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Camel Bechikh, le musulman qui voulait un islam « franchouille »

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  • Camel Bechikh, le musulman qui voulait un islam « franchouille »

    Ramses Kefi | Journaliste Rue89


    Il adore le terroir, réclame une pause dans l’immigration et parle beaucoup d’identité nationale. Porte-parole de la Manif pour tous, Camel Bechikh prône un islam patriote. Et il est souvent rangé à l’extrême droite.

    En avril dernier, Camel Bechikh a participé à un colloque organisé par le Front national, sur le thème de la cohabitation entre l’islam et la République. Avec le profil de l’intervenant parfait.

    Un musulman pratiquant, fils d’immigrés algériens, qui défend l’héritage judéo-chrétien de la France, dénonce la porosité des frontières et estime que la mondialisation – entre autres – a porté un sale coup à l’identité nationale.

    Tandis qu’il expliquait au public présent l’impossibilité d’expulser les musulmans français, une voix dans l’assistance l’avait interpellé :

    « Dehors [les musulmans, ndlr] ! »

    Il avait répondu poliment, puis continué son exposé. Tranquillement, comme un prof à la fac. Quelques minutes plus tard, il était applaudi.


    CAMEL BECHIKH AU COLLOQUE IDÉES ET NATION, DU FN
    11 avril 2013
    Camel Bechikh est un homme courtois, cultivé et de plus en plus sollicité, qui donne l’impression d’avoir toujours les bons arguments. Porte-parole de la Manif pour tous et président de l’association Fils de France – qui prône un islam « patriote » – il représente surtout le fantasme du musulman qui roule pour l’extrême droite. Une image qu’il réfute :

    « Non, je ne suis pas “le sous-marin” de Marine Le Pen dans la communauté musulmane. »

    « Je n’ai jamais connu la discrimination »


    Camel Bechikh lors d’un rassemblement de Debout la République, le parti de Nicolas Dupont-Aignan, le 6 avril 2013 (WITT/SIPA)
    Camel Bechikh, 39 ans, est membre de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF) – réputée conservatrice – et l’un des responsables de la grande mosquée de Bordeaux. Il a aussi fait partie du Comité de bienfaisance et de secours aux Palestiniens (CBSP) – qu’il a quitté depuis – , une organisation humanitaire décriée par certains pour ses liens supposés avec le Hamas.

    Sur sa vie privée, il en dit le moins possible. Une scolarité dans des établissements catholiques, des études d’histoire de l’art et d’arabe et un emploi dans le commerce sur lequel il reste vague.

    Lui préfère s’épancher sur ses origines rurales, comme à peu près chaque fois qu’il est interrogé par les médias. Sur sa naissance dans le Berry, son enfance heureuse dans le terroir – avec ses onze frères et sœurs – et son amour pour les bérets, les clochers et les petits commerces.

    Parfois, il en parle comme si tout ça était un gage de patriotisme. Et comme si ses coreligionnaires qui avaient poussé dans les tours HLM avaient tous plus ou moins un souci avec la France. Il dit :

    « Je peux comprendre que lorsque l’on grandit au milieu d’un kebab et d’un fast-food, on ait du mal à aimer et à s’identifier à son pays. »

    Au fil de la discussion, il admettra que c’est un cliché. Mais il s’en moque un peu, car il est persuadé d’avoir raison. Pour nuancer, il glissera quand même :

    « Je suis conscient d’avoir été préservé et d’avoir été élevé dans une bulle. Par exemple, je n’ai jamais connu la discrimination. »

    Il prône une version française du voile

    Il a fondé Fils de France – qui a pour emblème un coq – il y a environ deux ans. Une association « apolitique », qui compte selon lui 400 adhérents et qui défend deux doxas.

    La première est l’acculturation des musulmans. Il part du postulat – essentialiste – que ses coreligionnaires – notamment banlieusards – ont du mal à exprimer leur amour pour la France, mais aussi à trouver un équilibre entre leur spiritualité et la réalité française.

    Dans les faits, cela se traduit, entre autres, par le gommage de tout ce qui pourrait donner à l’islam français une connotation étrangère. Pas de djellaba, pas de minarets pour les mosquées et pour le voile – dont il n’est pas le plus fervent partisan –, une alternative locale :

    « Un chapeau, un béret ou même un bandana. La plasticité de l’islam et donc sa capacité à épouser les cultures qu’il a rencontrées au fil des siècles n’est plus à prouver. Cela a marché partout, il n’y a pas de raison qu’ici, cela ne soit pas le cas. »

    Il rappelle que ce n’est pas un appel à renier ses origines :

    « Il faut simplement les appréhender de manière apaisée, pour ne pas tomber dans le fantasme. Et savoir où l’on va. »

    La seconde est la nécessité de peser sur l’opinion publique, en participant à tous les débats où il est question d’islam en France. Sa présence dans un colloque organisé par le Front national se justifie pleinement selon lui :

    « C’est avec ces gens-là – islamophobes carabinés – qu’il faut discuter en priorité. La politique de la chaise vide n’est pas une solution. Il faut leur expliquer rationnellement que tous les musulmans ne sont pas des poseurs de bombes. »

    A la recherche de la France de son enfance

    En 2012, le site communautaire musulman Oumma.com ne l’avait pas épargné après son passage sur France Inter. Extrait :

    « La France de notre enfance ne ressemble plus à ce qu’elle était entre les McDonald’s et les kebabs, je peine à retrouver les bistros bien franchouilles dans lesquels j’allais avec mon père.

