À 3 mois de la présidentielle, l'incertitude règne sur la participation du président dont la santé vacille. Alors qu'au FLN les rivalités s'aiguisent.
L'objectif est enfin en vue pour les candidats à la future élection présidentielle algérienne. Le chef de L'État, Abdelaziz Bouteflika, a fixé par décret au 17 avril 2014 la tenue du scrutin. Une annonce qui survient après le retour de l'homme politique, hospitalisé au Val-de-Grâce en France pour une "visite médicale routinière de contrôle". Si la date est actée et que déjà une quinzaine de personnalités ont fait part de leurs velléités présidentielles, la grande inconnue pour les Algériens reste la participation ou non du président sortant.
À 76 ans, Bouteflika aurait pourtant déjà "été désigné par le Front de libération nationale (parti au pouvoir depuis l'indépendance en 1962, NDLR) pour briguer un quatrième mandant", estime le quotidien algérien El Watan. Une candidature à sa propre succession également confirmée par un proche du président qui augure, "courant de la première semaine de février", l'annonce officielle, selon Reuters. Malgré une longévité record à la tête de l'Algérie (quatorze ans au pouvoir), Abdelaziz Bouteflika semble accuser le poids des années et multiplie les séjours médicaux au Val-de-Grâce. En 2005, hospitalisé dans l'établissement parisien, Bouteflika survit miraculeusement, selon ses mots, à un ulcère à l'estomac. Huit ans plus tard, en 2013, il doit quitter son pays pour être soigné après un AVC. De longues absences qui valent au leader les railleries de certains compatriotes, qui qualifient ses retours de "visite officielle en Algérie".
Semer la confusion pour préparer la succession
Ces antécédents médicaux aiguisent logiquement les appétits de la classe politique algérienne, d'autant qu'au sein du FLN les luttes de pouvoir s'intensifient. "Il est inimaginable qu'il se présente", clame Abderrazak Makri, chef de file du Mouvement de la société pour la paix (opposant islamiste). "Les gens ne parlent que de sa maladie, alors qu'ailleurs les gens parlent de l'action d'un président, de son bilan." Selon le quotidien arabophone El Khabar, Bouteflika "ne peut même pas faire entendre sa voix ou se mettre debout".
Mais alors qui pour se présenter à sa place ? Au jeu des pronostics, le régime se garde bien d'évoquer ouvertement la succession et préfère lancer des "ballons d'essai, pour prendre la température", explique Geoff Porter, directeur de North Africa Risk Consulting. Un avis partagé par Kader Abderrahim, spécialiste de l'Algérie à l'Iris (Institut des relations internationales et stratégiques) : "Toutes les semaines, des proches du régime sortent de nouveaux noms de leur chapeau. Le but est de semer la confusion dans l'opinion pour gagner du temps et pouvoir travailler efficacement sur la succession."
Dauphins
En haut de la liste des dauphins : Abdelmalek Sellal, Premier ministre en poste et membre du FLN. "C'est un candidat du compromis, issu de l'administration, apprécié du corps politique et surtout très proche de Bouteflika", analyse le spécialiste de l'Iris. Si Sellal semblait faire l'unanimité en coulisse, ces dernières semaines, un autre nom a fait irruption dans les pronostics : Ramtane Lamamra.
Dans le milieu des affaires algérien (secteur-clé et très influent dans le pays, NDLR), le CV de l'actuel ministre des Affaires étrangères séduit. Ancien ambassadeur de l'Algérie aux États-Unis et auprès de l'ONU, Ramtane Lamamra jouit en effet d'un crédit international indéniable et l'homme est également un familier du clan Bouteflika. Le site Almanach l'a d'ailleurs placé à la quatrième place de son classement des personnalités les plus influentes du pays.
Garantir la tranquillité du clan Bouteflika
Dans cette valse des noms figurent également ceux de l'ancien Premier ministre Ali Benflis (FLN) - qui devrait annoncer sa candidature dimanche - ou d'Ahmed Benbitour, lui aussi chef du gouvernement à la fin des années 1990. Également proche du pouvoir et hypothétique candidat : Ahmed Ouyahia, leader du Rassemblement national démocratique (mouvance alliée au FLN). Ce sera une "compétition dans le système", estime Mourad Hachid, rédacteur en chef du quotidien El Watan. L'opposition - largement affaiblie par la politique d'ouverture de Bouteflika depuis les années 1990 - reste pour l'instant bien silencieuse.
