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David Cameron, l'aristocrate des "tories"

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  • David Cameron, l'aristocrate des "tories"

    David Cameron est un nom à retenir car il est un sérieux concurrent à Gordon Brown. Nouveau chef des conservateurs, David Cameron est jeune, charismatique et devient de plus en plus populaire de plus il est compétent ce qui ne gâche rien.

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    C'est la photo préférée de David Cameron. Tenue de sport, blouson, casque de cycliste et sac à dos, on le voit pédaler sur un VTT vers la Chambre des communes. L'image contient l'essentiel du message que le chef du Parti conservateur britannique adresse depuis des mois à ses compatriotes : un homme jeune, simple, sportif, et hautement respectueux de l'environnement. Mais il y a aussi ce que la photo ne montre pas : un chauffeur et sa grosse cylindrée - une Lexus gris métallisé - suivent le leader des tories à distance raisonnable, avec, sur la banquette arrière, une chemise propre, des chaussures de ville et une liasse de dossiers.

    Hypocrisie, coup de bluff, ou simple maladresse ? Cette anecdote jette un doute, avec quelques autres, sur le sérieux de l'engagement écologique de l'homme qui a remplacé le vieux logo tory - un bras musclé brandissant une torche - par un arbre griffonné en vert et bleu, car, dit son slogan "Votez bleu (la couleur des conservateurs), c'est voter vert", et qui, juché sur un traîneau tiré par six chiens, est allé vérifier les ravages du changement climatique sur les glaciers norvégiens. Alors que les conservateurs tiennent leur congrès annuel à Bournemouth jusqu'au mercredi 4 octobre, la plupart des Britanniques continuent, perplexes, de se demander : "Qui est vraiment David Cameron ?"

    Il y a un an, répond l'intéressé avec un rien d'autodérision qui contribue à son charme, "j'étais un politicien plutôt obscur". Député depuis quatre ans de Witney, une circonscription cossue proche d'Oxford, et en charge de l'éducation dans le "cabinet fantôme" depuis seulement quatre mois. La vraie naissance politique de David Cameron - qui aura 40 ans cette semaine - a lieu le 4 octobre 2005 pendant le congrès de Blackpool, en marge duquel le parti, en quête d'un leader, écoute les postulants.

    Ce jour-là, dans un discours de 20 minutes prononcé sans notes, le plus jeune des candidats subjugue son public. Par son intelligence, son charisme et son aisance, il s'impose comme favori. Avec son enthousiasme, il incarne soudain l'avenir d'une formation qui semblait ne plus en avoir. Deux mois plus tard, il en prend les rênes. Jamais un homme politique britannique aussi jeune n'aura connu une ascension aussi fulgurante.

    David Cameron est né, comme on dit ici, "avec une cuiller d'argent dans la bouche". Lointain descendant du roi Henry VII, et petit-cousin éloigné de l'actuelle souveraine, il grandit dans une famille aristocratique, entre un père agent de change et une mère magistrate. Après une enfance rurale heureuse, dans l'ancien presbytère familial, il rejoint Eton, le plus huppé des pensionnats, et l'université d'Oxford, où il étudie l'économie et la philosophie, tout en ayant du bon temps. Le jeune "Dave" est un membre zélé du Bullingdon Club, connu pour ses soirées tapageuses et très arrosées.

    Avec trois ancêtres maternels jadis députés tories, son pedigree politique est impeccable. A 22 ans, sous le gouvernement de John Major, il intègre l'appareil du parti et progresse vite. Il est conseiller au Trésor lorsque la livre est éjectée du serpent monétaire européen le 16 septembre 1992. Ce "mercredi noir" est, bien sûr, l'un de ses pires souvenirs. Avant de plonger en politique, il choisit de travailler dans le privé. Pendant sept ans, il sera "dircom" du groupe audiovisuel Carlton. Après un premier échec électoral en 1997, il entre aux Communes en 2001.

    Entre-temps, il a épousé la fille d'un baronnet, Samantha, créatrice dans une papeterie de luxe, qui l'a ouvert à de nouveaux milieux. Signe distinctif connu de tout le royaume : elle porte, sur la cheville, le tatouage d'un dauphin vert. Le couple a trois jeunes enfants, dont l'aîné, Ivan, lourdement handicapé, a besoin d'une surveillance constante.

    Cette épreuve a empreint ce chrétien modérément pratiquant d'une certaine gravité. Lorsqu'il assure que "l'argent n'est pas tout dans la vie" ou qu'il exalte le "bonheur national brut", on peut comprendre pourquoi. En père et mari à la fois traditionnel et moderne, il a pris son congé de paternité, cultive son potager, cuisine deux fois par semaine et accompagne sa fille à la piscine le dimanche.

    Grand, visage agréable et toujours rasé de près, teint rose, mèche brune, voix claire, David Cameron a des allures de patricien, attentif et courtois. Ce jeune homme réformateur et branché, qui écoute de la pop music sur son iPod et exhorte son parti à changer pour ne pas mourir, représente, de l'aveu d'une dirigeante travailliste, "une proposition attrayante".

