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Faty, sa fille Thas et monsieur Pons de Hocine Haroun

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  • Faty, sa fille Thas et monsieur Pons de Hocine Haroun

    On reçoit le nouveau roman "Faty, sa fille Thas et monsieur Pons" de Hocine Haroun, publié l'automne dernier aux éditions ENAG de Régaïa, comme une invitation à revisiter l'histoire, du moins une partie de l'histoire tourmentée de la Kabylie et de l'Algérie, qui va de la veille de la guerre de libération nationale au début des années 1980.

    Néanmoins, le récit qui nous est proposé est loin d'être un livre d'histoire. L'histoire est cependant présente, voire prégnante, et les personnages qui ont eu à vivre des histoires individuelles en sont bien marqués. L'histoire est ici le réceptacle au sein duquel se sont moulés des destins collectifs et individuels; destins bien dessinés par l'auteur, aussi bien dans leur proximité les uns des autres que dans leurs oppositions et déchirements. Se sont alors mêlés dans cette épopée qui se déroule sur une trentaine d'années et sur 389 pages du roman, des parcours et des destins ordinaires que les vicissitudes du temps et des événements ont affublés d'un relief particulier, poussé jusqu'à ses dernières extrémités.

    C'est ce qui se donne à voir dans ce personnage de Tassadit dont l'excentricité, depuis sa naissance à Aït Salem, en Kabylie, avec un doute qui pèse sur sa filiation, la relation adultérine entre sa mère et le Français Pons étant établie, jusqu'à sa dissolution morale dans Paris où elle vit depuis l'âge de 13 ans, dès le cessez-le-feu. « Je me rends compte, hélas, que je ne suis qu'une tragédie jouée par de mauvais acteurs », écrit Tassadit (Thas) dans son journal intime. Ses parents, Ramdane et Fatima (Faty), ont vécu, dans ce coin de Kabylie, au voisinage immédiat de colons français (Joseph Arnaud et sa femme Agnès) qui recevront un officier du nom de Marcel Pons, fraîchement débarqué en Algérie.

    Cela se passa au moment où le mouvement nationaliste montrait des signes d'impatience et d'agitation avant de passer à l'acte en novembre 1954. Wamer Izem, maquisard ''précoce'', que d'aucuns prenaient pour un "bandit", faisait déjà parler de lui dans la région. Marcel Pons a immanquablement marqué son entourage, et particulièrement la séduisante Fatima. C'est à lui que sera confiée la jeune Tassadith à la fin de la guerre pour qu'il l'emmène en France. Dans l'euphorie de la vie parisienne, Pons perdra le contrôle sur la jeune fille. Lorsque, près de deux décennies plus tard, Fatima a décidé d'envoyer son mari Ramdane à Paris pour récupérer Thassadit, il était déjà trop tard. Le destin de Thas était devenu autre, indépendant et dissolu à la fois, malgré l'amour ardent et diffus qu'elle porte toujours à sa mère laissée depuis longtemps au bled.

    La fin tragique d'un personnage clef et aussi décisif dans le récit, à savoir Thassadit, même s'il ne surgit qu'au milieu du roman, clôt une histoire promise pourtant à d'autres rebondissements. Du moins, est-ce là le sentiment du lecteur laissé sur sa faim. La thématique abordée par Hocine Haroun dans ce roman rejoint, ne serait-ce que par des recoupements, des préoccupations similaires exprimées par d'autres auteurs algériens au cours de ces dernières années. Allusion est ici faite à Boulaem Sensal et Yasmina Khadra qui ont revisité des aspects de l'histoire coloniale de notre pays avec une nouvelle vision, celle d'une "cohabitation" de différentes communautés, avec ses difficultés, ses déchirements et ses petits secrets de cœur. La colonisation a, dans ce cas, servi de terrain fertile à l'imaginaire littéraire qui ne trahit pas complètement la réalité. Cependant, chez Hocine Haroun, le feu incandescent des élans du cœur a largement pris le dessus sur les faits et les événements liés à la guerre. Ces dernières ne sont qu'un arrière-fond d'une toile dans laquelle se cristallisent les destins individuels et communautaires, bien mis en relief par ailleurs. Des toiles, on en a quelques-unes dans le récit, au sens d'art pictural. L'auteur s'est laissé guider par un élan primesautier vers des descriptions détaillées que ne permettent que les techniques de la peinture. Oui, Hocine Haroun est un peintre, et il est connu d'abord comme tel. Ce va-et-vient entre la narration dictée par le fil de l'histoire et les "haltes" sous forme de tableaux de peinture, traitant aussi bien des paysages que des personnages, oblitèrent parfois le souffle narratif.

    Malgré ces "arrêts", "Faty, sa fille Thas et monsieur Pons" se lit d'une seule traite. Les captivants personnages et les évolutions successives, gradations stressantes, que leur impriment leurs destins respectifs, ne peuvent qu'emballer le lecteur.

    Par Amar Naït Messaoud- la dépêche de kabylie
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