C'est le 2 novembre du 13 octobre. L'an déjà. Siècle des piétons. Ensuite ? Rien, le temps passe. On n'a plus d'octobristes, de novembristes ou de janviéristes. Rien. Tout est vide, assis, hébété, attendu, dit, prétendu et affirmé mais pas soutenu ou confirmé et garanti à vie. Comme si on voulait arracher une dent qui vous arrache, à la place, la bouche. C'est triste cependant : le ciel semble plus animé que la terre algérienne assise dans un coin.
Des années et des années de luttes et d'analyses pour en arriver justement, après essorage et piétinement, à voir du neuf dans la rencontre de Saâdani avec Belkhadem. C'est vous dire qu'on est tombé bien bas dans l'ennui et le voyeurisme. Le pays est tellement immobile et vidé que lorsque Belkhadem a fait irruption dans la salle où Saâdani jouait des épaules, on a cru pouvoir y réinventer l'eau chaude et les lois de la pomme qui tombe. Saâdani a alors grimacé. Belkhadem a éternué.
Amar a fait un mouvement de la mèche vers sa tête et de sa tête vers sa paupière. Un homme a hésité puis s'est déplacé vers Abdelaziz. Lequel ? Justement. Et ainsi de suite. C'est vous dire qu'on en est arrivé à demander un verre d'eau au premier galet du désert. Etrange cas d'un peuple qui vit sur une terre qui se joue sans lui. De la guerre de Libération, à l'Ennui national. De la bataille, au hors-jeu. Le pire est que nous étions plus vivants durant la mort qu'après la paix : durant les années 90 les gens au moins mourraient, survivaient ou se battaient. Aujourd'hui, on peut à peine éternuer et commenter. Voir un homme qui marche sur la lune quand Saâdani marche avec ses épaules est la preuve que nous sommes morts, enterrés, encastrés dans les racines et que nous pouvons à peine bouger, au point de voir de l'actualité dans ce genre de chose. Nous avons été tués donc. Dans le dos pendant que l'on se regardait. Nous sommes morts et on le sait à cette façon lente de marcher, de mâcher et de regarder la télé.
L'ENTV filme un pays étranger à lui-même, insonore et qui s'occupe à faire du casting pour trouver un chef et le casting dure et dure encore. Et ainsi de suite. C'est la seule explication de notre cas : quand un malade gouverne des gens, c'est que les gens sont morts. Cela explique un peu l'échelle des dynamiques : un mort voit dans un malade une vie déjà. Un cadavre voit dans un bras qui tombe une main qui se lève.
Que fera demain Saâdani ? Il va coller son oreille au téléphone de son employeur. Il va hocher de la tête, acquiescer, puis se lancer dans le vide et ramasser des gens et leur parler. Il hochera la tête, dira, ira, niera puis pliera en quatre sa feuille. Le lendemain, des journaux en parleront, diront, analyseront et attendront. 1000 ans de colonisation, sept ans de guerre, cinquante ans en liste d'attente pour en arriver à voir dans les sourcils de Amar les signes de l'avenir de toute une nation.
Kamel Douad, Quotidien d'Oran, 13/01/2014
Des années et des années de luttes et d'analyses pour en arriver justement, après essorage et piétinement, à voir du neuf dans la rencontre de Saâdani avec Belkhadem. C'est vous dire qu'on est tombé bien bas dans l'ennui et le voyeurisme. Le pays est tellement immobile et vidé que lorsque Belkhadem a fait irruption dans la salle où Saâdani jouait des épaules, on a cru pouvoir y réinventer l'eau chaude et les lois de la pomme qui tombe. Saâdani a alors grimacé. Belkhadem a éternué.
Amar a fait un mouvement de la mèche vers sa tête et de sa tête vers sa paupière. Un homme a hésité puis s'est déplacé vers Abdelaziz. Lequel ? Justement. Et ainsi de suite. C'est vous dire qu'on en est arrivé à demander un verre d'eau au premier galet du désert. Etrange cas d'un peuple qui vit sur une terre qui se joue sans lui. De la guerre de Libération, à l'Ennui national. De la bataille, au hors-jeu. Le pire est que nous étions plus vivants durant la mort qu'après la paix : durant les années 90 les gens au moins mourraient, survivaient ou se battaient. Aujourd'hui, on peut à peine éternuer et commenter. Voir un homme qui marche sur la lune quand Saâdani marche avec ses épaules est la preuve que nous sommes morts, enterrés, encastrés dans les racines et que nous pouvons à peine bouger, au point de voir de l'actualité dans ce genre de chose. Nous avons été tués donc. Dans le dos pendant que l'on se regardait. Nous sommes morts et on le sait à cette façon lente de marcher, de mâcher et de regarder la télé.
L'ENTV filme un pays étranger à lui-même, insonore et qui s'occupe à faire du casting pour trouver un chef et le casting dure et dure encore. Et ainsi de suite. C'est la seule explication de notre cas : quand un malade gouverne des gens, c'est que les gens sont morts. Cela explique un peu l'échelle des dynamiques : un mort voit dans un malade une vie déjà. Un cadavre voit dans un bras qui tombe une main qui se lève.
Que fera demain Saâdani ? Il va coller son oreille au téléphone de son employeur. Il va hocher de la tête, acquiescer, puis se lancer dans le vide et ramasser des gens et leur parler. Il hochera la tête, dira, ira, niera puis pliera en quatre sa feuille. Le lendemain, des journaux en parleront, diront, analyseront et attendront. 1000 ans de colonisation, sept ans de guerre, cinquante ans en liste d'attente pour en arriver à voir dans les sourcils de Amar les signes de l'avenir de toute une nation.
Kamel Douad, Quotidien d'Oran, 13/01/2014
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