La Tunisie selon l’Occident : Tout sauf une démocratie d’essence musulmane
« Il est comme le sel : il n'est absent à aucun repas. »
Proverbe tunisien
Dans la discrétion la plus totale et c'est tant mieux, la Tunisie est en train de réussir sa mue. S'il n'y a pas d'interférence, la Constitution sera votée ouvrant la voie à un pluralisme politique. En Occident c'est la liesse : pas de Chari'a en Tunisie ! Les choses ne sont pas si simples. En fait, l'Occident qui d'une façon compulsive s’en prend à tout ce qui est Islam et confondant sciemment Islam et Islamisme , devrait s'interroger sur ce qui reste de la démocratie chez lui. La démocratie en Occident est en crise et d'ailleurs il faut se demander si elle a existé. Il faut parler de plus en plus de ploutocratie.
L'élite financière qui gouverne et les partis politiques étant à sa solde au même titre que la presse et les médias de masse. Les luttes syndicales sont à bout de souffle. Donc cette comédie-démocratique est en crise en Europe et l'Occident essaye de l'implanter dans les pays musulmans pour lui donner un nouveau souffle et pour voir émerger un nouvelle bourgeoisie aux ordres. Evacuée la démocratie, il reste le vrai écueil, il ne faut pas donner de visibilité à l'Islam dans les pays musulmans ne serait-ce qu'en termes de source d'inspiration. Ce qui explique la joie hystérique des médias qui ne tarissent pas d'éloges sur le printemps tunisien.
Pourtant, au même titre que la démocratie chrétienne, pourquoi pas un même cheminement pour une démocratie musulmane ? La démocratie chrétienne est un courant de pensée politique et religieuse. Elle cherche à promouvoir, au sein d'une société démocratique et pluraliste, une politique conforme au message des Evangiles En Europe de l'Ouest, plus d'une douzaine de parties représentent cette tendance. C'est le cas en Allemagne de la CDU de Merkel dont le père était pasteur. En Belgique, le plus fameux chrétien-démocrate belge du moment est probablement Herman Van Rompuy, l'actuel président du Conseil européen. Il est vrai qu’il n’y a pas d’exemple probant de réussite, en Islam la démocratie islamique type AKP en Turquie a fait long feu , notamment à cause de la lutte pour garder le pouvoir à tout prix , quitte à prendre des « libertés » cherchant dans une lecture singulière du Coran le secours du divin pour légitimer un fonctionnement temporel déplorable
Comment Ennahda a évité à la Tunisie l'aventure du piège égyptien
Dans une interview, publiée le 12 décembre 2013, le président du parti islamiste Ennahdha, Rached Ghannouchi déclare : « Ennahda a quitté le pouvoir par choix éthique » (...) Je ne vous dirai pas que nous avons réalisé de grands exploits durant ces deux années, mais nous devons garder présent à l'esprit le fait que le pays traverse une période de transition, après la révolution. Tenez, comparez notre situation à celles d'autres pays vivant une expérience similaire - la Libye, la Syrie, le Yémen, l'Egypte et d'autres pays du Printemps arabe. Il est évident que le sort de la Tunisie est nettement meilleur. Notre pays est la dernière bougie du Printemps arabe qui reste allumée malgré tous ces vents qui s'acharnent contre elle. Si vous lisez bien la Constitution - qui est presque prête à présent - vous constateriez qu'elle consacre toutes les valeurs de la Révolution, telles que la liberté d'association, la liberté d'expression et l'égalité pour les femmes. » (1)
« (...) Je crois que la démocratie réussira en Tunisie. Je crois également qu'elle réussira dans les autres pays du Printemps arabe. En notre temps, en cette époque de la libre circulation de l'information, je pense qu'il n'y a plus de place pour les dictatures. Certaines personnes de l'opposition avaient souhaité que ce qui est arrivé en Egypte puisse avoir lieu en Tunisie.. Nous avons exporté la révolution - le Printemps arabe - en Egypte, mais nous ne souhaitons pas importer d'Egypte le coup d'Etat. Nous souhaitons qu'avec la réussite de la transition démocratique en Tunisie nous pourrons exporter en Egypte un modèle démocratique qui marche. (...)La Tunisie, sous la Constitution de 1959, est un Etat indépendant - avec l'Islam pour religion et l'arabe pour langue officielle. Ceci nous suffit. (...) Nous ne voulons pas d'une théocratie qui se placerait au-dessus du Parlement. Certaines personnes avaient exprimé le souhait d'inclure la chariâ dans la nouvelle Constitution, et nous avons rejeté cette idée. » (1)
Le sacerdoce de Ghannouchi
On peut observer que Rached Ghannouchi a fait les concessions nécessaires pour faire aboutir cette Constitution en gestation depuis trois ans. Quelle est sa conviction profonde ? Dans une ancienne interview au journal français L'Express Rached Ghannouchi livrait sa vision de la gestion de la cité dans un contexte islamique . Pour Ghannouchi, « l'idéal nassérien d'une nation arabe, forte, prenant modèle sur le monde occidental, s'était brisé. »
