Dans son dernier essai, l'écrivain algérien Boualem Sansal dénonce sans retenue la poussée du fondamentalisme religieux dans le monde arabe. Et dresse un état des lieux alarmant.
Chaleureux et souriant, plein d'humour, volontiers ironique, il est incontestablement le plus radical des écrivains algériens, voire maghrébins. Et le plus déterminé à dénoncer toutes les tares des pays arabes et de leurs régimes, en particulier celles de l'Algérie. Ce qu'il a fait avec talent dans ses six romans, autant de succès, depuis Le Serment des barbares, en 1999, jusqu'à Rue Darwin, en 2011. Aujourd'hui, c'est à travers un essai - à l'origine une commande d'une fondation allemande, la Körber-Stiftung, qui l'aura fait intervenir à plusieurs reprises face à des auditoires choisis, notamment des hauts fonctionnaires - qu'il a pris la plume pour s'inquiéter et inquiéter son lecteur devant les conséquences de l'islamisation dans le monde arabe.
Gouverner au nom d'Allah n'est cependant ni un livre savant ni un pamphlet, mais un ouvrage accessible à tous qui dresse un large panorama de l'islam contemporain et de ses rapports avec les pouvoirs. Un travail d'écrivain, avant tout, qui conduit l'auteur à dénoncer sans retenue les dangers que, selon lui, font courir aux populations l'islamisme et ses propagateurs conscients ou inconscients.
Jeune Afrique : Comment expliquez-vous ce "silence assourdissant des intellectuels" dans le monde musulman à propos de l'islamisme ?
Boualem Sansal : La peur, sans doute. Mais il y a des raisons plus profondes. Dans le monde arabo-musulman, organisé historiquement autour de structures féodales, il n'y a jamais eu que des intellectuels de cour. Il en allait certes de même au Moyen Âge, en Europe, où les livres étaient dédiés à quelque altesse et où il fallait obtenir l'imprimatur du roi et craindre l'Église. Mais, petit à petit, ces intellectuels se sont émancipés.
Après Rue Darwin, vous aviez annoncé la prochaine parution d'un essai, peut-être autour d'un voyage en Kabylie. Que s'est-il passé ?
Je n'avais pas prévu en effet d'écrire ce livre. Il est le fruit d'une commande, avec un cahier des charges, d'une vénérable fondation allemande, la Körber-Stiftung, qui travaille sur les faits de société et sert de think tank pour les administrations. Elle m'invite depuis plusieurs années à participer à des débats et me demande parfois de faire des conférences, soit pour le grand public, soit pour un auditoire spécifique, voire un personnel officiel. J'ai donc donné un jour une conférence sur l'islamisme et le terrorisme en Algérie en présence de hauts fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères, de généraux, de membres des services secrets. On m'avait ensuite recontacté pour me dire : tout ce que vous avez dit là, il serait intéressant de le ramasser, de le développer à l'intention de citoyens lambda. Donc je l'ai écrit pour eux. Le cahier des charges prévoyait que je remette un synopsis dans les quinze jours. Une fois celui-ci avalisé, je me suis mis au travail et j'ai livré le texte quatre mois plus tard, en mars-avril derniers. Il n'était pas du tout prévu que ce travail entre dans le circuit d'édition habituel. C'est mon éditeur, Jean-Marie Laclavetine, qui, après l'avoir lu, a estimé qu'il fallait le publier.
L'essai est-il un exercice plus facile que le roman ?
Écrire un roman est plus difficile. On crée un univers, on se place sur plusieurs plans. Et on raconte d'abord une histoire. Dans le même temps, il y a en arrière-plan des idées, des messages, une réinterprétation des choses.
Mais pourquoi est-ce vraiment plus fort dans un roman ?
