Cette fois, la blessure ouverte dans ce «grand corps malade» qu’est devenue l’Algérie a pour nom le M’zab.
La spirale de troubles qui s’y sont déroulés a fort peu à voir avec des affrontements spontanés, conséquences de prétendues différenciations ethniques, religieuses ou culturelles qui porteraient fatalement en elles les germes d’antagonismes et de confrontations. Nombreux sont nos concitoyens qui le perçoivent, chacun dans son coin, avec son petit bout de l’énigme. Et cette fois aussi, dans les symptômes du mal, il faut relever l’assourdissant silence collectif et individuel de nos élites, intellectuels et cadres, hormis quelques rares hirondelles dont chacun sait qu’elles ne suffisent pas à faire le printemps. Et noter encore cette anomalie post-88 où les journalistes font office de partis politiques et de mode d’expression élitiste ; un substitut somme toute logique car toute société a besoin de gens pour décrypter les faits, rendre intelligible et prévisible ce qu’ils recouvrent et présagent, ne serait-ce que par l’enchaînement de questions et l’élaboration d’hypothèses corroborées par tout ou partie de ces nombreux indices qui, depuis quelques années, à l’intérieur comme à l’extérieur de nos frontières, nous disent qu’il y a danger. Il semble cependant que l’élite de ce pays ait décidé de ne plus jamais intervenir en tant que telle.
Elle ne produit, ni ne parle, ni ne bouge et se cache derrière différents considérants : le désintérêt socialement majoritaire pour la chose publique, la censure, la police politique concrète ou intériorisée…Et, maintenant bien sûr, l’imminence de la prochaine élection présidentielle qui tétanise tout le monde, car tout le monde sent qu’il ne s’agit pas d’une élection habituelle pour reconduire un système ou même changer de cap, mais d’un tournant en train de s’organiser, lourd de périls au regard de ce qui s’est passé dans un certain nombre de pays. C’est une explication intégrée par beaucoup de cadres, de personnels politiques pour ne pas intervenir, de peur de provoquer des réactions intempestives, d’être éventuellement à l’origine de quelques brutalités à l’intérieur du pays qui suggérerait une évolution à la libyenne ou à la syrienne, ce dont personne ne veut être responsable.
Les clans remettent en scène cette violence qui a cours depuis le Congrès de Tripoli, à chaque compétition pour de supposées alternances dans le pouvoir, parce qu’en l’absence de vie politique, la violence continue à s’imposer comme seule forme d’arbitrage. Au nombre des symptômes de la conjoncture actuelle, il y a donc la peur, dont la peur du changement.
L’enjeu d’aujourd’hui n’est pas qui remplacera qui, mais s’il sortira de cette étape un changement politique qui parce qu’il impliquera les citoyens, les élites politiques et sécuritaires dotera le pays d’un régime politique lui permettant de faire face à ce monde chahuté.
Personnellement, membre de cette catégorie que l’on nomme élite, de culture algéroise et d’origine mozabite, je voudrais pour que ne soit pas à l’avance disqualifié mon point de vue, revendiquer d’une part cette fierté des origines puisque, comme on nous en fait à tous trop souvent le chantage, il ne s’agit pas de gommer ses origines pour faire partie de la Nation, ni du peuple d’ailleurs ; et d’autre part non pas parler du M’zab stricto sensu, mais exprimer en quoi ce qui s’y passe, ce qu’il y a derrière l’apparent affrontement «communautaire», est à mon sens symptomatique de l’état de la Nation et m’amène à affirmer avec force que l’Algérie est en danger, formule hélas galvaudée mais qui demeure peut-être la seule sonnette d’alarme en mesure d’être entendue.
En tant que révélateur, le M’Zab pose une question tiroir : quelle est la logique qui soutient la violence ?
Les troubles qui se sont produits au M’zab ont été précédés de phénomènes à mon avis similaires, qu’ils aient eu lieu dans la nouvelle ville Ali Mendjelli à l’Est, au Gué de Constantine au Centre, à iIllizi, Djanet et Bordj Badji Mokhtar dans le Sud. Dans tous ces endroits, une violence latente superposée à des différenciations culturelles ancestrales ou à des caractéristiques de bandes urbaines a atteint des paroxysmes.Ces luttes pour la reconnaissance culturelle ou pour l’occupation de l’espace par telle ethnie, tel groupe ou gang ont conduit à une intervention de l’Etat qui, dans tous ces endroits, n’a correspondu ni à une logique d’un Etat central qui sait où il va, ni à une démarche politique d’intégration des membres de telle ou telle communauté ou de citoyens appauvris et déracinés lorsqu’il s’est agi de guerres de gangs.
