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Le français Keolis remporte la gestion du « RER » de Boston

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  • Le français Keolis remporte la gestion du « RER » de Boston

    LE MONDE | 09.01.2014 Par Philippe Jacqué

    Dans le Massachusetts, deux entreprises françaises, détenues directement ou indirectement par l'Etat, se sont donc battues pour un intérêt pas toujours évident à comprendre vu de Paris.

    Le grand vainqueur est le français Keolis. Après deux ans d'affrontement, mercredi 8 janvier, à 16 heures, l'Autorité des transports de la baie du Massachusetts (MBTA) a officiellement choisi la filiale transport public de la SNCF pour gérer sur les huit prochaines années le « T », le « RER » de la région de Boston, le sixième réseau de transport américain avec plus de 130 000 usagers quotidiens.

    Pour Keolis et la SNCF, c'est une grande victoire. En revanche, pour la France, il s'agit d'un demi-succès. Car Keolis a détrôné un autre français : le gestionnaire du réseau depuis 2003, MBCR, dont Transdev, filiale de la Caisse des dépôts et consignations, détient 60 %.

    Dans le Massachusetts, deux entreprises françaises, détenues directement ou indirectement par l'Etat, se sont donc battues pour un intérêt pas toujours évident à comprendre vu de Paris. Cela repose la question, qui revient toujours quand deux entreprises françaises s'affrontent hors des frontières hexagonales pour un même marché : pourquoi les acteurs français ne s'organisent-ils pas en amont pour chasser sur des territoires… différents ?

    « DÉPERDITION D'ÉNERGIE ET DE MOYENS »

    La situation peut paraître absurde, notamment à Pierre Mongin, le patron de la RATP, le troisième grand acteur français du transport public, qui confiait au Monde, au printemps 2013, que cela mène à « une déperdition d'énergie et de moyens ».

    « Quand vous avez trois acteurs français du transport public parmi les cinq premiers groupes mondiaux du secteur, les voir se concurrencer sur des appels d'offres à l'international est très probable, relève cependant un acteur. Et il n'est pas souhaitable de l'éviter. Pourquoi, dès lors, en Europe ou en France, ne se concurrenceraient-ils plus ? », juge un autre observateur.

    L'appel d'offres remporté par Keolis revêt d'autres enjeux. Stagnant en France, la SNCF a besoin de relais de croissance à l'étranger, et notamment aux Etats-Unis, où elle est implantée depuis 2006. Après avoir gagné la gestion des bus de Las Vegas (Nevada) en 2013 (qui était aussi aux mains de Transdev), la victoire de Boston concrétise son expansion américaine.

    Avec ce seul contrat évalué à quelque 2,68 milliards de dollars (1,97 milliard d'euros) sur huit ans, le groupe public double d'un coup son chiffre d'affaires en Amérique du Nord. D'ici à 2015, il va passer de près de 300 millions de dollars annuel à 600 millions de dollars.

    REVERS EN SÉRIE POUR TRANSDEV

    Pour Transdev, cet échec va baisser de 20 % à 25 % ses revenus aux Etats-Unis et au Canada, et pose la question de son implication à long terme dans le ferroviaire sur ce continent, où l'entreprise a subi plusieurs revers récemment.

    Reste que, sur le cas particulier de Boston, la filiale de la CDC s'interroge. « Nous verrons s'il y a matière à faire appel de la décision, assure-t-on au sein du groupe. Si le dossier technique de Keolis a été jugé un peu supérieur à celui de Transdev, c'est bien sûr le prix qu'a gagné Keolis. Ils ont été très agressifs » en proposant un prix inférieur de 6 % à 7 % (25 millions de dollars) à celui avancé par MBCR.

    Transdev se demande comment son concurrent va désormais rentrer dans ses frais. « A Melbourne, en Australie, Transdev avait battu Keolis lors d'un appel d'offres pour la gestion de bus. Et l'écart de prix était de 6 % », remarque un observateur.

    « De fait, si le prix a été proposé, et validé par la SNCF, poursuit cette source, il est raisonnable et incorpore les marges habituelles de Keolis. Il ne s'agit pas de dumping. Si Transdev a perdu, c'est plutôt parce que le nombre de passagers transportés a baissé depuis dix ans à Boston, alors que partout ailleurs dans le pays cela augmentait. »

    QUELLE LÉGITIMITÉ POUR UNE ENTREPRISE PUBLIQUE À L'INTERNATIONAL ?

    Chez Transdev, on se demande également « quelle est la légitimité d'une entreprise publique – dont plus de 60 % du chiffre d'affaires est protégé par des monopoles – à s'attaquer à l'international à un autre groupe français dont la quasi-totalité des contrats est périodiquement soumise à la concurrence ».

    De fait, poursuit Transdev, « alors que les habitants du Massachusetts vont bénéficier d'un meilleur service à un coût moindre, il serait intéressant que les habitants d'Aquitaine, de Lorraine ou de Rhône-Alpes puissent profiter des mêmes avantages ».

    Pour la filiale de la Caisse des dépôts, il serait donc logique que le marché des TER français s'ouvre à la concurrence afin d'en faire baisser le coût pour les régions et les usagers…

    Avec cet argument, Transdev joue sur du velours. En effet, depuis plusieurs années, les conseils régionaux français demandent davantage de transparence financière ainsi qu'une importante baisse des coûts de la SNCF, qui détient au moins jusqu'en 2019 le monopole.

    LAISSER DES TRACES

    Au-delà du débat sur la concurrence dans le ferroviaire français, l'appel d'offres de Boston va laisser des traces car, pendant deux ans, les affrontements ont été durs entre MBCR, dirigé par Jim O'Leary, un ancien directeur des transports de Boston, et Keolis, le challenger, qui n'a pas lésiné non plus sur les moyens.

    Selon le Boston Globe, le groupe français a dépensé 450 000 dollars en lobbyistes, parmi lesquels on retrouve deux anciens directeurs des transports de l'Etat, un ancien conseiller de la mairie de Boston et un professionnel local des transports…

    Au-delà des discussions dans les couloirs du pouvoir à Boston, mais aussi à Paris, les dérapages médiatiques ont été nombreux. En décembre, par exemple, un groupe de pasteurs de la région de Boston a ainsi publié une lettre dans laquelle ils traitaient la SNCF d'entreprise raciste et discriminatoire.
    Ce que vous faites de bien et de mal, vous le faites à vous
    Mahomet
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