Par Serge Hefez.
Quelques jours après le début de notre voyage, nous sommes invités à un mariage au même titre que tous les habitants de ce minuscule village de montagne où nous nous sommes arrêtés. La famille de la jeune épousée fait partie de ce village, la famille du fiancé vit dans un village voisin de quelques kilomètres. La jeune femme se devait d’être prostrée toute la journée dans un coin de la pièce principale de la maison familiale, faisant mine de pousser de grands sanglots pour signifier à quel point il lui est douloureux de quitter ses parents et sa famille. Les invités festoient autour d’elle, buvant du thé tibétain au beurre de yack et se gavant de riz et de momos. La mère de la mariée reçoit les cadeaux des invités qui défilent devant elle et la félicitent.
Pendant ce temps, tous les jeunes gens du village du marié se réunissent dans la cour, vêtus de somptueux habits chamarrés et de chapeaux en fourrure ; ils ont harnaché leurs chevaux de tapis ancestraux et bu de bonnes quantités de bang, alcool de seigle très prisé. Ils poussent des cris, pénètrent dans la maison à grand bruit après avoir tiré quelques balles de fusil à blanc, arrachent la mariée des bras de sa mère et de ses sœurs. Celle-ci s’en donne à cœur joie, sanglote de plus belle, se lamente à fendre l’âme. Rien n’y fait, elle est ceinturée et «enlevée» sur un fier destrier et conduite par la horde sauvage vers la maison des parents de son époux…!
Que de clichés pour les visiteurs que nous sommes : virilité triomphante des mâles tibétains, mariage arrangé et forcé, femme soumise et contrainte….et que d’erreurs nous aurions commises en nous fiant à ce simple rituel ancestral que tous s’accordent à jouer avec jubilation.
Derrière ce jeu de rôles, une autre réalité : cet homme et cette femme se sont non seulement choisis, il y a fort longtemps, mais vivent ensemble depuis quelques années et ont déjà deux bébés… Ils n’avaient simplement pas encore eu le temps de célébrer leur mariage !
Les femmes tibétaines de cette contrée non seulement choisissent leur conjoint mais ont la possibilité (pas l’obligation) d’épouser toute la fratrie, qu’elle soit de deux, trois ou quatre hommes… Cette région fait partie des rares contrées du monde à instituer la polyandrie.
La vie familiale et conjugale est en effet organisée de manière particulière. Le pays est pauvre et les terres cultivables bien rares ; il est pratiquement impossible pour un homme qui se marie de quitter sa famille pour vivre par ses propres moyens. Les aînés héritent, les cadets deviennent moines, les suivants vivent sous la dépendance de leur frère avec qui ils partagent non seulement la maison et les terres mais aussi l’épouse, avec laquelle ils se marient.
Les hommes habitent en général la maison à tour de rôle, étant tour à tour bergers transhumant vers les pâturages, cultivateurs, sherpas, ou employés à de petits boulots à Katmandou ou dans le nord de l’Inde.
Les femmes règnent sur la maison et choisissent celui avec lequel elles vont partager leur couche…
Et tous ces frères se retrouvent naturellement les pères des enfants de leur épouse.
Quant à l’exercice de la paternité, nos «nouveaux pères» n’ont rien à leur envier : les papas du Mustang portent volontiers leurs petits emmaillotés sur leur dos, et encore plus les grands-pères qui semblent trouver un statut social dans leur rôle de nounou. Et ils se montrent particulièrement doux et câlins avec les tout-petits…Libé
Quelques jours après le début de notre voyage, nous sommes invités à un mariage au même titre que tous les habitants de ce minuscule village de montagne où nous nous sommes arrêtés. La famille de la jeune épousée fait partie de ce village, la famille du fiancé vit dans un village voisin de quelques kilomètres. La jeune femme se devait d’être prostrée toute la journée dans un coin de la pièce principale de la maison familiale, faisant mine de pousser de grands sanglots pour signifier à quel point il lui est douloureux de quitter ses parents et sa famille. Les invités festoient autour d’elle, buvant du thé tibétain au beurre de yack et se gavant de riz et de momos. La mère de la mariée reçoit les cadeaux des invités qui défilent devant elle et la félicitent.
Pendant ce temps, tous les jeunes gens du village du marié se réunissent dans la cour, vêtus de somptueux habits chamarrés et de chapeaux en fourrure ; ils ont harnaché leurs chevaux de tapis ancestraux et bu de bonnes quantités de bang, alcool de seigle très prisé. Ils poussent des cris, pénètrent dans la maison à grand bruit après avoir tiré quelques balles de fusil à blanc, arrachent la mariée des bras de sa mère et de ses sœurs. Celle-ci s’en donne à cœur joie, sanglote de plus belle, se lamente à fendre l’âme. Rien n’y fait, elle est ceinturée et «enlevée» sur un fier destrier et conduite par la horde sauvage vers la maison des parents de son époux…!
Que de clichés pour les visiteurs que nous sommes : virilité triomphante des mâles tibétains, mariage arrangé et forcé, femme soumise et contrainte….et que d’erreurs nous aurions commises en nous fiant à ce simple rituel ancestral que tous s’accordent à jouer avec jubilation.
Derrière ce jeu de rôles, une autre réalité : cet homme et cette femme se sont non seulement choisis, il y a fort longtemps, mais vivent ensemble depuis quelques années et ont déjà deux bébés… Ils n’avaient simplement pas encore eu le temps de célébrer leur mariage !
Les femmes tibétaines de cette contrée non seulement choisissent leur conjoint mais ont la possibilité (pas l’obligation) d’épouser toute la fratrie, qu’elle soit de deux, trois ou quatre hommes… Cette région fait partie des rares contrées du monde à instituer la polyandrie.
La vie familiale et conjugale est en effet organisée de manière particulière. Le pays est pauvre et les terres cultivables bien rares ; il est pratiquement impossible pour un homme qui se marie de quitter sa famille pour vivre par ses propres moyens. Les aînés héritent, les cadets deviennent moines, les suivants vivent sous la dépendance de leur frère avec qui ils partagent non seulement la maison et les terres mais aussi l’épouse, avec laquelle ils se marient.
Les hommes habitent en général la maison à tour de rôle, étant tour à tour bergers transhumant vers les pâturages, cultivateurs, sherpas, ou employés à de petits boulots à Katmandou ou dans le nord de l’Inde.
Les femmes règnent sur la maison et choisissent celui avec lequel elles vont partager leur couche…
Et tous ces frères se retrouvent naturellement les pères des enfants de leur épouse.
Quant à l’exercice de la paternité, nos «nouveaux pères» n’ont rien à leur envier : les papas du Mustang portent volontiers leurs petits emmaillotés sur leur dos, et encore plus les grands-pères qui semblent trouver un statut social dans leur rôle de nounou. Et ils se montrent particulièrement doux et câlins avec les tout-petits…Libé
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