    Le deuxième danger, c’est l’immigration massive, ce n’est pas parce qu’on est musulman et issu de l’immigration que l’on doit valider un flux migratoire incessant qui met en péril l’économie du pays, le vivre-ensemble et qui aujourd’hui n’est plus assimilable. »


    Dans Le Figaro, Vincent Nouzille est allé plus loin. Le journaliste le cite dans son article « Les réseaux secrets du Front national » comme étant dans le giron du parti. Pas encarté, mais une sorte de bon ami. Joint par téléphone, le FN n’a pas répondu à nos sollicitations. Camel Bechikh nie. Il affirme que sa famille à lui, c’est les souverainistes :

    « Je m’inspire beaucoup de Nicolas Dupont-Aignan et de Jean-Pierre Chevènement. Souvent, nos discours se rejoignent. »

    Et admet quelques autres affinités :

    « J’apprécie aussi Hubert Vedrine, Henri Guaino ou même Philippe Seguin. »

    Il a écrit dans le même journal que Soral

    Le recteur de la Grande Mosquée de Bordeaux, Tareq Oubrou, son mentor, analyse :

    « C’est très compliqué de le mettre dans une case. A une époque, il s’est peut-être rapproché de la mouvance d’Alain Soral, mais il en est revenu. »

    L’intéressé est expéditif :

    « En 2009, j’avais seulement organisé un débat entre Tareq Oubrou et lui. Sinon, je n’ai aucun lien avec lui. »

    Alain Soral l’aime bien. Les deux hommes ont d’ailleurs un point commun. Ils ont tous les deux écrit dans Flash, un ancien bimensuel d’extrême droite – un positionnement que certains réfutent – anti-américain, anti-israélien, mais dont la particularité, selon notre blogueur Jean-Yves Camus, est de ne pas être islamophobe. Camel Bechikh parle de cette expérience avec pragmatisme :

    « J’ai couvert pour ce journal un congrès du FN. Cela m’a permis de voir de plus près à quoi ressemblait ce mouvement. »
    Des musulmans parfois impressionnés

    A la Manif pour tous, la banderole écrite en arabe en tête de cortège l’a profondément irrité :

    « C’est une ineptie. Cela renvoie les musulmans à leur arabité. Et puis, la plupart des musulmans ne lisent pas l’arabe littéraire. »


    Là-bas, certains musulmans l’ont reconnu. Intrigués, parfois impressionnés. « Il est audacieux et c’est ce qu’ils nous manque pour avancer », m’a glissé l’un d’eux. Ce dernier est d’accord avec le président de Fils de France sur « l’anomalie » de la double nationalité et le côté bling-bling que revêt de plus en plus la foi musulmane :

    « Des grosses barbes, des voiles mais le cœur n’y est pas. Ni le comportement. Résultat, on est la risée de tout le monde. »

    Sous couvert d’anonymat, le responsable d’une association musulmane assez influente explique :

    « C’est quelqu’un d’intelligent, qui pose des questions qui commencent vraiment à être reconnues comme légitimes par la communauté. Il y a un tel désarroi face à l’état de la société que le refuge vers des valeurs traditionnelles apporte sécurité et confiance.

    En puis il reste dans un islam orthodoxe. En fait, il incarne quelque chose d’assez hybride qui commence à percer. »

    Lui chez le FN : « Qui récupère qui ? »

    « Une connaissance au Figaro m’a assuré que là-bas, je n’étais pas connoté à l’extrême droite, plutôt à la droite traditionnelle », lâche Camel Bechikh, qui ne comprend pas toujours certains termes que lui opposent les journalistes :

    « Souvent, on dit que je suis récupéré. Mais lorsque je vais dans un colloque du FN déconstruire certains imaginaires à propos de la communauté musulmane, c’est aussi dans mon intérêt. Qui récupère qui finalement ? »

    Sur le patriotisme, il assure que son action dépasse le champ de la communauté musulmane :

    « Bien que cela semble petit à petit s’inverser, il y a une France – quelles que soient les confessions – qui ne s’aime pas. A l’écouter, il y a toujours mieux que nous, ce qui justifie le dénigrement. Pourtant, nous avons de quoi être fiers de notre culture, et de notre pays. »
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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