Parce qu'il y a beaucoup de choses dans un roman. Il y a d'abord l'histoire, une belle histoire, qui attire le lecteur, le fascine, en tout cas le fait entrer dans le livre. Il y a aussi une écriture, qui est différente, spécifique, qui doit séduire. Puis on essaie de créer une atmosphère qui fait que l'on est en contact avec la situation. Alors que l'essai est forcément plutôt froid. On ne peut pas prendre les mêmes libertés. Dans un roman, on peut se lâcher, faire des digressions, raconter une blague. Un essai doit être concis, précis. Il a certes un public, mais le roman a un lectorat plus large. En librairie, un tel essai n'attirera que ceux qui s'intéressent vraiment à la question de l'islamisme et veulent avoir l'avis de Boualem Sansal. Il faut donc connaître Boualem Sansal et être intéressé par le sujet pour ne pas passer à côté du livre sans même le regarder.
À vous lire, un premier paradoxe frappe : l'univers de l'islam, qui rassemble désormais un quart de la population mondiale, plus que les catholiques, peut sembler triomphant, et pourtant, il n'a jamais autant été remis en question, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur...
C'est tout à fait vrai, en tout cas pour les pays arabes. Voilà en effet une société avec ses structures archaïques qui a été plongée au XXe siècle, comme le monde entier, dans l'univers de la modernité. Mais alors que les pays et les peuples les plus traditionnels, comme les Japonais et les Indiens, voire les Inuits, mais aussi les Chinois et même beaucoup d'Africains, ont accepté cette modernité tout en exerçant un droit d'inventaire, le monde arabe n'a pas réglé la question. Il est resté dans l'ambiguïté. On tient un discours sur la démocratie... et puis on rentre à la maison et on enferme sa femme et sa fille. On a peur de ce qui pourrait détruire les structures patriarcales. Pas étonnant que nos sociétés soient clivées. Ce n'est pourtant pas une fatalité. Rien ne devrait empêcher les évolutions. Je me souviens encore de débats, il y a une cinquantaine d'années, avec des étudiants en économie sur le prêt à intérêts, le profit et leur interdiction par le Coran. Tu me prêtes 100, je te rends 100, et c'est tout, affirmaient-ils. De fait, d'un bout à l'autre de la planète, presque tous les musulmans avaient fini par accepter le principe des intérêts, même quand ils étaient usuraires : on empruntait à plus de 20 % et on prêtait aussi à plus de 30 %. Quand on veut changer les choses, on le peut. Seulement voilà, sous l'impulsion des islamistes, notamment de l'Arabie saoudite, on est revenu là-dessus et on a inventé le concept de finance islamique. Qui ne trompe personne, puisqu'il ne s'agit que d'un habillage qui permet des opérations pires que le prêt à intérêts.
L'essor de l'islamisme dans le monde arabo-musulman était-il inéluctable ? Et sera-t-il durable ?
J'ai la conviction, même si c'est difficile à démontrer comme tout ce qui est intuitif, que nous sommes entrés dans un processus où l'islam est progressivement remplacé par l'islamisme. Une nouvelle religion avec ses prophètes et ses compagnons - Ben Laden et les autres. Ce nouvel islam prospère d'autant plus que l'islam d'avant est plus ou moins mort depuis l'effondrement des grands califats. À l'exception, quand l'empire ottoman était encore vivace, du califat qu'il abritait, lequel, menacé par l'Europe, a disparu à son tour. Pour assurer sa survie, le monde ottoman a dû se convertir au nouveau monde et, fait extraordinaire, a lui-même supprimé le califat. C'est comme si les catholiques supprimaient le Vatican ! De la religion n'est plus alors restée que la tradition. Jusqu'à l'irruption de l'islamisme, certes encore balbutiant, mais qui invente des théories - quitte à les contredire parfois - et qui ne part pas de rien : il y a les travaux de Hassan al-Banna, fondateur des Frères musulmans, et ceux d'autres penseurs avant lui. Il a élargi le spectre de ce qui concernait l'islam, proposant une réflexion non seulement sur la finance internationale, mais aussi dans d'autres domaines, à commencer bien sûr par celui de la politique avec l'idée de République islamique. Il ne manque aux islamistes pour l'instant, pour véritablement rayonner, pour pouvoir créer des universités, etc., qu'une expérience concluante dans un pays.
La Turquie ne constitue-t-elle pas un modèle à suivre ?
