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Troubles dans la vallée du M’zab : Inutile et dangereuse surenchère

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  • Troubles dans la vallée du M’zab : Inutile et dangereuse surenchère

    Les événements qui se déroulent dans la vallée du M'zab, depuis la fin de l'année 2013, ne manquent pas de héler les consciences et d'interpeller tous les Algériens, d'autant plus que le conflit, qui a fait jusqu'à cette semaine 4 morts, est regardé par les uns comme d'origine ethnique et par les autres comme l'aggravation d'un schisme confessionnel, et ce, au début d'un nouveau millénaire, dans une Algérie supposée pouvoir se délester des lourdeurs et des malentendus du passé pour s'engager résolument dans la bataille du développement.

    Les deux prétendues origines du conflit, telles qu'elles sont colportées trop diligemment par une partie de la presse et des médias audiovisuels, tiennent difficilement la route devant l'analyse des faits. Ayant cohabité pendant plusieurs siècles dans une féconde pluralité culturelle locale, il serait insensé d'attribuer à ces différences culturelles ou cultuelles l'accès de fièvre qui prend aujourd'hui en otages les populations Mozabites et Châambi.

    En dehors des fibres sensibles sur lesquelles appuient les va-t-en-guerres, et qui diffèrent d'une région à une autre, le processus de "dissolution" de la société algérienne dans un standard centralisateur jacobin, stérilisant toute initiative locale et démantelant les anciennes solidarités sociales, demeure malheureusement le même.

    La société algérienne a subi des changements radicaux, dictés aussi bien par la nature de l'organisation politique et sociale en vigueur depuis l'indépendance, que par l'invasion culturelle induite par les nouvelles technologies de l'information et de la communication. À ces facteurs, s'est greffé le développement effréné du salariat, permis par le développement du secteur énergétique, au détriment de l'ancien mode de vie basé sur l'agriculture traditionnelle, l'artisanat et le négoce.

    Les solidarités sociales se sont partout effilochées, les liens familiaux se sont distendus jusqu'à la rupture, la "mésalliance" générationnelle a atteint des pics inégalés. La vallée du M'zab a été l'un des derniers bastions de l'organisation sociale solidaire et authentique de l'Algérie. Cette organisation s'est traduite par des comportements spécifiques, y compris dans les milieux de l'émigration interne mozabite, un mode de vie adapté aux contraintes et rigueurs du milieu saharien, une forme d'appropriation de l'espace public dicté par des dogmes et des valeurs culturelles bien ancrés.

    Pendant un demi-siècle, en croyant sans doute travailler pour le bonheur du peuple algérien, le pouvoir politique, incarné par le parti unique et ses satellites d'organisations de masses, a tenté de lisser les aspérités culturelles, de remplacer l'organisation interne de la société par des structures bureaucratiques contreproductives et de décider d'un développement, dans les bureaux des ronds-de-cuir, sans impliquer les populations. Les travers induits par ce genre de développement moulé dans le monopôle politique sont nombreux et variés, et la mobilité des populations n'est pas la moindre.

    En l'espace de quelques années, la vallée du M'zab a subi des transformations urbanistiques et architecturales qui ont fait table rase des traditions, du patrimoine et des règles en vigueur dans cette région. Les inondations qui affectèrent gravement Ghardaïa et les villes voisines en octobre 2008 ont révélé le mal-développement qui ronge la vallée depuis au moins le début des années 1990.

    La rivière, autrefois limpide en hiver et au printemps, a été squatté dans ses berges par des "expatriés" venus des autres régions d'Algérie, pour y construire, illégalement mais en toute impunité, des bâtisses que la crue s'est "chargée" de démonter.

    Un jacobinisme asphyxiant

    Sur un autre plan, les structures administratives de l'État sont mal adaptées pour prétendre suppléer aux anciennes organisations sociales de la région. À la moindre dérive, liée à une situation d'ordre public, ces structures se révèlent des coquilles vides. C'est à Alger, barycentre obligé du pays, que se prennent des décisions tendant à trouver des solutions pour des troubles se déroulant à 700 km de distance. Une fois débordées, les autorités paniquent, tentent la solution policière, puis se mettent vainement à chercher des intermédiaires crédibles pour éteindre l'incendie. Ces mêmes intermédiaires que l'on a essayé, par tous les moyens, de réduire au silence, de neutraliser et de dissocier de leur creuset naturel. Le ministère de l'Intérieur et le Premier ministre se mettent à chercher les "aâyen" (notables), alors que ces derniers, dans leur grande majorité, ont été discrédités par leur perte d'autonomie induite par un État clientéliste.

    À la lumière de ce qui se passe dans la vallée du M'zab, toute la littérature relative à la société civile devra être remise en cause et réécrite autrement, c'est-à-dire de manière à la faire correspondre aux idéaux et principes universels connus en la matière; l'organisation hyper-centralisée de l'État, qui annihile et neutralise les énergies de la société, devrait être appelée à une profonde révision; et les différences culturelles, qui sont une richesse inouïe pour le pays, devront être prises en charge de manière équitable par les institutions publiques, aussi bien à l'école que dans les médias lourds. Sans aucun doute, la seule façon d'exorciser le démon du communautarisme et d'un pseudo conflit ethnico-religieux, est de restituer à la société ses droits de s'organiser, de se développer et de s'épanouir selon sa vision propre, son rythme et ses canons. Tout le reste n’est que dangereuse surenchère.

    Amar Naït Messaoud - La Dépêche de Kabylie

  • #2
    Excellente analyse.
    Dernière modification par Risk, 09 février 2014, 15h57.
    La Réalité est la Perception, la Perception est Subjective

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