"Le nom importe peu au final, estime Kader Abderrahim. Le candidat, quel qu'il soit, devra garantir la tranquillité du clan Bouteflika - notamment le frère du président - et de plusieurs acteurs du monde des affaires." Un secteur intimement lié au régime, "premier pourvoyeur de marchés", notamment dans les secteurs du BTP ou des hydrocarbures (un marché lucratif pour l'Algérie qui est le quatrième exportateur de gaz au monde, NDLR).
L'objectif pour l'État algérien : éviter que le futur président ne vienne "fouiller" dans ce riche pré carré. Le régime a toujours en tête les opérations anti-corruption diligentées par les services de renseignements algériens (DRS) à l'encontre de plusieurs proches du régime en 2010. Début janvier 2014, la présidence algérienne a d'ailleurs décidé de faire le ménage au sein du DRS en faisant tomber plusieurs têtes à la direction.
Regagner la confiance des Algériens
Des recadrages qui laissent penser que le vieux leader n'en a pas tout à fait fini avec la politique. "Bouteflika se voit en père de l'Algérie moderne et il estime que son travail n'est pas terminé", selon Geoff Porter. L'homme devra faire oublier sa santé fragile ou trouver une parade s'il veut signer pour un quatrième mandat. Depuis plusieurs mois, il avance l'idée que le futur président puisse être épaulé par "deux vice-présidents". Deux hommes qui pourront soutenir le président sortant lors de sa campagne, voire le remplacer en cas de complications.
Une façon de "rassurer les électeurs", estime le directeur de North Africa Risk Consulting. Outre le fait de les rassurer, le FLN devra également faire revenir les Algériens dans les bureaux de vote, s'il veut se maintenir, rappelle Mourad Hachid. "Lassés par la corruption" et "conscients de l'emprise" du Front sur les rouages du pouvoir, les électeurs boudent les scrutins successifs. En Algérie, aujourd'hui, "on dépasse rarement 30 % de participation".
Par Quentin Raverdy
Le Point
L'objectif est enfin en vue pour les candidats à la future élection présidentielle algérienne. Le chef de L'État, Abdelaziz Bouteflika, a fixé par décret au 17 avril 2014 la tenue du scrutin. Une annonce qui survient après le retour de l'homme politique, hospitalisé au Val-de-Grâce en France pour une "visite médicale routinière de contrôle". Si la date est actée et que déjà une quinzaine de personnalités ont fait part de leurs velléités présidentielles, la grande inconnue pour les Algériens reste la participation ou non du président sortant.
À 76 ans, Bouteflika aurait pourtant déjà "été désigné par le Front de libération nationale (parti au pouvoir depuis l'indépendance en 1962, NDLR) pour briguer un quatrième mandant", estime le quotidien algérien El Watan. Une candidature à sa propre succession également confirmée par un proche du président qui augure, "courant de la première semaine de février", l'annonce officielle, selon Reuters. Malgré une longévité record à la tête de l'Algérie (quatorze ans au pouvoir), Abdelaziz Bouteflika semble accuser le poids des années et multiplie les séjours médicaux au Val-de-Grâce. En 2005, hospitalisé dans l'établissement parisien, Bouteflika survit miraculeusement, selon ses mots, à un ulcère à l'estomac. Huit ans plus tard, en 2013, il doit quitter son pays pour être soigné après un AVC. De longues absences qui valent au leader les railleries de certains compatriotes, qui qualifient ses retours de "visite officielle en Algérie".
Semer la confusion pour préparer la succession
Ces antécédents médicaux aiguisent logiquement les appétits de la classe politique algérienne, d'autant qu'au sein du FLN les luttes de pouvoir s'intensifient. "Il est inimaginable qu'il se présente", clame Abderrazak Makri, chef de file du Mouvement de la société pour la paix (opposant islamiste). "Les gens ne parlent que de sa maladie, alors qu'ailleurs les gens parlent de l'action d'un président, de son bilan." Selon le quotidien arabophone El Khabar, Bouteflika "ne peut même pas faire entendre sa voix ou se mettre debout".
