Traduttore, traditore. Autrement dit : traduire c’est trahir.
Quand c’est du mot à mot, ça revient parfois à mettre les pieds dans une indénombrable dimension. Cela débouche sur des formulations qui font parfois rire mais aussi réfléchir et s’interroger sur les cheminements qui ont fait qu’une expression imagée ou une certaine formulation a pris un ou des sens communs donnés.
La question ne se réduit pas à de simples différences de syntaxe entre la langue d’origine et celle de destination. Si c’était le cas, les programmes de traduction automatique auraient déjà poussé l’immense majorité des interprètes en fonction à se trouver un autre gagne-pain moins traitre.
Pour tester la traduction automatique, je me suis adressé à Google Translate pour qu’il me dise comment on dit en anglais «J’ai marié mon frère». Il m’a répondu sans hésiter, avant même que j’aie terminé de taper ma petite phrase: «I married my brother». C’est quoi ça ??? Lui ai-je crié très fort. Puis encore plus fort, pour secouer son irritable zénitude: «Tu es bien sûr de toi, cocco..??!!!» Il n’a pas du tout bronché. Il m’a même semblé voir se dessiner furtivement une moue méprisante sur l’écran.
«Haha», que je lui ajoute, «on va voir si tu es aussi rapide dans l’autre sens et si tu vas me restituer ma phrase initiale…!!!».
Et je lui demande illico de me traduire sa British answer («I married my brother») en bon French (là, je le bats de vitesse grâce au providentiel couper-coller.) Et savez-vous ce qu’il m’a répondu le salaud. Je cache mes yeux et je vous le murmure dans l’oreille: «J’ai épousé mon frère», comme ça, sans rougir, sans vérifier si j’étais seul, sans le «sauf votre respect», sans préparation psychologique… Comme ça… A prendre ou… à prendre…
En fait, je fais semblant d’être mécontent. Je suis loin d’être contrarié. Au contraire, je me frotte mentalement les mains. Ces machines, bêtes, disciplinés et parfois méchantes par ignorance sont encore loin d’arriver à la cheville du cerveau humain…
…Excusez-moi un instant ! Le temps de prendre à la gorge la voix inaudible qui essaie d’insinuer la terrible question: «Pour combien de temps encore ?»
J’arrive à la faire taire, à l’empêcher d’insister. Je relâche mon étreinte. Elle en profite pour m’envoyer doucereusement en se jouant de ma garde: «Derrière ces traductions automatiques biscornues, rigolotes ou harassantes, il y a une puissance de traitement, de calcul que tu es incapable d’imaginer. Des cerveaux, bien humains ceux-là, utilisent les capacités en croissance exponentielle de ces machineries et des recettes technologiques qui les font tourner, au service de leurs avidités et desseins égoïstes...»
Je n’ai pas eu le temps de l’arrêter. Que répondre à tant d’impertinence. Je n’ai pu que lui crier après coup: «Mais tais-toi donc… Les gens vont penser que je suis schizo (et peut-être auront-ils raison de le penser) et ils vont me demander de remballer ma philosophaillerie de fin de week-end pour aller prêcher ailleurs.» J’éprouve d’insurmontables difficultés à traduire (à trahir ?) en mots les sentiments qui m’agitent.
Et nous voilà bien éloigné (béni soit le ‘’nous’’) du sujet de cette introduction (la voix intérieure m’envoie en ricanant: «L’as-tu abordé pour prétendre que tu t’en es éloigné…». Voilà ce qui arrive quand on se laisse distraire par d’irrespectueuses voix intérieures et qu’on leur lâche un peu la bride.)
Bref (tout à coup, me voilà pressé d’en finir), on a la fameuse lettre que quelqu’un aurait adressé à son frère Lakhdar et qui commence ainsi: «Cher frère le Vert…», lettre dont le caractère comique est construit sur la traduction mot-à-mot de l'arabe populaire de chez-nous en français.
Il n‘est pas facile de traduire littéralement un texte en simulant la méconnaissance de la langue source ou de destination. Pour quelques mots, c’est facile. Les choses se compliquent sérieusement quand il s’agit de phrases entières : le respect, même camouflé, des règles de la grammaire finit par trahir le faux «traducteur littéral».
Je propose que l’on s’essaye ici, pour le sourire, pour la réflexion ou pour le simple plaisir de la discussion, à produire des traductions littérales, quelles que soient les langues d’origine et de destination.
Pour commencer, il y a celles-ci:
Il y a aussi ces expressions qui sont bien passées presque mot à mot, confortablement d’une langue à l’autre, comme :
Quand c’est du mot à mot, ça revient parfois à mettre les pieds dans une indénombrable dimension. Cela débouche sur des formulations qui font parfois rire mais aussi réfléchir et s’interroger sur les cheminements qui ont fait qu’une expression imagée ou une certaine formulation a pris un ou des sens communs donnés.
La question ne se réduit pas à de simples différences de syntaxe entre la langue d’origine et celle de destination. Si c’était le cas, les programmes de traduction automatique auraient déjà poussé l’immense majorité des interprètes en fonction à se trouver un autre gagne-pain moins traitre.
Pour tester la traduction automatique, je me suis adressé à Google Translate pour qu’il me dise comment on dit en anglais «J’ai marié mon frère». Il m’a répondu sans hésiter, avant même que j’aie terminé de taper ma petite phrase: «I married my brother». C’est quoi ça ??? Lui ai-je crié très fort. Puis encore plus fort, pour secouer son irritable zénitude: «Tu es bien sûr de toi, cocco..??!!!» Il n’a pas du tout bronché. Il m’a même semblé voir se dessiner furtivement une moue méprisante sur l’écran.