Oui pour certains, ceux qui sont sur la voie de la négociation avec le reste du monde. Mais pas pour ceux qui ont choisi la voie de la violence, qu'ils justifient par une certaine lecture de l'Histoire, en particulier du colonialisme, fournissant des raisons de se venger et même de tuer. Pour ceux-là, pas de renaissance de l'islam sans douleur ni violence : pour que naisse un nouveau régime, il faut nécessairement tuer, comme on a guillotiné le roi en France au début de la Révolution.
En Turquie, cela dit, les islamistes ne contrôlent pas la totalité du pouvoir. Il y a encore des lignes jaunes qu'ils ne peuvent franchir. À cause de l'armée, gardienne de la laïcité, et de la société, laquelle a un pied dans la modernité et ne saurait accepter une trop grande régression de la liberté. Les islamistes purs et durs, hostiles à la prise du pouvoir par les élections, le disent : la démocratie est trop contraignante et on est amené à trahir l'islam. De fait, les islamistes turcs sont effectivement obligés d'avancer en crabe, de faire attention à ce qu'ils font et à l'image qu'ils donnent d'eux-mêmes.
Une manière de dire que vous êtes très réservé vis-à-vis d'un éventuel modèle turc d'islamisme modéré ?
Absolument. Cela ne m'emballe pas du tout. On pourrait dire qu'ils cherchent à démontrer que modernité et islam sont compatibles. Mais je n'y crois pas. À partir du moment où la vérité n'est déterminée que par Dieu et où la vie humaine ne consiste qu'à appliquer les dires d'Allah, l'homme libre n'existe plus, il n'y a plus rien à débattre. On idéalise ce qui se passe en Turquie pour les besoins de la cause islamiste.
Les dirigeants islamistes qui se disent modérés, en Turquie comme en Tunisie ou ailleurs, seraient donc tous nécessairement hypocrites ?
On ne saura pas ce qui se serait passé si l'Europe avait accepté rapidement la Turquie en son sein. Peut-être cela aurait-il permis à des islamistes d'être vraiment modérés. Mais on voit bien qu'on dérive toujours vers une islamisation de toute la société. En Turquie, même si on fait attention à ne pas aller trop vite, comme ailleurs.
Chaleureux et souriant, plein d'humour, volontiers ironique, il est incontestablement le plus radical des écrivains algériens, voire maghrébins. Et le plus déterminé à dénoncer toutes les tares des pays arabes et de leurs régimes, en particulier celles de l'Algérie. Ce qu'il a fait avec talent dans ses six romans, autant de succès, depuis Le Serment des barbares, en 1999, jusqu'à Rue Darwin, en 2011. Aujourd'hui, c'est à travers un essai - à l'origine une commande d'une fondation allemande, la Körber-Stiftung, qui l'aura fait intervenir à plusieurs reprises face à des auditoires choisis, notamment des hauts fonctionnaires - qu'il a pris la plume pour s'inquiéter et inquiéter son lecteur devant les conséquences de l'islamisation dans le monde arabe.
Gouverner au nom d'Allah n'est cependant ni un livre savant ni un pamphlet, mais un ouvrage accessible à tous qui dresse un large panorama de l'islam contemporain et de ses rapports avec les pouvoirs. Un travail d'écrivain, avant tout, qui conduit l'auteur à dénoncer sans retenue les dangers que, selon lui, font courir aux populations l'islamisme et ses propagateurs conscients ou inconscients.
Jeune Afrique : Comment expliquez-vous ce "silence assourdissant des intellectuels" dans le monde musulman à propos de l'islamisme ?
Boualem Sansal : La peur, sans doute. Mais il y a des raisons plus profondes. Dans le monde arabo-musulman, organisé historiquement autour de structures féodales, il n'y a jamais eu que des intellectuels de cour. Il en allait certes de même au Moyen Âge, en Europe, où les livres étaient dédiés à quelque altesse et où il fallait obtenir l'imprimatur du roi et craindre l'Église. Mais, petit à petit, ces intellectuels se sont émancipés.
Après Rue Darwin, vous aviez annoncé la prochaine parution d'un essai, peut-être autour d'un voyage en Kabylie. Que s'est-il passé ?