    Paradoxalement, la force de ce fils de la haute société, bien dans sa peau, est d'assumer pleinement ses origines. Il admet, sans arrogance ni repentance, avoir été "affreusement privilégié". Il n'a pas renoncé à son accent "aristo" et appartient au White's, un club sélect pour hommes, dont sont membres le prince Charles et ses fils. La presse a vite fait d'appeler son cercle de conseillers, jeunes et brillants, "la bande de Notting Hill", du nom d'un quartier chic de Londres, où beaucoup habitent. Mais lorsque David Cameron répète : "Ce qui compte n'est pas d'où l'on vient, mais où l'on va" la plupart des Britanniques semblent, pour l'instant, le croire.

    D'emblée, il a rappelé, par son style, le jeune Blair, celui qui venait en 1994 de conquérir le Labour. Il a nourri cette comparaison flatteuse en confiant vouloir être le "véritable héritier" du premier ministre, un aveu qui lui a valu le sobriquet de "Tory Blair", et qu'il regrette - mollement - aujourd'hui. Comme Blair, hier, Cameron respire l'optimisme et la confiance en soi. Comme lui, c'est un pragmatique, étranger à toute idéologie, qui brandit ses principes et ses valeurs, sans se perdre dans les détails. Orateur-né comme Blair, et doué pour la repartie, il aime dire "je", s'exprime en phrases brèves, accessibles au commun des mortels, souvent sans verbe, ponctuées de silences, pimentées d'anecdotes et d'humour. Comme Blair encore, la politique l'habite, mais ne l'obsède pas. Il a un "hinterland", où il retrouve sa famille et ses amis.

  • #2
    Comme Blair enfin, Cameron a pour mission de recentrer son parti, de le remettre en phase avec la nation, de conjurer ses échecs électoraux - trois en neuf ans -, de lui redonner l'envie de vaincre, de lui apprendre à aimer le pays, "tel qu'il est, pas tel qu'il était". Cela suppose d'abord de changer son image "car la société a changé", de dissiper sa réputation de "sale parti", avant d'en faire une formation chrétienne-démocrate classique semblable, sauf dans sa vision de l'Europe, à celles qui gouvernent sur le continent.

    Blair est devenu chef du Labour après onze ans aux Communes, dont six dans le "cabinet fantôme". Cameron est plus précoce, plus chanceux. Il est entré en scène au moment où les tories broyaient du noir, après avoir éreinté quatre leaders face à Blair, et où leur exigence de renouveau était devenue une cruelle évidence. Ils attendaient leur sauveur ; ils l'ont aussitôt reconnu et adulé, faisant enfin le bon choix.

    "L'effet Cameron" n'a pas tardé, renforcé du désamour envers Blair. Pour la première fois depuis 14 ans, les tories sont repassés en tête dans les sondages. Le Labour, et le pays, les prennent de nouveau au sérieux. Le nouveau chef, qui n'avait que 12 ans lorsque Margaret Thatcher devint député, en profite pour prendre ses distances avec le passé. "La société, cela n'existe pas", avait dit un jour la "Dame de fer", par défiance envers l'Etat. "La société, cela existe, lui a-t-il répondu. C'est simplement autre chose que l'Etat."

    Les conservateurs reviennent de loin. Après avoir attiré, depuis 1997, tout juste un tiers des suffrages, ils recueillaient jusqu'à ces derniers mois à peine plus d'intentions de vote. Et nettement moins chez les jeunes électeurs. Les femmes offrent à Cameron un thème idéal de réforme. Elles ne représentent que 9 % des députés tories, contre 28 % des travaillistes. Il les encourage à les rejoindre, et à briguer un mandat parlementaire, en modifiant à leur avantage les procédures de sélection interne. La "Davemania" fait des ravages chez les femmes : plus de quatre sur dix disent maintenant vouloir voter tory.

    Cameron ne convainc pas tout le monde. Certains admirent son style, mais déplorent que son "conservatisme de compassion" manque de substance. D'autres l'accusent d'opportunisme. Jonathan Freedland, éditorialiste du Guardian, rappelle qu'il a voté, aux Communes, contre toutes les hausses de budget au profit des écoles, des hôpitaux, de la police, contre l'allongement du congé de maternité et même, chose étrange, contre l'instauration d'horaires de travail plus flexibles pour les parents d'enfants handicapés.

    Alors, qui est David Cameron ? Selon un sondage paru à la veille du congrès de Bournemouth, sa popularité a atteint un palier. Comme si l'électorat hésitait en attendant la suite. Le parti lui fait fête. Mais peut-être vaudrait-il mieux que les vieux grognards de la droite l'attaquent. Il serait contraint de monter au front et de dire plus clairement ce qu'il a en tête.

    Par le monde

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