«Haha», que je lui ajoute, «on va voir si tu es aussi rapide dans l’autre sens et si tu vas me restituer ma phrase initiale…!!!».
Et je lui demande illico de me traduire sa British answer («I married my brother») en bon French (là, je le bats de vitesse grâce au providentiel couper-coller.) Et savez-vous ce qu’il m’a répondu le salaud. Je cache mes yeux et je vous le murmure dans l’oreille: «J’ai épousé mon frère», comme ça, sans rougir, sans vérifier si j’étais seul, sans le «sauf votre respect», sans préparation psychologique… Comme ça… A prendre ou… à prendre…
En fait, je fais semblant d’être mécontent. Je suis loin d’être contrarié. Au contraire, je me frotte mentalement les mains. Ces machines, bêtes, disciplinés et parfois méchantes par ignorance sont encore loin d’arriver à la cheville du cerveau humain…
…Excusez-moi un instant ! Le temps de prendre à la gorge la voix inaudible qui essaie d’insinuer la terrible question: «Pour combien de temps encore ?»
J’arrive à la faire taire, à l’empêcher d’insister. Je relâche mon étreinte. Elle en profite pour m’envoyer doucereusement en se jouant de ma garde: «Derrière ces traductions automatiques biscornues, rigolotes ou harassantes, il y a une puissance de traitement, de calcul que tu es incapable d’imaginer. Des cerveaux, bien humains ceux-là, utilisent les capacités en croissance exponentielle de ces machineries et des recettes technologiques qui les font tourner, au service de leurs avidités et desseins égoïstes...»
Je n’ai pas eu le temps de l’arrêter. Que répondre à tant d’impertinence. Je n’ai pu que lui crier après coup: «Mais tais-toi donc… Les gens vont penser que je suis schizo (et peut-être auront-ils raison de le penser) et ils vont me demander de remballer ma philosophaillerie de fin de week-end pour aller prêcher ailleurs.» J’éprouve d’insurmontables difficultés à traduire (à trahir ?) en mots les sentiments qui m’agitent.
Et nous voilà bien éloigné (béni soit le ‘’nous’’) du sujet de cette introduction (la voix intérieure m’envoie en ricanant: «L’as-tu abordé pour prétendre que tu t’en es éloigné…». Voilà ce qui arrive quand on se laisse distraire par d’irrespectueuses voix intérieures et qu’on leur lâche un peu la bride.)
Bref (tout à coup, me voilà pressé d’en finir), on a la fameuse lettre que quelqu’un aurait adressé à son frère Lakhdar et qui commence ainsi: «Cher frère le Vert…», lettre dont le caractère comique est construit sur la traduction mot-à-mot de l'arabe populaire de chez-nous en français.
Il n‘est pas facile de traduire littéralement un texte en simulant la méconnaissance de la langue source ou de destination. Pour quelques mots, c’est facile. Les choses se compliquent sérieusement quand il s’agit de phrases entières : le respect, même camouflé, des règles de la grammaire finit par trahir le faux «traducteur littéral».
Je propose que l’on s’essaye ici, pour le sourire, pour la réflexion ou pour le simple plaisir de la discussion, à produire des traductions littérales, quelles que soient les langues d’origine et de destination.
Pour commencer, il y a celles-ci:
yessawwar el-khobz 3la ras wladou يْصَوَّر الخُبْز على راس وْلادو : Il dessine / photographie le pain sur la tête de ses enfants
Il gagne le pain de ses enfants (Il gagne son bifteck)
yegta3 lebhar : Il coupe la mer
Il traverse la mer.
darbatni l’fiqa 3la el khamsa ضربتني الفيقا على الخمسة : il m’a frappé l’éveil sur cinq
Je me suis réveillé à cinq heures du matin.
ettriq el manjoura الطريق المنجورة : La route rabotée / taillée.
La route goudronnée
Du français vers l’arabe :Il gagne le pain de ses enfants (Il gagne son bifteck)
yegta3 lebhar : Il coupe la mer
Il traverse la mer.
darbatni l’fiqa 3la el khamsa ضربتني الفيقا على الخمسة : il m’a frappé l’éveil sur cinq
Je me suis réveillé à cinq heures du matin.
ettriq el manjoura الطريق المنجورة : La route rabotée / taillée.
La route goudronnée
Il a avalé son extrait de naissance : سْرَطْ ليكْسْطْري تاعو srate lekstré ta3ou (en arabe classique : akala chahadata miladihi)
Il lui a passé un savon : fewtou lou saboune = ghaslou = naqqalou wadnih (il lui a nettoyé les oreilles)
Il lui a passé un savon : fewtou lou saboune = ghaslou = naqqalou wadnih (il lui a nettoyé les oreilles)
Il y a aussi ces expressions qui sont bien passées presque mot à mot, confortablement d’une langue à l’autre, comme :
el foum leblella3 ma yedekhlou debbane الفُمْ لمبَلَّعْ ما يَدَخْلو دبَّانْ
En close bouche, n'entre point mouche (Mérimée).
Pour clore ce laïus, une «traduction» phonétique d’anthologie de l’anglais à l’arabe:En close bouche, n'entre point mouche (Mérimée).
Happy birthday to you : حبيبتي تو يو habibati to you
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