (institutions dépendant de pays arabophones ayant passé des contrats avec la France et qui s’adressent spécifiquement aux enfants dont les parents sont originaires de ces pays).

      Pourquoi y a-t-il un tel écart entre la demande d’apprendre cette langue et les politiques mises en oeuvre par l’Education nationale ? Peut-être parce que l’Education nationale, et au-delà la culture dominante en France, a du mal à reconnaître l’apport de la culture arabe à la culture universelle. En effet, la littérature arabe est très peu étudiée dans les cours de français et seul Ibn Rushd - rebaptisé Averroès pour mieux l’“intégrer” à la culture gréco-latine – figure au programme de philosophie en classe de terminale. Dans les programmes d’histoire, l’apparition de l’islam et de la civilisation arabo-islamique médiévale est étudiée uniquement en classe de cinquième. Après, le monde arabo-musulman réapparaît dans les programmes scolaires uniquement dans l’étude de la période coloniale. Cela donne aux jeunes élèves une vue plus que mince sur l’histoire d’une civilisation qui est pourtant d’un intérêt certain pour comprendre le monde qui nous entoure. De plus cet enseignement n’est pas exempt de stéréotypes orientalistes dégradants à l’endroit des peuples arabes et musulmans. De fait nous pouvons affirmer que le monde arabo-islamique et la culture qu’il a produite, est en grande partie occultée des programmes scolaires français.

      Nier, réprimer les langues régionales

      Mais l’institution scolaire n’est-elle pas que le reflet d’une occultation plus générale de la place de la culture de langue arabe dans l’histoire de la pensée occidentale ? Nous pouvons nous demander si la pauvreté quantitative de l’enseignement de l’arabe n’est pas l’une des conséquences de la méconnaissance des éléments arabes dans l’élaboration des savoirs.

      Pourtant développer l’apprentissage de la langue arabe dans l’enseignement secondaire, afin que tout élève désireux de l’apprendre puisse le faire serait une des meilleures façons de faire connaître et reconnaître la valeur de cette culture et de son apport à la civilisation universelle. La langue peut-être une porte ouverte qui amènera les élèves à vouloir découvrir et étudier cette culture sous ses différents aspects. Cela leur permettra d’avoir un accès direct à un espace culturel qui est trop souvent perçu uniquement par le spectre déformant de l’actualité la plus brûlante.

      Les élèves pourraient, en étudiant la langue d’Ibn Rushd et d’al-Ghazali, connaître les auteurs arabes de la période classique qui ont tant apporté leurs contributions spécifiques à la pensée philosophique, scientifique ou littéraire. Ils pourraient aussi constater que, loin d’être un espace qui vit dans une léthargie intellectuelle comme on nous le décrit trop souvent, le monde arabe contemporain connaît d’importants débats intellectuels, philosophiques ou littéraires. En effet, qui connaît les réflexions des philosophes et des intellectuels arabes contemporains ? Connaît-on au moins leurs noms ? Pourtant leur connaissance pourrait permettre à ces élèves de mieux comprendre en quoi cette espace linguistique et culturel ne peut seulement être récepteur d’idées produites par les pays occidentaux mais que le monde arabo-musulman peut et doit lui aussi apporter sa contribution spécifique au grand débat qui traverse notre planète.

      Au contraire, la fermeture du CAPES en 2005 d’arabe confirme des orientations idéologiques et culturelles d’ordre général. En effet, depuis plusieurs années devant la conscientisation toujours plus grande de la population arabo-musulmane vivant dans l’Hexagone, l’Etat français n’a cessé de renforcer sa politique “intégro-assimilationniste”. Cette politique et cette idéologie ont toujours été largement dominantes dans l’histoire de France mais elles se sont sensiblement renforcées ces dernières années.

      L’histoire de la France peut en partie expliquer les obstacles à l’enseignement de la langue arabe. L’unité linguistique a toujours été un facteur important de constitution de l’unité nationale française. De fait, l’attachement à la langue française comme objet d’identité nationale s’est développé contre toutes les langues minoritaires. La langue française fut toujours perçue comme l’un des socles fondamentaux de l’identité nationale française ce qui explique l’attitude adoptée face aux langues des migrants et des groupes linguistiques minoritaires. Leurs langues furent le plus souvent niées pour ne pas dire violements réprimées. De fait, certaines langues minoritaires, comme le basque, l’occitan ou le breton, ont quasiment disparu [1] et rares sont les descendants de migrants qui ont réussi à conserver leur langue d’origine au-delà d’une ou deux générations. L’“intégration” de ces populations à la nation française devait se faire au détriment de leurs cultures et de leurs langues. Toutes ces identités devaient donc être niées et éliminées.

      Une idéologie intégro-assimilationniste

      Durant la période coloniale, sur le territoire algérien qui était alors divisé en trois départements français, la politique “intégro-assimilationniste” de la puissance coloniale fut en grande partie menée contre la langue arabe. Selon le générale Bugeaud, le but ultime de la colonisation était d’assimiler les Algériens à “ nous, de manière à ne former qu’un seul et même peuple sous le gouvernement paternel du Roi des français” [2].

      L’idéologie “intégro-assimilationniste”, loin d’être un avatar de l’histoire coloniale, était la fille légitime de la pensée des Lumières et de la Révolution française. Pour ceux qui considéraient les valeurs de l’humanisme occidental comme supérieures, il était logique de vouloir faire en sorte que tous les hommes de la planète les adoptassent. Pour ces hommes, toute l’humanité devait finir par penser comme “eux”, par agir comme “eux”, par adopter “leurs” lois et “leurs” coutumes. Montesquieu expliquait déjà dans L’Esprit des Lois que la subordination des vaincus, nécessaire dans une première période, devait cesser lorsque “une certaine conformité d’esprit” avec le vainqueur se ferait jour. C’est cette même volonté de voir se constituer une “dictature éducative” permettant d’étendre le rationalisme des Lumières et de la révolution jacobine qui poussa Friedrich Hegel à soutenir Napoléon qui incarnait pour lui l’“alliance de la philosophie et du sabre”.

