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Les moulins à intox et l’exaspération de l’opinion

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  • Les moulins à intox et l’exaspération de l’opinion

    Le brouillard total. Toujours cette pesante invisibilité politique que le pays tente en vain de percer par des «on dit» qui s’échangent un peu partout. Bien plus que du désenchantement c’est déjà une humeur noire qui affecte ce pays tant l’attente commence à l’exaspérer. La réalité, étant ce qu’elle est depuis plus de 8 mois, avait-on, en effet, le droit de continuer à louvoyer autour d’une décision vitale alors que l’Etat est en train de sombrer dans une dépression violemment existentielle ?

    En clair, qui peut infirmer le fait que l’Algérie n’a plus de président de la République en pleine responsabilité depuis le 27 avril 2013 ? Et lequel, parmi les multiples réseaux agissant pour le compte de ce statu quo, est en mesure d’affranchir l’opinion sur ce qui doit advenir dans la poignée de semaines qui restent d’un mandat présidentiel ? «Il réfléchit», nous a-t-on rassurés il y a un mois et ils ont même ajouté qu’il prendra «sa décision en conscience le moment voulu». Or, c’est cette histoire du «moment» qui, en définitive, pose problème. Peu désireux de prendre date avec le pays, alors que la ponctualité gouverne habituellement tout acte politique, Bouteflika ne complique-t-il pas dangereusement les règles du «jeu» en pensant, à tort d’ailleurs, qu’il est avantageux pour lui de ne se dévoiler que le plus tard possible ?

    L’on se souvient effectivement qu’il avait agi chaque fois ainsi afin de toiser les autres candidats. Sauf qu’il n’est ni en 1999 ou 2004 et 2009 quand il était encore dans la plénitude de ses forces et de sa démagogie oratoire. A cela viennent s’ajouter également les bilans peu glorieux qui sont les siens, après 15 années. Les experts les plus pointus, ayant établi des tableaux synoptiques de notre désastre, il ne peut de surcroît se prévaloir de ce qu’il aurait prétendument accompli, sans être contredit sous toutes les coutures. Or, l’on se demande si, dans son interminable ermitage, le Président a eu tout le temps à lui pour se soumettre à ce genre d’introspection à propos de sa propre trajectoire et se convaincre de sortir par le haut en regagnant une vie privée. Car, si dans le contexte présent il existe, semble-t-il, une unanimité dans l’opinion pour souhaiter qu’il se retire à la fin de ce mandat, c’est non seulement parce que l’outrage du temps a fait son œuvre, mais aussi et surtout parce qu’il devient difficile au meilleur des avocats du régime d’en faire une référence constante pour l’avenir. L’Algérie, qui a pris du retard dans tous les aspects du management des vecteurs de la créativité (école, université et entreprise) et dont les institutions sont archaïques ne peut plus se payer le luxe de reconduire un personnel politique qui a échoué et accordé, à nouveau, un quitus à un mythe qui n’a été que rarement à la hauteur des drames du passé. Pour sa part, la mystification de 1999 qui a balayé tant de résistances, constitue également la mauvaise conscience de la plupart des acteurs politiques ; lesquels, par leur frilosité ont contribué à la cassure de la dynamique de la refondation de la nation qu’appelaient par leurs vœux de larges strates de la société. Dans leur majorité, les partis politiques, moins marqués par la satellisation, n’ont pas joué leur rôle de contre-pouvoirs combattifs. Leur indétermination par rapport aux échos de la société a fini par les dériver vers les eaux du système et son mode opératoire. S’étant accommodé des règles édictées par El Mouradia en contrepartie des strapontins à la périphérie de la véritable sphère de la décision, ils participèrent finalement à la perpétuation de l’actuel régime.

    Quinze années plus tard et après tous les dégâts infligés aux institutions électives, certaines personnalités oublieuses viennent de se découvrir des vocations de directeurs de conscience des libertés publiques. Et ce sont justement celles-ci qui exigèrent récemment la remise de tous les mandats électifs tout en s’abstenant d’aborder celle qui est primordiale pour réenclencher un processus d’alternance véritable et transparente. En effet, au lieu de poser comme préalable de faire barrage à la candidature du Président-sortant, elles s’étaient contentées d’ergoter sur les garanties du scrutin. Le récent épisode d’un certain conclave interpellant sur ce sujet le ministre de l’Intérieur n’est-il pas significatif d’une certaine clochardisation de cette «élite» politique ? Son aplatissement craintif, que le régime vérifie avec plaisir, incite finalement celui-ci à ne douter de rien. Et même devenir une source d’inspiration au Premier ministre pour ses discours approximatifs en province. Or, quoiqu’il décline ses promesses lors de ses tournées, celui-ci est en panne d’imagination pour décrire l’Algérie de l’après avril 2014 avec toujours à sa direction Bouteflika. A qui ressemblera-t-elle alors que l’amiral serait encore en convalescence ? A celle qui tourne dans le vide sidéral sous la houlette d’une camarilla tâtonnante dont il est actuellement le coordinateur par intérim ? La perspective est assurément insupportable car elle est porteuse de tous les germes de l’effondrement des valeurs constitutives de ce pays. La légitimation d’un régime ad-vitam æternam n’est-elle pas la traduction logique de la négation du principe des libertés politiques ? Cela revient à dire que si Bouteflika venait à solliciter un 4e bail, il prendrait à rebours l’histoire de ce pays. Or comme le suggérait déjà Mouloud Hamrouche il y a une dizaine d’années : «Toute solution qui va dans le sens de l’histoire passe par son départ.» Il désignait évidemment Bouteflika


    Boubakeur Hamidechi, Le Soir
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