Le film de la catastrophe
Mardi 11 février
6h. L’avion Hercule C-130, 7T-WHM, décolle de l’aéroport de Tamanrasset. A son bord, 103 personnes. Il s’agit d’officiers, d’élèves officiers, d’instructeurs, d’appelés et de membres des familles de militaires, dont l’épouse d’un général de Guelma. Selon une source sécuritaire, la majorité d’entre eux sont de nouveaux militaires qui viennent de terminer leur formation à l’école d’infanterie d’In M’guel. Il y avait avec eux aussi le mécanicien de bord, Amine Meftah. Aux manettes : deux quadras, des commandants, Ali-Bey Benbouzid, père de 2 garçons, et Salim Djeghbal. Ce dernier, copilote, originaire d’El Harrach, était déjà copilote lors du crash C-130 WHA en France.
8h. La neige commence à tomber dans la région de Constantine.
8h45. L’avion qui a fait escale, comme le prévoit l’itinéraire classique, à Ouargla, redécolle pour Constantine. Des passagers descendent : ils ne sont plus que 78 à repartir.
11h30. La météo du côté de Constantine s’arrange. Le Metar (Meteorogical Aerodrome Report), qui est le rapport (et non la prévision) sur les conditions atmosphériques au-dessus de l’aérodrome, indique, à 11h30 et 12h, des vents de 34 km/h, une visibilité horizontale de 8000 m, ce qui est assez clair, environs 2/8 de ciel couvert, des nuages fragmentés à l’altitude de 2600 pieds (env. 800 mètres). Fait inhabituel, les pilotes entrent en contact radio avec la base militaire d’Oum El Bouaghi, les résultats du décryptage de la boîte noire donneront plus d’informations sur la nature du dialogue.
Un peu avant midi. La tour de contrôle de l’aéroport de Constantine perd le contact avec l’avion, qui se trouve à 35 km de la piste d’atterrissage n°34. Le mont Fertas culmine à 1258 m, alors que dans un rayon de 47 km de la piste de Constantine, l’altitude minimale de sécurité est de 7800 pieds (2377 m). En respectant l’angle d’atterrissage normal qui est de 3.15°, au niveau du Djebel Fertas, l’Hercule aurait dû être à 6730 pieds (2051 m). En somme, l’appareil vole 800 m trop bas. Alors qu’il amorce sa descente, il percute l’arête d’une clairière au sommet du Djebel Fertas, qui domine Aïn M’lila dans la wilaya d’Oum El Bouaghi. Des témoins affirment qu’au moment du crash, la montagne était enveloppée d’un épaix brouillard. Une photographie prise quelques minutes après l’accident le confirme.
Les photos des débris donnent de précieux renseignements sur la vitesse de l’appareil et son angle d’approche, hors, le fait que la queue soit restée intacte, le train d’atterrissage à côté, les volets à demi-sortis, les restes des ailes près de ce qui subsiste du fuselage, indiquent que l’avion était en pleine procédure d’atterrissage à basse vitesse, bien avant la piste et qu’il était beaucoup plus bas que toutes les recommandations de l’aviation civile. Avec ces données, l’on peut d’emblée éliminer la théorie de l’appareil pris dans une tempête, celle de l’avion tombé le nez en avant, celle des vents descendants ou ascendants (trou d’air), celle de la panne des moteurs ou des commandes de vol (l’avion touche à plat, les volets à demi-baissés, le train sorti, les flaps de la queue levés indiquant que le pilote a tenté au dernier moment de redresser) et même les thèses les plus folles comme celles de l’attentat (les débris ne sont pas éparpillés) ou autre. Restent quelques pistes tangibles :
Un non-respect du plan de descente et des altitudes de sécurité. Le fait même que l’avion soit à cette altitude prouve que le pilote n’avait pas adopté la bonne trajectoire, il a pu le faire sciemment ou il a pu être induit en erreur par une défaillance interne ou externe à l’appareil.
