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Hommage à Willy Brandt

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  • Hommage à Willy Brandt

    L’Allemagne, l’Europe et la social-démocratie célèbrent le centenaire de la naissance de Willy Brandt, le 18 décembre 1913, à Lübeck dans un milieu ouvrier.

    Dans la mémoire du siècle écoulé, son nom est généralement associé à une image (debout devant le ghetto de Varsovie en 1970) et un événement fortement médiatisé (sa démission quatre ans plus tard après une affaire d’espionnage impliquant le voisin communiste de l’Est, la RDA).
    Il s’agit de Willy Brandt, figure marquante du SPD allemand. Jeune, il se révèle exceptionnellement intelligent : il est, en 1927, le seul fils d’ouvrier à être admis avec une bourse au prestigieux Lycée Johanneum.
    Willy Brand entre aussi très tôt en politique, d’emblée à gauche, navigant d’une formation à une autre au sein de la grande famille ouvrière : membre des «Faucons rouges», il rejoint les Jeunesses ouvrières socialistes à l’âge de quinze ans, avant d’atterrir dans une nouvelle formation, le SAP (Parti ouvrier socialiste d’Allemagne), créé en octobre 1931 par Max Seydewitz et Kurt Rosenfeld. Ces derniers sont des exclus du SPD, rejoints par des communistes en désaccord avec Ernst Thälmann. Il prend néanmoins ses distances avec le KPD (Parti communiste allemand) dont il dénonce en 1931 un extrémisme, un dogmatisme et une intransigeance qui, à ses yeux, font le lit du nazisme.

    Il rentre en campagne lors des deux scrutins de 1932, mais sans succès : le SAP ne fait pas le poids face au SPD et au KPD. Un an après, le 30 janvier 1933, Hitler accède à la chancellerie et détruit en quelques mois une construction démocratique fragile.

    Willy Brandt entre alors dans la clandestinité, avant de se réfugier à Oslo chez ses camarades norvégiens — la victoire des Travaillistes en 1935 fait que les exilés ne sont pas inquiétés dans le petit royaume. Il s’y sent bien et restera à jamais marqué par la spécificité du socialisme scandinave. En 1937, en mission en Espagne, il se sent de moins en moins marxiste et renoue avec le SPD dont il rencontre le chef en exil, Erich Ollenhauser. Il achèvera de se détourner définitivement de la gauche radicale après la signature du pacte germano-soviétique, en 1938.

    Déçu par les Soviétiques, il est marqué par sa longue fréquentation du socialisme scandinave qui façonnera son attachement à un socialisme démocratique.
    C’est alors tout naturellement que dans l’Allemagne d’après-guerre, il gagne Berlin, coincé au sein de la zone d’occupation soviétique, auprès de son camarade Kurt Schumacher, chef du SPD, qui lui confie les relations avec les alliés.
    Ses orientations socio-démocrates se confirment. Convaincu de la nécessité d’un nouveau programme rejetant le marxisme, il est un des acteurs du programme de Bad Godesberg qui, le 15 novembre 1959, approuve l’objectif d’un socialisme démocratique et libéral, avec son corollaire l’économie sociale de marché, ainsi que l’intégration de l’Allemagne dans l’OTAN.
    Quand les Allemands de l’Est et les Soviétiques érigent le «Mur de la Honte» en 1961, Brandt prend la tête d’une manifestation gigantesque de 300 000 Berlinois.

    Œuvrant à élargir la base électorale du SPD, Willy Brandt l’ouvre à de nouveaux groupes sociaux, pour l’extraire au vieil ouvriérisme. En 1965, le SPD obtient 39,2% des suffrages, un score appréciable mais c’est encore insuffisant face à la figure rassurante de Ludwig Erhard, successeur d’Adenauer.

    En 1966, les Libéraux quittent la coalition, et le SPD accepte d’entrer dans une «grande coalition». Il devient le ministre des Affaires étrangères et le numéro deux d’une équipe dirigée par le chancelier Kiesinger. Brandt peut mettre en œuvre son «Ostpolitik». Durant cette période de dégel et de coexistence pacifique qui suit, Willy Brandt se rend à l’évidence : la situation étant figée, il appartient aux Allemands de faire bouger les choses. C’est le début de l’Ospolitik, une ligne de politique étrangère tournée vers l’Est, destinée à faire baisser la tension et à inspirer de la confiance aux dirigeants est-allemands. Une sorte de «containment soft» visant à lever les préventions du régime est-allemand en vue de l’assouplir et de rendre possible une amélioration de la situation économique qui finira par susciter l’adhésion de la population. La révolution pacifique de novembre 1989 est aussi la conséquence de la pénétration régulière de ces influences idéologiques occidentales au-delà du Mur grâce à l’Ostpolitik.
    Le 20 octobre 1971, il obtient le prix Nobel de la paix et les élections de 1972 sont un triomphe.

    Il prend la présidence de l’Internationale socialiste qu’il revitalise. Cette instance doit beaucoup au SPD. En effet, la forme actuelle de l’IS date de sa refondation opérée lors du Congrès de Francfort de 1951. Après l’ONU, elle demeure la plus grande organisation mondiale. Près de 50 de ses membres se trouvent actuellement au pouvoir. Depuis la fin des années 1990, une politique d’ouverture non maîtrisée a abouti à l’élargissement «quantitatif» de cette organisation au détriment des critères «qualitatifs», tels que le respect des règles démocratiques et des droits humains, la laïcité, l’opposition à la peine de mort, le droit à l’avortement, etc., qui sont inscrits dans la Charte éthique de l’IS. Mercredi dernier, jour de la célébration du centième anniversaire de la naissance de Willy Brandt, comme en 1966, le SPD accepte d’entrer dans une «grande coalition» (la GroKo) approuvée par ses militants à une majorité des trois quarts.

    En appelant les militants à se prononcer par référendum sur le contenu du contrat de coalition, la direction du SPD et son chef, Sigmar Gabriel, réalisent plusieurs objectifs à la fois. Outre la légitimation démocratique de la négociation et de la coalition, ils exercent une pression salutaire sur la CDU quant à leurs exigences. Au congrès de Leipzig, tenu en plein milieu des négociations, Gabriel en avait formulé principalement trois : l’introduction d’un salaire minimum interprofessionnel, un dispositif de départ anticipé à la retraite et la remise en cause de l’obligation faite aux enfants de parents étrangers de choisir entre leur nationalité d’origine et la nationalité allemande. Pari gagné.

    L’âme de Willy Brandt continue à planer sur le SPD.


    Ammar Belhimer- Le Soir
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