Nord-Caucase : un « étranger intérieur » de la fédération de Russie
Viatcheslav Avioutskii (Centre de recherches et d’analyses géopolitiques, université Paris-VIII)
Le plus grave problème géopolitique de la fédération de Russie se pose en Tchétchénie, l'une des six républiques musulmanes de la façade septentrionale du Caucase. On sait que, depuis la disparition de l'Union soviétique, deux guerres ont opposé les indépendantistes tchétchènes à l'armée russe. D'abord de décembre 1994 à l'été 1996 : les forces russes subirent alors de très lourdes pertes, notamment lorsqu'elles entrèrent sans précaution dans la ville de Groznyi, pour tenter de mettre fin aux combats qui opposaient les unes aux autres des factions tchétchènes, en fait les islamistes contre les non-islamistes. Ensuite, bien qu'une solution de compromis ait été trouvée, prévoyant un référendum cinq ans plus tard sur la question de l'indépendance, et bien que les Russes aient évacué Groznyi, laissant agir un gouvernement tchétchène, une nouvelle guerre de Tchétchénie a repris en septembre 1999. Des combattants musulmans se réclamant ouvertement de la puissante confrérie wahhabite d'Arabie Saoudite venaient de fonder une république indépendante islamique dans les montagnes du Daghestan, juste à l'est de la Tchétchénie, qui, de surcroît, était plongée dans un véritable chaos. Les troupes russes durent mener trois mois de terribles combats pour reprendre Groznyi (octobre à décembre 1999).
La dimension religieuse du conflit fut longtemps passée sous silence par la presse occidentale et, au spectacle du petit peuple tchétchène luttant contre l'armée russe, les journaux français, notamment, exprimèrent leur indignation contre la Russie; des ONG demandèrent même des sanctions internationales : « Groznyi, le crime russe », titre par exemple Libération le 17 décembre 1999. Cette hostilité était d'autant plus grande que cette seconde guerre de Tchétchénie, comme la précédente, fut considérée comme une manœuvre électorale, quel qu'en fût le prix pour les soldats russes : la première aurait été menée pour faire réélire Eltsine, la seconde pour avantager son successeur. « Une guerre pour gagner les élections », titrait Le Monde en première page le 14 décembre 1999. La soudaine démission d'Eltsine, le 31 décembre, et son remplacement par Vladimir Poutine pour assurer l'intérim avant sa prochaine élection furent considérés comme la vraie raison de cette guerre. Deux ans plus tard, celle-ci dure toujours, bien qu'on ne puisse plus invoquer de raisons électorales.
Déjà en septembre 1999, les très graves attentats dans la banlieue de Moscou, qui firent plus de trois cents morts (les 10 et 13 septembre), avaient été considérés par la presse occidentale comme l'œuvre des « services secrets russes » pour justifier la nouvelle guerre contre la Tchétchénie. C'est en vain que le gouvernement russe avait alors dénoncé l'action de terroristes islamistes étroitement liés à la confrérie wahhabite, dont le rôle s'était grandement accru en Tchétchénie. On savait pourtant que depuis 1995 un chef de guerre, Khattab, d'origine saoudienne, qui avait combattu en Afghanistan contre les Russes et au Kosovo, dirigeait dans le Caucase un groupe d'Arabes combattants du Djihad. Malgré cela, l'opinion occidentale condamnait la Russie, qui dénonçait pourtant les visées des islamistes sur toutes les régions situées au nord du Caucase entre la mer Caspienne et la mer Noire. Mais les attentats du 11 septembre contre les tours du World Trade Center à New York et le Pentagone à Washington ont changé sinon les données du problème tchétchène, du moins la façon de les envisager. Que Vladimir Poutine ait immédiatement proposé son soutien au président Bush a eu pour effet qu'une grande partie de la presse occidentale prend désormais au sérieux ce que les Russes disent depuis plus de deux ans du rôle des islamistes wahhabites, et notamment de celui d'Oussama ben Laden, dans la guerre de Tchétchénie. Celle-ci est un des fronts du Djihad, la guerre sainte, que l'organisation d'Al Qaïda mène au plan mondial. On sait maintenant que de nombreux Tchétchènes sont allés s'entraîner dans les camps d'Al Qaïda en Afghanistan, comme le prouve le nombre de ceux qui y ont été tués ou faits prisonniers après l'intervention américaine contre les talibans.