Je n'avais pas prévu en effet d'écrire ce livre. Il est le fruit d'une commande, avec un cahier des charges, d'une vénérable fondation allemande, la Körber-Stiftung, qui travaille sur les faits de société et sert de think tank pour les administrations. Elle m'invite depuis plusieurs années à participer à des débats et me demande parfois de faire des conférences, soit pour le grand public, soit pour un auditoire spécifique, voire un personnel officiel. J'ai donc donné un jour une conférence sur l'islamisme et le terrorisme en Algérie en présence de hauts fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères, de généraux, de membres des services secrets. On m'avait ensuite recontacté pour me dire : tout ce que vous avez dit là, il serait intéressant de le ramasser, de le développer à l'intention de citoyens lambda. Donc je l'ai écrit pour eux. Le cahier des charges prévoyait que je remette un synopsis dans les quinze jours. Une fois celui-ci avalisé, je me suis mis au travail et j'ai livré le texte quatre mois plus tard, en mars-avril derniers. Il n'était pas du tout prévu que ce travail entre dans le circuit d'édition habituel. C'est mon éditeur, Jean-Marie Laclavetine, qui, après l'avoir lu, a estimé qu'il fallait le publier.
L'essai est-il un exercice plus facile que le roman ?
Écrire un roman est plus difficile. On crée un univers, on se place sur plusieurs plans. Et on raconte d'abord une histoire. Dans le même temps, il y a en arrière-plan des idées, des messages, une réinterprétation des choses.
Mais pourquoi est-ce vraiment plus fort dans un roman ?
Parce qu'il y a beaucoup de choses dans un roman. Il y a d'abord l'histoire, une belle histoire, qui attire le lecteur, le fascine, en tout cas le fait entrer dans le livre. Il y a aussi une écriture, qui est différente, spécifique, qui doit séduire. Puis on essaie de créer une atmosphère qui fait que l'on est en contact avec la situation. Alors que l'essai est forcément plutôt froid. On ne peut pas prendre les mêmes libertés. Dans un roman, on peut se lâcher, faire des digressions, raconter une blague. Un essai doit être concis, précis. Il a certes un public, mais le roman a un lectorat plus large. En librairie, un tel essai n'attirera que ceux qui s'intéressent vraiment à la question de l'islamisme et veulent avoir l'avis de Boualem Sansal. Il faut donc connaître Boualem Sansal et être intéressé par le sujet pour ne pas passer à côté du livre sans même le regarder.
À vous lire, un premier paradoxe frappe : l'univers de l'islam, qui rassemble désormais un quart de la population mondiale, plus que les catholiques, peut sembler triomphant, et pourtant, il n'a jamais autant été remis en question, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur...
C'est tout à fait vrai, en tout cas pour les pays arabes. Voilà en effet une société avec ses structures archaïques qui a été plongée au XXe siècle, comme le monde entier, dans l'univers de la modernité. Mais alors que les pays et les peuples les plus traditionnels, comme les Japonais et les Indiens, voire les Inuits, mais aussi les Chinois et même beaucoup d'Africains, ont accepté cette modernité tout en exerçant un droit d'inventaire, le monde arabe n'a pas réglé la question. Il est resté dans l'ambiguïté. On tient un discours sur la démocratie... et puis on rentre à la maison et on enferme sa femme et sa fille. On a peur de ce qui pourrait détruire les structures patriarcales. Pas étonnant que nos sociétés soient clivées. Ce n'est pourtant pas une fatalité. Rien ne devrait empêcher les évolutions. Je me souviens encore de débats, il y a une cinquantaine d'années, avec des étudiants en économie sur le prêt à intérêts, le profit et leur interdiction par le Coran. Tu me prêtes 100, je te rends 100, et c'est tout, affirmaient-ils. De fait, d'un bout à l'autre de la planète, presque tous les musulmans avaient fini par accepter le principe des intérêts, même quand ils étaient usuraires : on empruntait à plus de 20 % et on prêtait aussi à plus de 30 %. Quand on veut changer les choses, on le peut. Seulement voilà, sous l'impulsion des islamistes, notamment de l'Arabie saoudite, on est revenu là-dessus et on a inventé le concept de finance islamique. Qui ne trompe personne, puisqu'il ne s'agit que d'un habillage qui permet des opérations pires que le prêt à intérêts.
