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Des cellules souches pour réparer le cœur

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  • Des cellules souches pour réparer le cœur

    Un espoir pour les victimes d’un infarctus du myocarde : grâce aux progrès de la médecine régénérative, il sera bientôt possible d’aider le muscle cardiaque à s’autoreconstituer


    Le cochon intubé, qui gît les pattes en l’air au centre de ce bloc opératoire de la Mayo Clinic peut être fier de lui : l’intervention chirurgicale qu’il est en train de subir relève d’une nouvelle technique qui va peut-être changer le cours de la médecine cardio-vasculaire. A l’autre bout du cathéter qu’il manipule avec minutie, l’œil rivé sur l’écran de son appareil de radiographie, le jeune Dr Atta Behfar lui injecte en quelques minutes plusieurs centaines de millions de cellules souches dans le cœur. A quelques pas de là, un peu plus tôt dans la journée, le Dr André Terzic, directeur du Centre de médecine régénérative de la Mayo Clinic et professeur d’Atta Behfar, et le Dr Christian Homsy, PDG de Cardio3 Biosciences, ont subi une heure durant le feu des questions de journalistes. Le premier a mis au point une technique de régénération des cœurs endommagés par un infarctus du myocarde au moyen des cellules souches du patient ; le second dirige la société belge chargée depuis 2007, date de l’obtention d’une licence exclusive, d’industrialiser et d’exploiter cette découverte.

    Au programme de leur conférence de presse à deux voix : le récent feu vert de la Food and Drug Administration (FDA) pour passer aux essais cliniques de phase III sur le sol américain, huit mois après le démarrage de ces mêmes essais sur le Vieux Continent. C-Cure – c’est le nom de ce procédé développé conjointement par la Mayo Clinic et Cardio3 – n’est déjà plus l’apanage des souris et des cochons. Ils seront bientôt plusieurs centaines d’hommes et de femmes souffrant d’insuffisance cardiaque à la suite d’un infarctus à en bénéficier. « La période actuelle est exaltante, confie André Terzic. Il ne s’agit plus de tester une technologie nouvelle sur quelques patients, mais d’apporter une solution curative à tous ceux qui en ont besoin. »

    Un coup de pouce à la nature

    Les cellules souches sont de multiples sortes. Leur seule caractéristique commune est leur capacité à se différencier en cellules spécialisées, celles-là mêmes dont sont faits les tissus et organes de notre corps : cellules de peau, cellules de sang, cellules de rein ou de foie, cellules nerveuses (neurones), etc. Parmi les différentes familles de cellules souches, les plus connues sont celles présentes aux tout premiers stades de l’embryon et qui vont justement lui permettre, en se multipliant et se différenciant, de devenir un être humain. C’est d’ailleurs avec de telles cellules souches embryonnaires qu’a été réalisée, en France, la toute première injection sur un cœur humain, sous la houlette du Dr Philippe Menasché, de l’Hôpital européen Georges-Pompidou.
    Mais nous possédons aussi dans notre corps des cellules souches adultes, qui nous servent par exemple à recréer de la peau après une blessure légère ou à ressouder un os après une fracture. Toutefois, cette capacité

    autorégénératrice du corps reste limitée : ses cellules souches ne permettront pas à un grand brûlé de retrouver son visage d’avant. En outre, certains de nos organes, et non des moindres, se régénèrent naturellement mal, ou trop lentement. C’est le cas du cœur. Il ne reste cependant pas immuable au long d’une vie. « Nous ne mourons pas avec le cœur qui nous a vu naître. Nous ne savons pas encore à quel rythme se fait ce renouvellement, mais il est au moins d’un pour cent par an », explique André Terzic.

    Toute la médecine régénérative, champ de recherche en plein essor qui pourrait changer la face de la médecine, se réduit au fond à une chose : donner à la nature un petit coup de pouce – et aux organes gravement endommagés une seconde chance – grâce à des cellules souches dopées artificiellement et injectées massivement.

    Mais ces injections ne doivent pas se faire n’importe comment, car les cellules souches sont une arme dangereuse. Christian Homsy le rappelle : « Les animaux situés au bas de l’échelle évolutive possèdent une capacité autorégénératrice bien supérieure à la nôtre, comme le montre la queue des lézards. L’évolution l’a réduite afin de protéger les espèces supérieures, car c’est un mécanisme à double tranchant qui entre aussi en jeu dans la multiplication des cellules cancéreuses. »
    De fantastiques perspectives

    D’où l’intérêt des cellules souches adultes par rapport aux cellules souches embryonnaires, dont la capacité à se multiplier est maximale et qui, mal contrôlées, peuvent dégénérer en tumeurs. Prises dans la moelle osseuse du patient, les cellules souches adultes utilisées par Cardio3 appartiennent à la catégorie des cellules souches mésenchymateuses (CSM), qui peuvent aussi bien produire du cartilage que de l’os, du muscle ou du sang.

    Le procédé C-Cure consiste à les plonger pendant quatre à cinq semaines dans un bain de culture qui les transforme en de bons petits soldats de l’autoréparation musculaire – un peu comme si on leur avait fait suivre une formation intensive. Injectées à la périphérie de la zone nécrosée par un infarctus, ces CSM spécialement traitées induisent le cœur à « refaire du muscle », ce qu’il effectue notamment en réveillant les cellules qui s’étaient mises en état d’hibernation pour éviter la mort cellulaire à laquelle avaient succombé leurs voisines. Et ça marche ! Validés tant par la FDA que par les autorités européennes, les essais cliniques de phase II ont montré que les cœurs ainsi invités à s’autoréparer redevenaient capables de pomper jusqu’à 25 % de sang de plus qu’avant l’intervention, redonnant aux insuffisants cardiaques la possibilité de faire de petites marches sans s’essouffler. « Les patients ne sont pas totalement guéris, loin de là, mais sont ramenés à un stade moins avancé de leur maladie », résume Christian Homsy.

    D’autres succès, obtenus par des voies un peu différentes, confirment cet espoir. Ainsi la société française CellProthera, autre pionnier de la médecine régénérative du cœur, utilise-t-elle un autre type de cellules souches de la moelle osseuse (des « CD34 + ») pour permettre à des patients venant de subir un infarctus sévère de reconstruire à la fois du muscle cardiaque et des vaisseaux sanguins. « Les essais pilotes réalisés entre 2002 et 2006 sur sept patients ont montré que trois d’entre eux, qui auraient dû avoir une transplantation cardiaque, ne l’ont pas eue et se portent aujourd’hui comme un charme », indique Jean-Claude Jelsch, directeur général de CellProthera.

    Mais l’essentiel n’est pas là. Il est dans les fantastiques perspectives ouvertes par la médecine régénérative dans toutes les directions. Que ce soit en neurologie, en orthopédie ou en chirurgie plastique, les cellules souches font l’objet d’intenses travaux. De même que les différentes générations d’antibiotiques ont révolutionné la médecine dans le sillage de la découverte de la pénicilline à la fin des années 1920, les différentes générations de cellules souches constituent, cent ans plus tard, un second tournant majeur.

    La comparaison avec les antibiotiques n’est pas fortuite. Comme le dit André Terzic, « ce sont les deux seuls cas dans l’histoire de la médecine où une solution véritablement curative est proposée. Tous les autres médicaments ne font que traiter les symptômes de la maladie, pas ses causes. »

    les échos
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