Dans le M’zab, les choses sont allées encore plus loin, dans la gestion du réel ou dans sa mise en lumière, puisque nous avons observé des interventions des forces de l’ordre pour le moins équivoques, certains affirmant en effet qu’elles ont pris parti contre eux tandis que d’autres prétendent qu’elles sont de leur côté et organisaient des mouvements de grève pour les soustraire à des sanctions. Il pourrait s’agir ici de solidarité de réseaux occultes, hypothèse qui ne remettrait toutefois pas en cause un constat en trois temps.
Premièrement, en référence à notre histoire et sans même remonter à 1962 et aux questions de légitimité du pouvoir installé, relever qu’a été battu en brèche le peu de légitimité qu’a le pouvoir actuel. En ce sens, le M’zab n’est ni la première révolte depuis 1962, ni ne sera la dernière tant que l’on n’aura pas compris que les citoyens ont besoin de s’exprimer, ont besoin de faire ce chemin qui les conduit à comprendre qu’ils ont intérêt à s’allier avec le voisin pour arracher le mieux vivre ensemble et non choisir l’affrontement pour s’accaparer de quelques mètres.
En 1988, le Pouvoir n’a pu supporter l’émergence de citoyens, parce qu’il avait l’habitude de s’exercer à travers un parti politique et une police politique qui fonctionnaient comme un seul rouage et aussi comme un système d’ingénierie politique permanent. Quant aux islamistes, ils n’ont pas accepté la citoyenneté parce qu’elle remettait en cause l’obéissance à des dogmes simplificateurs, qui n’avaient plus rien à voir avec la religion, et se résumaient en gros à l’obéissance due aux chefs par les hommes, leur domination des femmes et la richesse même illicite dès lors qu’elle provient du négoce et est concentrée par les chefs.
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La spirale de troubles qui s’y sont déroulés a fort peu à voir avec des affrontements spontanés, conséquences de prétendues différenciations ethniques, religieuses ou culturelles qui porteraient fatalement en elles les germes d’antagonismes et de confrontations. Nombreux sont nos concitoyens qui le perçoivent, chacun dans son coin, avec son petit bout de l’énigme. Et cette fois aussi, dans les symptômes du mal, il faut relever l’assourdissant silence collectif et individuel de nos élites, intellectuels et cadres, hormis quelques rares hirondelles dont chacun sait qu’elles ne suffisent pas à faire le printemps. Et noter encore cette anomalie post-88 où les journalistes font office de partis politiques et de mode d’expression élitiste ; un substitut somme toute logique car toute société a besoin de gens pour décrypter les faits, rendre intelligible et prévisible ce qu’ils recouvrent et présagent, ne serait-ce que par l’enchaînement de questions et l’élaboration d’hypothèses corroborées par tout ou partie de ces nombreux indices qui, depuis quelques années, à l’intérieur comme à l’extérieur de nos frontières, nous disent qu’il y a danger. Il semble cependant que l’élite de ce pays ait décidé de ne plus jamais intervenir en tant que telle.
Elle ne produit, ni ne parle, ni ne bouge et se cache derrière différents considérants : le désintérêt socialement majoritaire pour la chose publique, la censure, la police politique concrète ou intériorisée…Et, maintenant bien sûr, l’imminence de la prochaine élection présidentielle qui tétanise tout le monde, car tout le monde sent qu’il ne s’agit pas d’une élection habituelle pour reconduire un système ou même changer de cap, mais d’un tournant en train de s’organiser, lourd de périls au regard de ce qui s’est passé dans un certain nombre de pays. C’est une explication intégrée par beaucoup de cadres, de personnels politiques pour ne pas intervenir, de peur de provoquer des réactions intempestives, d’être éventuellement à l’origine de quelques brutalités à l’intérieur du pays qui suggérerait une évolution à la libyenne ou à la syrienne, ce dont personne ne veut être responsable.