Monsieur Rached Ghannouchi fait le procès des élites qui ont vendu leurs âmes à l'Occident. Pourtant cet Occident honni lui a permis de faire prospérer ses idées qu'il vient vendre aux Tunisiens et Tunisiennes comme étant la solution aux problèmes de la Tunisie. Il le dit d’ailleurs honnêtement en comparant la liberté qu’il avait de s’exprimer étant au Royaume Uni avec la Chappe de plomb des pays musulmans. « Si j'ai le choix entre vivre dans un pays musulman sans liberté et un pays laïc où existe la liberté, je choisis le second ! Il est sans doute plus proche de l'islam que le prétendu Etat musulman... »
Interrogé sur sa vision de la modernité, il déclarait toujours dans cette interview à L'Express : « Cela dépend de quelle modernité vous voulez parler ! Nous rejetons votre conception, qui consiste à séparer la religion et la vie de la société. Mais nous avons notre propre chemin vers une modernité qui ne cherche pas à imiter l'Occident. Et qui implique une totale liberté de pensée, une totale liberté du peuple de choisir ses gouvernants. Alors, évidemment, nous approuvons. (...) Ce qui est en question n'est pas tant le concept de démocratie qu'une réaction contre l'Occident, que nous refusons d'imiter. Nous nous opposons à des gouvernements qui se réclament de la démocratie. Mais aucun penseur islamique ne prétend que l'autorité du gouvernement est l'incarnation de la volonté divine ! (...) Notre problème est que l'Etat n'est ni islamique ni laïc. Je peux vivre tranquillement dans des pays comme la Grande-Bretagne ou la France où la liberté confessionnelle est respectée. En Angleterre, il y a un parti islamique... Mais pas en Tunisie ! Pas en Egypte ! »(2)(3)
Et l'Algérie dans tout çà ?
Dans une contribution lucide et objective Samy Ghorbal nous explique en creux le rôle positif et désintéressé de l'Algérie dans l'aide au dialogue entre les leaders tunisiens. Pour lui, les destins de l'Algérie et de la Tunisie sont globalement liés : « Une déstabilisation de la Tunisie affectera nécessairement la sécurité intérieure d'une Algérie, aux prises, depuis de longues années, avec la subversion terroriste islamiste. (...) La solution de la crise tunisienne passera-t-elle par Alger ? (...) A Tunis, certains avaient même redouté que les puissants services de renseignement du pays voisin n'entreprennent des manoeuvres de déstabilisation, pour faire échouer la transition démocratique et pour enrayer un possible « effet domino ». (...) L'Algérie choisira de faire le dos rond, et s'abstiendra de toute action hostile. En mars 2011, fraîchement nommé à la tête du second gouvernement de transition, Béji Caïd Essebsi part à Alger pour rassurer Abdelaziz Bouteflika et Ahmed Ouyahia. Les fils du dialogue sont renoués. L'Algérie observera une parfaite neutralité pendant toute la durée du processus électoral tunisien. Personne n'a oublié la proximité entre les islamistes tunisiens et ceux du FIS. Mais le passé est le passé, et les relations entre Etats doivent s'élever au-dessus de ces contingences. » (4)
Samy Ghorbal nous parle de la maladresse de Moncef Marzouki : « En choisissant de se rendre à Tripoli pour sa première visite à l'étranger, le 2 janvier 2012, Moncef Marzouki a indisposé Alger. Il a aggravé son cas en déclarant, alors qu'il se trouvait à Tripoli, que les Algériens auraient pu éviter le bain de sang des années 1990 en respectant le résultat des urnes et en laissant les islamistes accéder au pouvoir. Ces propos suscitent un tollé à Alger. La presse se déchaîne, en soulignant l'amateurisme et l'ingratitude du locataire du palais de Carthage. Hamadi Jebali parvient péniblement à recoller les morceaux. Mais le mal est fait. Moncef Marzouki ne sera plus jamais en odeur de sainteté, et aucune de ses initiatives visant à relancer la construction du Maghreb ne trouvera d'écho positif du côté d'Alger. » (4)
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« Il est comme le sel : il n'est absent à aucun repas. »
Proverbe tunisien
Dans la discrétion la plus totale et c'est tant mieux, la Tunisie est en train de réussir sa mue. S'il n'y a pas d'interférence, la Constitution sera votée ouvrant la voie à un pluralisme politique. En Occident c'est la liesse : pas de Chari'a en Tunisie ! Les choses ne sont pas si simples. En fait, l'Occident qui d'une façon compulsive s’en prend à tout ce qui est Islam et confondant sciemment Islam et Islamisme , devrait s'interroger sur ce qui reste de la démocratie chez lui. La démocratie en Occident est en crise et d'ailleurs il faut se demander si elle a existé. Il faut parler de plus en plus de ploutocratie.