Une interception d’un faux glide slope, l’appareil s’est calé sur une mauvaise balise de guidage qui devait lui donner l’angle vertical de descente et d’approche. Il semblerait en outre que l’instrument DME, donnant la distance entre la piste et l’avion, relevant de l’aéroport de Constantine, serait en panne depuis un bon bout de temps. Dans le cas d’une panne de glide slope ou du calage sur un faux, l’absence de DME donnerait de fausses informations sur l’altitude et l’angle à l’appareil.
Une panne du GPS qui indique, outre sa localisation, les reliefs de la région. Les échanges avec la tour de contrôle peuvent l’indiquer, le cas échéant. Là aussi, la panne éventuelle de la DME priverait l’appareil d’informations vitales sur l’altitude. Pour résumer, le crash n’est probablement pas la conséquence d’une panne mécanique, mais c’est dû à une erreur possible de l’équipage ou bien à une défaillance des différents systèmes internes ou liés à l’infrastructure aéroportuaire de Constantine.
Dix minutes après le crash. Deux hélicoptères, avec à leur bord des fusillers de l’air, envoyés pour reconnaître les lieux et les sécuriser, décollent de la base aérienne d’Oum El Bouaghi. Une cellule de crise, présidées par le commandant Air de la 5e RM, le général Saïd Mammeri, est mise en place. La zone est difficile d’accès : il faut parcourir plus de 6 km à pied pour rejoindre les lieux. D’après les témoignages des habitants de Ouled Gacem, «un vieux berger qui accompagnait ses vaches avant d’être surpris par le bruit de l’impact, a orienté les premiers secours de la Protection civile». Une unité mobile de la gendarmerie, spécialisée dans la reconnaissance des victimes des catastrophes, est aussi dépêchée sur les lieux. Elle est composée d’une trentaine d’officiers, de plusieurs brigades spécialisées en biologie, identification d’empreintes digitales, en médecine légale, et scènes de catastrophes. C’est la même unité que celle qui a été chargée d’identifier les corps de Tiguentourine.
13h. La chaîne Ennahar TV annonce qu’un avion militaire s’est écrasé à Oum El Bouaghi, faisant plus d’une centaine de victimes.
14h. Un premier bilan à la radio évoque 99 morts. Dans la foulée, une source sécuritaire assure à l’AFP qu’il n’y a aucun survivant.
15h31. Un nouveau bilan de l’Afp fait état de 103 morts, 99 passagers et 4 membres d’équipage.
16h39. Nouvelle version de l’APS qui annonce 52 victimes et un survivant. Il s’appelle Namir Djelloul. Ce caporal-chef de 21 ans est originaire de Sidi Aïssa, dans la commune de Taougrit, sur le mont du Dahra. Transféré à l’hôpital militaire de Ali Mendjeli, on diagnostique un polytraumatisme. Il s’agit du deuxième militaire de Chlef, rescapé d’un accident d’avion, comme en 2003 lors du crash d’un Boeing d’Air Algérie.
17h46. 71 corps sont été retrouvés, selon un bilan de la Protection civile.
19h54. Abdelaziz Bouteflika décrète un deuil national de 3 jours. «Les soldats qui ont péri dans le crash sont des martyrs du devoir.» Le vendredi sera consacré «au recueillement à leur mémoire» dans tout le pays et dans toutes les mosquées.
19h28. Un nouveau bilan officiel fait état de 77 victimes dont 73 militaires. Parmi elles : 12 de Aïn Defla et 3 d’El Tarf.
Mercredi 12 février
Le commandement de l’ANP autorise les funérailles, après avoir fini l’identification des corps et établi les certificats de décès.
Dans l’après-midi. La boîte noire est retrouvée en bon état. Les experts du bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de Lokheed Martin, le constructeur américain de l’Hercule C-130H, sont envoyés sur place.
Dans la nuit. Après un séjour d’environ 36 heures à l’hôpital militaire régional de Ali Mendjeli à Constantine, le caporal-chef Namir Djelloul, qui a subi une intervention chirurgicale au dos, est transféré par hélicoptère vers l’hôpital militaire de Aïn Naâdja. Son pronostic vital est engagé du fait d’un sévère traumatisme crânien. Selon des sources médicales, la possibilité d’un transfert de la victime vers l’étranger n’est pas à écarter.
4h du matin. L’opération d’évacuation est terminée.