SUITE CI-DESSOUS
Viatcheslav Avioutskii (Centre de recherches et d’analyses géopolitiques, université Paris-VIII)
Le plus grave problème géopolitique de la fédération de Russie se pose en Tchétchénie, l'une des six républiques musulmanes de la façade septentrionale du Caucase. On sait que, depuis la disparition de l'Union soviétique, deux guerres ont opposé les indépendantistes tchétchènes à l'armée russe. D'abord de décembre 1994 à l'été 1996 : les forces russes subirent alors de très lourdes pertes, notamment lorsqu'elles entrèrent sans précaution dans la ville de Groznyi, pour tenter de mettre fin aux combats qui opposaient les unes aux autres des factions tchétchènes, en fait les islamistes contre les non-islamistes. Ensuite, bien qu'une solution de compromis ait été trouvée, prévoyant un référendum cinq ans plus tard sur la question de l'indépendance, et bien que les Russes aient évacué Groznyi, laissant agir un gouvernement tchétchène, une nouvelle guerre de Tchétchénie a repris en septembre 1999. Des combattants musulmans se réclamant ouvertement de la puissante confrérie wahhabite d'Arabie Saoudite venaient de fonder une république indépendante islamique dans les montagnes du Daghestan, juste à l'est de la Tchétchénie, qui, de surcroît, était plongée dans un véritable chaos. Les troupes russes durent mener trois mois de terribles combats pour reprendre Groznyi (octobre à décembre 1999).
La dimension religieuse du conflit fut longtemps passée sous silence par la presse occidentale et, au spectacle du petit peuple tchétchène luttant contre l'armée russe, les journaux français, notamment, exprimèrent leur indignation contre la Russie; des ONG demandèrent même des sanctions internationales : « Groznyi, le crime russe », titre par exemple Libération le 17 décembre 1999. Cette hostilité était d'autant plus grande que cette seconde guerre de Tchétchénie, comme la précédente, fut considérée comme une manœuvre électorale, quel qu'en fût le prix pour les soldats russes : la première aurait été menée pour faire réélire Eltsine, la seconde pour avantager son successeur. « Une guerre pour gagner les élections », titrait Le Monde en première page le 14 décembre 1999. La soudaine démission d'Eltsine, le 31 décembre, et son remplacement par Vladimir Poutine pour assurer l'intérim avant sa prochaine élection furent considérés comme la vraie raison de cette guerre. Deux ans plus tard, celle-ci dure toujours, bien qu'on ne puisse plus invoquer de raisons électorales.
Déjà en septembre 1999, les très graves attentats dans la banlieue de Moscou, qui firent plus de trois cents morts (les 10 et 13 septembre), avaient été considérés par la presse occidentale comme l'œuvre des « services secrets russes » pour justifier la nouvelle guerre contre la Tchétchénie. C'est en vain que le gouvernement russe avait alors dénoncé l'action de terroristes islamistes étroitement liés à la confrérie wahhabite, dont le rôle s'était grandement accru en Tchétchénie. On savait pourtant que depuis 1995 un chef de guerre, Khattab, d'origine saoudienne, qui avait combattu en Afghanistan contre les Russes et au Kosovo, dirigeait dans le Caucase un groupe d'Arabes combattants du Djihad. Malgré cela, l'opinion occidentale condamnait la Russie, qui dénonçait pourtant les visées des islamistes sur toutes les régions situées au nord du Caucase entre la mer Caspienne et la mer Noire. Mais les attentats du 11 septembre contre les tours du World Trade Center à New York et le Pentagone à Washington ont changé sinon les données du problème tchétchène, du moins la façon de les envisager. Que Vladimir Poutine ait immédiatement proposé son soutien au président Bush a eu pour effet qu'une grande partie de la presse occidentale prend désormais au sérieux ce que les Russes disent depuis plus de deux ans du rôle des islamistes wahhabites, et notamment de celui d'Oussama ben Laden, dans la guerre de Tchétchénie. Celle-ci est un des fronts du Djihad, la guerre sainte, que l'organisation d'Al Qaïda mène au plan mondial. On sait maintenant que de nombreux Tchétchènes sont allés s'entraîner dans les camps d'Al Qaïda en Afghanistan, comme le prouve le nombre de ceux qui y ont été tués ou faits prisonniers après l'intervention américaine contre les talibans.
SUITE CI-DESSOUS
Commentaire