L'élite financière qui gouverne et les partis politiques étant à sa solde au même titre que la presse et les médias de masse. Les luttes syndicales sont à bout de souffle. Donc cette comédie-démocratique est en crise en Europe et l'Occident essaye de l'implanter dans les pays musulmans pour lui donner un nouveau souffle et pour voir émerger un nouvelle bourgeoisie aux ordres. Evacuée la démocratie, il reste le vrai écueil, il ne faut pas donner de visibilité à l'Islam dans les pays musulmans ne serait-ce qu'en termes de source d'inspiration. Ce qui explique la joie hystérique des médias qui ne tarissent pas d'éloges sur le printemps tunisien.
Pourtant, au même titre que la démocratie chrétienne, pourquoi pas un même cheminement pour une démocratie musulmane ? La démocratie chrétienne est un courant de pensée politique et religieuse. Elle cherche à promouvoir, au sein d'une société démocratique et pluraliste, une politique conforme au message des Evangiles En Europe de l'Ouest, plus d'une douzaine de parties représentent cette tendance. C'est le cas en Allemagne de la CDU de Merkel dont le père était pasteur. En Belgique, le plus fameux chrétien-démocrate belge du moment est probablement Herman Van Rompuy, l'actuel président du Conseil européen. Il est vrai qu’il n’y a pas d’exemple probant de réussite, en Islam la démocratie islamique type AKP en Turquie a fait long feu , notamment à cause de la lutte pour garder le pouvoir à tout prix , quitte à prendre des « libertés » cherchant dans une lecture singulière du Coran le secours du divin pour légitimer un fonctionnement temporel déplorable
Comment Ennahda a évité à la Tunisie l'aventure du piège égyptien
Dans une interview, publiée le 12 décembre 2013, le président du parti islamiste Ennahdha, Rached Ghannouchi déclare : « Ennahda a quitté le pouvoir par choix éthique » (...) Je ne vous dirai pas que nous avons réalisé de grands exploits durant ces deux années, mais nous devons garder présent à l'esprit le fait que le pays traverse une période de transition, après la révolution. Tenez, comparez notre situation à celles d'autres pays vivant une expérience similaire - la Libye, la Syrie, le Yémen, l'Egypte et d'autres pays du Printemps arabe. Il est évident que le sort de la Tunisie est nettement meilleur. Notre pays est la dernière bougie du Printemps arabe qui reste allumée malgré tous ces vents qui s'acharnent contre elle. Si vous lisez bien la Constitution - qui est presque prête à présent - vous constateriez qu'elle consacre toutes les valeurs de la Révolution, telles que la liberté d'association, la liberté d'expression et l'égalité pour les femmes. » (1)
« (...) Je crois que la démocratie réussira en Tunisie. Je crois également qu'elle réussira dans les autres pays du Printemps arabe. En notre temps, en cette époque de la libre circulation de l'information, je pense qu'il n'y a plus de place pour les dictatures. Certaines personnes de l'opposition avaient souhaité que ce qui est arrivé en Egypte puisse avoir lieu en Tunisie.. Nous avons exporté la révolution - le Printemps arabe - en Egypte, mais nous ne souhaitons pas importer d'Egypte le coup d'Etat. Nous souhaitons qu'avec la réussite de la transition démocratique en Tunisie nous pourrons exporter en Egypte un modèle démocratique qui marche. (...)La Tunisie, sous la Constitution de 1959, est un Etat indépendant - avec l'Islam pour religion et l'arabe pour langue officielle. Ceci nous suffit. (...) Nous ne voulons pas d'une théocratie qui se placerait au-dessus du Parlement. Certaines personnes avaient exprimé le souhait d'inclure la chariâ dans la nouvelle Constitution, et nous avons rejeté cette idée. » (1)
Le sacerdoce de Ghannouchi
On peut observer que Rached Ghannouchi a fait les concessions nécessaires pour faire aboutir cette Constitution en gestation depuis trois ans. Quelle est sa conviction profonde ? Dans une ancienne interview au journal français L'Express Rached Ghannouchi livrait sa vision de la gestion de la cité dans un contexte islamique . Pour Ghannouchi, « l'idéal nassérien d'une nation arabe, forte, prenant modèle sur le monde occidental, s'était brisé. »