Mais alors qui pour se présenter à sa place ? Au jeu des pronostics, le régime se garde bien d'évoquer ouvertement la succession et préfère lancer des "ballons d'essai, pour prendre la température", explique Geoff Porter, directeur de North Africa Risk Consulting. Un avis partagé par Kader Abderrahim, spécialiste de l'Algérie à l'Iris (Institut des relations internationales et stratégiques) : "Toutes les semaines, des proches du régime sortent de nouveaux noms de leur chapeau. Le but est de semer la confusion dans l'opinion pour gagner du temps et pouvoir travailler efficacement sur la succession."
Dauphins
En haut de la liste des dauphins : Abdelmalek Sellal, Premier ministre en poste et membre du FLN. "C'est un candidat du compromis, issu de l'administration, apprécié du corps politique et surtout très proche de Bouteflika", analyse le spécialiste de l'Iris. Si Sellal semblait faire l'unanimité en coulisse, ces dernières semaines, un autre nom a fait irruption dans les pronostics : Ramtane Lamamra.
Dans le milieu des affaires algérien (secteur-clé et très influent dans le pays, NDLR), le CV de l'actuel ministre des Affaires étrangères séduit. Ancien ambassadeur de l'Algérie aux États-Unis et auprès de l'ONU, Ramtane Lamamra jouit en effet d'un crédit international indéniable et l'homme est également un familier du clan Bouteflika. Le site Almanach l'a d'ailleurs placé à la quatrième place de son classement des personnalités les plus influentes du pays.
Garantir la tranquillité du clan Bouteflika
Dans cette valse des noms figurent également ceux de l'ancien Premier ministre Ali Benflis (FLN) - qui devrait annoncer sa candidature dimanche - ou d'Ahmed Benbitour, lui aussi chef du gouvernement à la fin des années 1990. Également proche du pouvoir et hypothétique candidat : Ahmed Ouyahia, leader du Rassemblement national démocratique (mouvance alliée au FLN). Ce sera une "compétition dans le système", estime Mourad Hachid, rédacteur en chef du quotidien El Watan. L'opposition - largement affaiblie par la politique d'ouverture de Bouteflika depuis les années 1990 - reste pour l'instant bien silencieuse.
"Le nom importe peu au final, estime Kader Abderrahim. Le candidat, quel qu'il soit, devra garantir la tranquillité du clan Bouteflika - notamment le frère du président - et de plusieurs acteurs du monde des affaires." Un secteur intimement lié au régime, "premier pourvoyeur de marchés", notamment dans les secteurs du BTP ou des hydrocarbures (un marché lucratif pour l'Algérie qui est le quatrième exportateur de gaz au monde, NDLR).
L'objectif pour l'État algérien : éviter que le futur président ne vienne "fouiller" dans ce riche pré carré. Le régime a toujours en tête les opérations anti-corruption diligentées par les services de renseignements algériens (DRS) à l'encontre de plusieurs proches du régime en 2010. Début janvier 2014, la présidence algérienne a d'ailleurs décidé de faire le ménage au sein du DRS en faisant tomber plusieurs têtes à la direction.
Regagner la confiance des Algériens
Des recadrages qui laissent penser que le vieux leader n'en a pas tout à fait fini avec la politique. "Bouteflika se voit en père de l'Algérie moderne et il estime que son travail n'est pas terminé", selon Geoff Porter. L'homme devra faire oublier sa santé fragile ou trouver une parade s'il veut signer pour un quatrième mandat. Depuis plusieurs mois, il avance l'idée que le futur président puisse être épaulé par "deux vice-présidents". Deux hommes qui pourront soutenir le président sortant lors de sa campagne, voire le remplacer en cas de complications.
Une façon de "rassurer les électeurs", estime le directeur de North Africa Risk Consulting. Outre le fait de les rassurer, le FLN devra également faire revenir les Algériens dans les bureaux de vote, s'il veut se maintenir, rappelle Mourad Hachid. "Lassés par la corruption" et "conscients de l'emprise" du Front sur les rouages du pouvoir, les électeurs boudent les scrutins successifs. En Algérie, aujourd'hui, "on dépasse rarement 30 % de participation".
Par Quentin Raverdy
Le Point
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