Mardi 11 février
6h. L’avion Hercule C-130, 7T-WHM, décolle de l’aéroport de Tamanrasset. A son bord, 103 personnes. Il s’agit d’officiers, d’élèves officiers, d’instructeurs, d’appelés et de membres des familles de militaires, dont l’épouse d’un général de Guelma. Selon une source sécuritaire, la majorité d’entre eux sont de nouveaux militaires qui viennent de terminer leur formation à l’école d’infanterie d’In M’guel. Il y avait avec eux aussi le mécanicien de bord, Amine Meftah. Aux manettes : deux quadras, des commandants, Ali-Bey Benbouzid, père de 2 garçons, et Salim Djeghbal. Ce dernier, copilote, originaire d’El Harrach, était déjà copilote lors du crash C-130 WHA en France.
8h. La neige commence à tomber dans la région de Constantine.
8h45. L’avion qui a fait escale, comme le prévoit l’itinéraire classique, à Ouargla, redécolle pour Constantine. Des passagers descendent : ils ne sont plus que 78 à repartir.
11h30. La météo du côté de Constantine s’arrange. Le Metar (Meteorogical Aerodrome Report), qui est le rapport (et non la prévision) sur les conditions atmosphériques au-dessus de l’aérodrome, indique, à 11h30 et 12h, des vents de 34 km/h, une visibilité horizontale de 8000 m, ce qui est assez clair, environs 2/8 de ciel couvert, des nuages fragmentés à l’altitude de 2600 pieds (env. 800 mètres). Fait inhabituel, les pilotes entrent en contact radio avec la base militaire d’Oum El Bouaghi, les résultats du décryptage de la boîte noire donneront plus d’informations sur la nature du dialogue.
Un peu avant midi. La tour de contrôle de l’aéroport de Constantine perd le contact avec l’avion, qui se trouve à 35 km de la piste d’atterrissage n°34. Le mont Fertas culmine à 1258 m, alors que dans un rayon de 47 km de la piste de Constantine, l’altitude minimale de sécurité est de 7800 pieds (2377 m). En respectant l’angle d’atterrissage normal qui est de 3.15°, au niveau du Djebel Fertas, l’Hercule aurait dû être à 6730 pieds (2051 m). En somme, l’appareil vole 800 m trop bas. Alors qu’il amorce sa descente, il percute l’arête d’une clairière au sommet du Djebel Fertas, qui domine Aïn M’lila dans la wilaya d’Oum El Bouaghi. Des témoins affirment qu’au moment du crash, la montagne était enveloppée d’un épaix brouillard. Une photographie prise quelques minutes après l’accident le confirme.
Les photos des débris donnent de précieux renseignements sur la vitesse de l’appareil et son angle d’approche, hors, le fait que la queue soit restée intacte, le train d’atterrissage à côté, les volets à demi-sortis, les restes des ailes près de ce qui subsiste du fuselage, indiquent que l’avion était en pleine procédure d’atterrissage à basse vitesse, bien avant la piste et qu’il était beaucoup plus bas que toutes les recommandations de l’aviation civile. Avec ces données, l’on peut d’emblée éliminer la théorie de l’appareil pris dans une tempête, celle de l’avion tombé le nez en avant, celle des vents descendants ou ascendants (trou d’air), celle de la panne des moteurs ou des commandes de vol (l’avion touche à plat, les volets à demi-baissés, le train sorti, les flaps de la queue levés indiquant que le pilote a tenté au dernier moment de redresser) et même les thèses les plus folles comme celles de l’attentat (les débris ne sont pas éparpillés) ou autre. Restent quelques pistes tangibles :
Un non-respect du plan de descente et des altitudes de sécurité. Le fait même que l’avion soit à cette altitude prouve que le pilote n’avait pas adopté la bonne trajectoire, il a pu le faire sciemment ou il a pu être induit en erreur par une défaillance interne ou externe à l’appareil.