Monsieur Rached Ghannouchi fait le procès des élites qui ont vendu leurs âmes à l'Occident. Pourtant cet Occident honni lui a permis de faire prospérer ses idées qu'il vient vendre aux Tunisiens et Tunisiennes comme étant la solution aux problèmes de la Tunisie. Il le dit d’ailleurs honnêtement en comparant la liberté qu’il avait de s’exprimer étant au Royaume Uni avec la Chappe de plomb des pays musulmans. « Si j'ai le choix entre vivre dans un pays musulman sans liberté et un pays laïc où existe la liberté, je choisis le second ! Il est sans doute plus proche de l'islam que le prétendu Etat musulman... »
Interrogé sur sa vision de la modernité, il déclarait toujours dans cette interview à L'Express : « Cela dépend de quelle modernité vous voulez parler ! Nous rejetons votre conception, qui consiste à séparer la religion et la vie de la société. Mais nous avons notre propre chemin vers une modernité qui ne cherche pas à imiter l'Occident. Et qui implique une totale liberté de pensée, une totale liberté du peuple de choisir ses gouvernants. Alors, évidemment, nous approuvons. (...) Ce qui est en question n'est pas tant le concept de démocratie qu'une réaction contre l'Occident, que nous refusons d'imiter. Nous nous opposons à des gouvernements qui se réclament de la démocratie. Mais aucun penseur islamique ne prétend que l'autorité du gouvernement est l'incarnation de la volonté divine ! (...) Notre problème est que l'Etat n'est ni islamique ni laïc. Je peux vivre tranquillement dans des pays comme la Grande-Bretagne ou la France où la liberté confessionnelle est respectée. En Angleterre, il y a un parti islamique... Mais pas en Tunisie ! Pas en Egypte ! »(2)(3)
Et l'Algérie dans tout çà ?
Dans une contribution lucide et objective Samy Ghorbal nous explique en creux le rôle positif et désintéressé de l'Algérie dans l'aide au dialogue entre les leaders tunisiens. Pour lui, les destins de l'Algérie et de la Tunisie sont globalement liés : « Une déstabilisation de la Tunisie affectera nécessairement la sécurité intérieure d'une Algérie, aux prises, depuis de longues années, avec la subversion terroriste islamiste. (...) La solution de la crise tunisienne passera-t-elle par Alger ? (...) A Tunis, certains avaient même redouté que les puissants services de renseignement du pays voisin n'entreprennent des manoeuvres de déstabilisation, pour faire échouer la transition démocratique et pour enrayer un possible « effet domino ». (...) L'Algérie choisira de faire le dos rond, et s'abstiendra de toute action hostile. En mars 2011, fraîchement nommé à la tête du second gouvernement de transition, Béji Caïd Essebsi part à Alger pour rassurer Abdelaziz Bouteflika et Ahmed Ouyahia. Les fils du dialogue sont renoués. L'Algérie observera une parfaite neutralité pendant toute la durée du processus électoral tunisien. Personne n'a oublié la proximité entre les islamistes tunisiens et ceux du FIS. Mais le passé est le passé, et les relations entre Etats doivent s'élever au-dessus de ces contingences. » (4)
Samy Ghorbal nous parle de la maladresse de Moncef Marzouki : « En choisissant de se rendre à Tripoli pour sa première visite à l'étranger, le 2 janvier 2012, Moncef Marzouki a indisposé Alger. Il a aggravé son cas en déclarant, alors qu'il se trouvait à Tripoli, que les Algériens auraient pu éviter le bain de sang des années 1990 en respectant le résultat des urnes et en laissant les islamistes accéder au pouvoir. Ces propos suscitent un tollé à Alger. La presse se déchaîne, en soulignant l'amateurisme et l'ingratitude du locataire du palais de Carthage. Hamadi Jebali parvient péniblement à recoller les morceaux. Mais le mal est fait. Moncef Marzouki ne sera plus jamais en odeur de sainteté, et aucune de ses initiatives visant à relancer la construction du Maghreb ne trouvera d'écho positif du côté d'Alger. » (4)
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