      SUITE CI DESSOUS :
      Dernière modification par choucha, 20 décembre 2013, 01h04.

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      • #4
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        L’idéologie “intégro-assimilationniste” se traduisit concrètement en Algérie par le fait que les musulmans algériens qui voulaient devenir citoyens français, devaient renoncer à toute particularité linguistique, religieuse et/ou culturelle pour s’“intégrer” pleinement à la nation française. De fait la politique scolaire menée en Algérie par le pouvoir colonial français relégua l’enseignement de l’arabe à un niveau dérisoire. Au Maroc, la même politique visant à empêcher l’enseignement de la langue arabe fut développée par l’appareil colonial français. Cette politique visait, comme en Algérie, à jouer sur la division arabe / berbère afin d’asseoir la domination française et à lutter contre l’islam perçu comme un des obstacles majeurs à l’assimilation des populations colonisées. Ainsi, le Maréchal Lyautey, connu pour être un homme “respectueux” des coutumes locales, écrivait dans une circulaire de 1925 : “Nous n’avons pas à enseigner l’arabe à des populations qui s’en sont toujours passé. L’arabe est facteur d’islamisation, puisqu’il est la langue du Coran, et notre intérêt nous commande de faire évoluer les Berbères hors du cadre de l’islam” [3].

        De fait, durant la période coloniale en Algérie, l’enseignement de l’arabe était limité au strict besoin de l’administration, à la formation d’interprète et d’agents du culte et de la justice musulmane. L’historien algérien Slimane Chikh note que la “suprématie [de la France] devait d’ailleurs s’affirmer dans les programmes d’enseignement par le statut dominant conféré à la langue française, par la glorification de la culture et de la civilisation française et par le rôle mineur accordé à la langue arabe et à la part négligeable réservée à l’histoire et à la culture autochtones” [4]. La Tunisie et le Maroc connurent des politiques de dominations culturelles moins agressives parce qu’il s’agissait de protectorats et non de colonies. Des universités comme celle de la Zaïtouna et de Qarawiyne se firent les refuges d’une culture classique qui réussit à se perpétuer en ces lieux. De fait, en Algérie, plus qu’ailleurs, la politique d’acculturation de l’Etat colonial français passait par l’élimination de la langue arabe.

        Inversement la langue française était perçue comme un instrument de conquête des âmes. C’était un moyen pour les Français d’assurer la perpétuité de leur domination sur les populations qu’ils avaient réussi à soumettre. Ainsi, M. Foncin, Inspecteur général de l’Instruction publique en 1890, affirmait que “le moyen le plus efficace pour un peuple européen de commencer la conquête morale d’une race étrangère est de lui enseigner sa langue (…). Nous serons absolument maîtres de l’Algérie que lorsqu’elle parlera français” [5].

        La politique d’acculturation de l’appareil colonial français reposait sur une double action ; l’une destructrice et l’autre constructrice. Premièrement, elle devait s’attacher à déculturer profondément les populations colonisées; et deuxièmement, elle devait s’efforcer de les enraciner durablement dans la culture française.

        Apprendre l'arabe si on veut

        Aujourd’hui la politique “intégro-assimilationniste” de l’Etat français vis-à-vis des populations arabo-musulmanes de ce pays tend à reproduire les mêmes politiques de déculturation et acculturation. C’est dans cette perspective que nous comprenons la volonté affichée de réduire encore la place déjà extrêmement mince qu’occupe la langue arabe dans l’enseignement secondaire. L’élimination de la langue arabe n’est qu’un élément dans une politique générale d’assimilation mais cet élément nous apparaît des plus importants.
        En effet, selon Johann Gottfried von Herder “on ne peut causer de plus grand dommage à une nation qu’en la dépouillant de son caractère national, de ce qu’il y a de spécifique dans son esprit et dans sa langue”.

        Dès lors nous ne demandons pas seulement que les postes d’enseignement de langue arabe soit maintenus en l’état mais nous demandons que soit mis en place une réelle politique de développement de l’enseignement de la langue arabe aussi bien dans le secondaire que dans l’enseignement supérieur. Pour cela il ne faut pas seulement que le CAPES et l’agrégation d’arabe redeviennent des concours annuels. Il faut ouvrir de nouvelle classe d’enseignement de l’arabe et augmenter de nombre de professeurs enseignant cette langue. Les effectifs d’enseignants de langue arabe, aujourd’hui ridiculement bas, sont pour nous inacceptables et ne permettent pas de répondre à la demande croissante d’apprentissage de cette langue. Tous les élèves qui désirent apprendre la langue arabe doivent pouvoir le faire au sein de l’école publique. Ils n'ont pas à être contraints de se replier sur d’autres langues pour lesquelles ils manifestent moins d’intérêt.

        [1] Depuis quelques années des mouvements culturels basques, occitans ou bretons s’attachent à défendre et à faire vivre ces langues.

        [2] Cité par Alain Ruscio in. Le credo de l’homme blanc, ed. Complexe, Bruxelles, 2002, page 97

        [3] bid., page 236

        [4] Chikh Slimane, L’Algérie en armes, Economica, 1981

        [5] Ruscio Alain, op. cit., page 101
        Dernière modification par choucha, 20 décembre 2013, 01h06.

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