Arrêtez la 'bétonisation' de notre belle Mitidja !
Je commence cette histoire,
O vous qui comprenez, à moi !
Que n’est-il arrivé dans ce monde
Et dans cette vilaine époque !
O vous qui comprenez, à moi !
Les révolutions ont augmenté ;
Elle s’attendrit pour eux dans sa foie
Et, semblable à une pluie d’hiver,
Ses trésors coulent en averses.
Mezeghenna n’était belle que par elle
Elle y ôtait la gêne et la misère.
De son côté, Alger nous était prospère
Chaque jour, nous nous y rendions en trottant,
Et, chaque jour, nous y portions nos produits ;
Les uns allaient, les autres revenaient,
On y courait de loin, de près,
Et notre heure était bien belle alors,
Nous étions bien vêtus et glorifiant Dieu !
Oui, les gens de la Métidja
Étaient accomplis en toutes choses
Ils aimaient la musique,
Ils aimaient la vérité,
Ils aimaient les grandeurs.
Dans ces temps fortunés,
Nous ne parlions que de noces,
Et ne pensions qu’à commercer.
Nous cultivions nos terres ;
On nous voyait dans les cafés,
Et nous aimions les chansons.
Ne dites pas que j’ai menti ;
Ce qui précède est une chose sûre.
Mais le temps a fait banqueroute,
Les misères se sont accumulées
Et la Métidja n’est plus qu’un champ de mort
Qui attend le jour de la résurrection !
La Métidja renfermait des biens nombreux,
On la nommait l’ennemie de la faim.
Sa terre, belle et tendre,
Pouvait produire deux moissons.
L’ami du jardinage
En tirait des produits abondants ;
Il voyageait dans les marchés,
Et vendait deux fois par jour.
Elle contenait des fleurs douces
Dont l’abeille se nourrissait,
Et les abeilles y étaient si nombreuses
Que leur vue réjouissait.
Ses fleurs souriaient d’un sourire
Qui bannissait les chagrins du cœur,
Et leur odeur plaisait encore
Après que l’œil s’en était rassasié.
On y trouvait des fleurs rouges
Voisines des fleurs jaunes,
Et des narcisses ouverts
Avec des yeux tout gris.
On y voyait des fleurs bleues
Causer avec des fleurs blanches
Et sa campagne était couverte
D’une herbe tendre et verte,
Qui, le matin, semblait verser des pleurs.
Nous avons quitté nos demeures,
Nous avons quitté notre pays.
La force du sabre était sur nous,
Nous avons dû marcher vers le sud.
O mon Dieu ! vous qui savez,
Dites-moi si nos pays se pacifieront,
Si les vents tourneront,
Si nos frères se réuniront.
La prospérité de la Métidja est passée
Il n’y reste plus d’habitants,
Elle est devenue laide, couverte de pierres,
On n’y voit plus que des marais,
La disette y règne en tous temps,
Personne n’y trouve plus rien à gagner,
Son sol est couvert d’herbes sauvages,
Et celui qui y marche aujourd’hui
Risque de tomber à chaque instant.
La Métidja se repeuplera-t-elle ?
Reviendrons-nous à nos usages ?
Habiterons nous, comme par le passé,
Nos fermes bien cultivées ?
N’est-il pas temps de pardonner
Aux musulmans amaigris ?
Le peuple, comme autrefois, se réjouira-t-il
De ces troupeaux qui faisaient son bonheur ?
Et celui qui chérit l’agriculture,
Pourra-t-il encore employer ses bœufs
A tracer de droits sillons ?
Récolera-t-il de l’orge et du blé,
Richesses de tout pays ?
Quelles étaient belles nos moissons
Avec leurs épis élevés !
O faiseur de l’ombre des feuilles !
Accomplis au plus vite nos désirs.
Car notre religion disparaît
Comme un soleil qui-va se coucher.
Ainsi que notre Prophète bien-aimé,
Je m’appelle Mohammed ;
Mon père était marabout
Et se nommait Sidi-Dif-Allah ;
Nous sommes les anneaux d’une chaîne
Qui était faite avec de l’or.
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