Les clans remettent en scène cette violence qui a cours depuis le Congrès de Tripoli, à chaque compétition pour de supposées alternances dans le pouvoir, parce qu’en l’absence de vie politique, la violence continue à s’imposer comme seule forme d’arbitrage. Au nombre des symptômes de la conjoncture actuelle, il y a donc la peur, dont la peur du changement.
L’enjeu d’aujourd’hui n’est pas qui remplacera qui, mais s’il sortira de cette étape un changement politique qui parce qu’il impliquera les citoyens, les élites politiques et sécuritaires dotera le pays d’un régime politique lui permettant de faire face à ce monde chahuté.
Personnellement, membre de cette catégorie que l’on nomme élite, de culture algéroise et d’origine mozabite, je voudrais pour que ne soit pas à l’avance disqualifié mon point de vue, revendiquer d’une part cette fierté des origines puisque, comme on nous en fait à tous trop souvent le chantage, il ne s’agit pas de gommer ses origines pour faire partie de la Nation, ni du peuple d’ailleurs ; et d’autre part non pas parler du M’zab stricto sensu, mais exprimer en quoi ce qui s’y passe, ce qu’il y a derrière l’apparent affrontement «communautaire», est à mon sens symptomatique de l’état de la Nation et m’amène à affirmer avec force que l’Algérie est en danger, formule hélas galvaudée mais qui demeure peut-être la seule sonnette d’alarme en mesure d’être entendue.
En tant que révélateur, le M’Zab pose une question tiroir : quelle est la logique qui soutient la violence ?
Les troubles qui se sont produits au M’zab ont été précédés de phénomènes à mon avis similaires, qu’ils aient eu lieu dans la nouvelle ville Ali Mendjelli à l’Est, au Gué de Constantine au Centre, à iIllizi, Djanet et Bordj Badji Mokhtar dans le Sud. Dans tous ces endroits, une violence latente superposée à des différenciations culturelles ancestrales ou à des caractéristiques de bandes urbaines a atteint des paroxysmes.Ces luttes pour la reconnaissance culturelle ou pour l’occupation de l’espace par telle ethnie, tel groupe ou gang ont conduit à une intervention de l’Etat qui, dans tous ces endroits, n’a correspondu ni à une logique d’un Etat central qui sait où il va, ni à une démarche politique d’intégration des membres de telle ou telle communauté ou de citoyens appauvris et déracinés lorsqu’il s’est agi de guerres de gangs.
Dans le M’zab, les choses sont allées encore plus loin, dans la gestion du réel ou dans sa mise en lumière, puisque nous avons observé des interventions des forces de l’ordre pour le moins équivoques, certains affirmant en effet qu’elles ont pris parti contre eux tandis que d’autres prétendent qu’elles sont de leur côté et organisaient des mouvements de grève pour les soustraire à des sanctions. Il pourrait s’agir ici de solidarité de réseaux occultes, hypothèse qui ne remettrait toutefois pas en cause un constat en trois temps.
Premièrement, en référence à notre histoire et sans même remonter à 1962 et aux questions de légitimité du pouvoir installé, relever qu’a été battu en brèche le peu de légitimité qu’a le pouvoir actuel. En ce sens, le M’zab n’est ni la première révolte depuis 1962, ni ne sera la dernière tant que l’on n’aura pas compris que les citoyens ont besoin de s’exprimer, ont besoin de faire ce chemin qui les conduit à comprendre qu’ils ont intérêt à s’allier avec le voisin pour arracher le mieux vivre ensemble et non choisir l’affrontement pour s’accaparer de quelques mètres.
En 1988, le Pouvoir n’a pu supporter l’émergence de citoyens, parce qu’il avait l’habitude de s’exercer à travers un parti politique et une police politique qui fonctionnaient comme un seul rouage et aussi comme un système d’ingénierie politique permanent. Quant aux islamistes, ils n’ont pas accepté la citoyenneté parce qu’elle remettait en cause l’obéissance à des dogmes simplificateurs, qui n’avaient plus rien à voir avec la religion, et se résumaient en gros à l’obéissance due aux chefs par les hommes, leur domination des femmes et la richesse même illicite dès lors qu’elle provient du négoce et est concentrée par les chefs.
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