L'essor de l'islamisme dans le monde arabo-musulman était-il inéluctable ? Et sera-t-il durable ?
J'ai la conviction, même si c'est difficile à démontrer comme tout ce qui est intuitif, que nous sommes entrés dans un processus où l'islam est progressivement remplacé par l'islamisme. Une nouvelle religion avec ses prophètes et ses compagnons - Ben Laden et les autres. Ce nouvel islam prospère d'autant plus que l'islam d'avant est plus ou moins mort depuis l'effondrement des grands califats. À l'exception, quand l'empire ottoman était encore vivace, du califat qu'il abritait, lequel, menacé par l'Europe, a disparu à son tour. Pour assurer sa survie, le monde ottoman a dû se convertir au nouveau monde et, fait extraordinaire, a lui-même supprimé le califat. C'est comme si les catholiques supprimaient le Vatican ! De la religion n'est plus alors restée que la tradition. Jusqu'à l'irruption de l'islamisme, certes encore balbutiant, mais qui invente des théories - quitte à les contredire parfois - et qui ne part pas de rien : il y a les travaux de Hassan al-Banna, fondateur des Frères musulmans, et ceux d'autres penseurs avant lui. Il a élargi le spectre de ce qui concernait l'islam, proposant une réflexion non seulement sur la finance internationale, mais aussi dans d'autres domaines, à commencer bien sûr par celui de la politique avec l'idée de République islamique. Il ne manque aux islamistes pour l'instant, pour véritablement rayonner, pour pouvoir créer des universités, etc., qu'une expérience concluante dans un pays.
La Turquie ne constitue-t-elle pas un modèle à suivre ?
Oui pour certains, ceux qui sont sur la voie de la négociation avec le reste du monde. Mais pas pour ceux qui ont choisi la voie de la violence, qu'ils justifient par une certaine lecture de l'Histoire, en particulier du colonialisme, fournissant des raisons de se venger et même de tuer. Pour ceux-là, pas de renaissance de l'islam sans douleur ni violence : pour que naisse un nouveau régime, il faut nécessairement tuer, comme on a guillotiné le roi en France au début de la Révolution.
En Turquie, cela dit, les islamistes ne contrôlent pas la totalité du pouvoir. Il y a encore des lignes jaunes qu'ils ne peuvent franchir. À cause de l'armée, gardienne de la laïcité, et de la société, laquelle a un pied dans la modernité et ne saurait accepter une trop grande régression de la liberté. Les islamistes purs et durs, hostiles à la prise du pouvoir par les élections, le disent : la démocratie est trop contraignante et on est amené à trahir l'islam. De fait, les islamistes turcs sont effectivement obligés d'avancer en crabe, de faire attention à ce qu'ils font et à l'image qu'ils donnent d'eux-mêmes.
Une manière de dire que vous êtes très réservé vis-à-vis d'un éventuel modèle turc d'islamisme modéré ?
Absolument. Cela ne m'emballe pas du tout. On pourrait dire qu'ils cherchent à démontrer que modernité et islam sont compatibles. Mais je n'y crois pas. À partir du moment où la vérité n'est déterminée que par Dieu et où la vie humaine ne consiste qu'à appliquer les dires d'Allah, l'homme libre n'existe plus, il n'y a plus rien à débattre. On idéalise ce qui se passe en Turquie pour les besoins de la cause islamiste.
Les dirigeants islamistes qui se disent modérés, en Turquie comme en Tunisie ou ailleurs, seraient donc tous nécessairement hypocrites ?
On ne saura pas ce qui se serait passé si l'Europe avait accepté rapidement la Turquie en son sein. Peut-être cela aurait-il permis à des islamistes d'être vraiment modérés. Mais on voit bien qu'on dérive toujours vers une islamisation de toute la société. En Turquie, même si on fait attention à ne pas aller trop vite, comme ailleurs.
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