Une interception d’un faux glide slope, l’appareil s’est calé sur une mauvaise balise de guidage qui devait lui donner l’angle vertical de descente et d’approche. Il semblerait en outre que l’instrument DME, donnant la distance entre la piste et l’avion, relevant de l’aéroport de Constantine, serait en panne depuis un bon bout de temps. Dans le cas d’une panne de glide slope ou du calage sur un faux, l’absence de DME donnerait de fausses informations sur l’altitude et l’angle à l’appareil.
Une panne du GPS qui indique, outre sa localisation, les reliefs de la région. Les échanges avec la tour de contrôle peuvent l’indiquer, le cas échéant. Là aussi, la panne éventuelle de la DME priverait l’appareil d’informations vitales sur l’altitude. Pour résumer, le crash n’est probablement pas la conséquence d’une panne mécanique, mais c’est dû à une erreur possible de l’équipage ou bien à une défaillance des différents systèmes internes ou liés à l’infrastructure aéroportuaire de Constantine.
Dix minutes après le crash. Deux hélicoptères, avec à leur bord des fusillers de l’air, envoyés pour reconnaître les lieux et les sécuriser, décollent de la base aérienne d’Oum El Bouaghi. Une cellule de crise, présidées par le commandant Air de la 5e RM, le général Saïd Mammeri, est mise en place. La zone est difficile d’accès : il faut parcourir plus de 6 km à pied pour rejoindre les lieux. D’après les témoignages des habitants de Ouled Gacem, «un vieux berger qui accompagnait ses vaches avant d’être surpris par le bruit de l’impact, a orienté les premiers secours de la Protection civile». Une unité mobile de la gendarmerie, spécialisée dans la reconnaissance des victimes des catastrophes, est aussi dépêchée sur les lieux. Elle est composée d’une trentaine d’officiers, de plusieurs brigades spécialisées en biologie, identification d’empreintes digitales, en médecine légale, et scènes de catastrophes. C’est la même unité que celle qui a été chargée d’identifier les corps de Tiguentourine.
13h. La chaîne Ennahar TV annonce qu’un avion militaire s’est écrasé à Oum El Bouaghi, faisant plus d’une centaine de victimes.
14h. Un premier bilan à la radio évoque 99 morts. Dans la foulée, une source sécuritaire assure à l’AFP qu’il n’y a aucun survivant.
15h31. Un nouveau bilan de l’Afp fait état de 103 morts, 99 passagers et 4 membres d’équipage.
16h39. Nouvelle version de l’APS qui annonce 52 victimes et un survivant. Il s’appelle Namir Djelloul. Ce caporal-chef de 21 ans est originaire de Sidi Aïssa, dans la commune de Taougrit, sur le mont du Dahra. Transféré à l’hôpital militaire de Ali Mendjeli, on diagnostique un polytraumatisme. Il s’agit du deuxième militaire de Chlef, rescapé d’un accident d’avion, comme en 2003 lors du crash d’un Boeing d’Air Algérie.
17h46. 71 corps sont été retrouvés, selon un bilan de la Protection civile.
19h54. Abdelaziz Bouteflika décrète un deuil national de 3 jours. «Les soldats qui ont péri dans le crash sont des martyrs du devoir.» Le vendredi sera consacré «au recueillement à leur mémoire» dans tout le pays et dans toutes les mosquées.
19h28. Un nouveau bilan officiel fait état de 77 victimes dont 73 militaires. Parmi elles : 12 de Aïn Defla et 3 d’El Tarf.
Mercredi 12 février
Le commandement de l’ANP autorise les funérailles, après avoir fini l’identification des corps et établi les certificats de décès.
Dans l’après-midi. La boîte noire est retrouvée en bon état. Les experts du bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de Lokheed Martin, le constructeur américain de l’Hercule C-130H, sont envoyés sur place.
Dans la nuit. Après un séjour d’environ 36 heures à l’hôpital militaire régional de Ali Mendjeli à Constantine, le caporal-chef Namir Djelloul, qui a subi une intervention chirurgicale au dos, est transféré par hélicoptère vers l’hôpital militaire de Aïn Naâdja. Son pronostic vital est engagé du fait d’un sévère traumatisme crânien. Selon des sources médicales, la possibilité d’un transfert de la victime vers l’étranger n’est pas à écarter.
4h du matin. L’opération d’évacuation est terminée.
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