Par Ouali Aït-Ahmed, ancien officier de l’ALN
Le monde vient de perdre, en la personne de Nelson Mandela, le dernier prodige qu’ait enfanté le XXe siècle. Il rejoint, de la sorte, deux autres monuments incommensurables que sont Abane Ramdane et le pasteur Martin Luther King, tous deux assassinés en pleine tourmente, le premier en décembre 1957 et le second en 1968. Chacun des trois aura travaillé pour forger et affûter les seuls éléments en mesure d’aboutir à une pleine et entière égalité des droits et des devoirs des citoyens de son pays.
D’aucuns se poseront des questions, somme toute légitimes, pour connaître et percer la trame d’une telle construction intellectuelle, d’autant plus que le titre de cet article peut paraître ne pas avoir de lien avec elle. La réponse est toute simple lorsque l’on sait que les trois personnages ont vécu, pratiquement, la même situation, à la seule différence que la tâche de Abane était encore plus ardue parce qu’il fallait livrer, à la fois, une guerre de libération contre l’occupant et réussir une révolution au sein du peuple, pour l’amener d’un très bas niveau socioculturel à un autre plus élevé, afin de faire face aux défis du siècle.
Sans nul doute que la philosophie et la pensée doctrinale pétries dans un foisonnement d’idées véhiculées par la proclamation du 1er Novembre, de l’«Appel aux intellectuels algériens», de l’«Appel à la grève des étudiants», du texte de l’hymne national Qassaman, de la plate-forme de la Soummam, ainsi que le crépitement des armes dans la Kabylie, l’Aurès, les monts de Chréa, Chenoua, le Dahra, l’Ouarsenis, Aït Snous, ont eu un écho sonore renvoyé par la Cordillère des Andes aux Etats-unis d’Amérique et les Géants Castel en Afrique du Sud, pour parvenir, nullement évanescent, au cœur des villes des deux pays. Martin Luther King et Nelson Mandela ne tardaient pas à boire goulûment à la source vivifiante et limpide du FLN-ALN qui venait «d’acquérir le cerveau qui lui manquait» (voir rapport du colonel Shoën après l’interception du premier tract daté du 1er avril 1955), en la personne de Abane Ramdane. Son analyse profonde de la situation passée, présente et future, en donnant au peuplement d’origine européenne, qui a acquis honnêtement ses biens, les mêmes perspectives que pour les autochtones, a servi de ligne directrice à l’action du pasteur et de «Madiba» dans leur lutte contre la ségrégation raciale et l’apartheid.
Cette philosophie, à idées aussi nobles que généreuses, conçue par les «Six» et approfondie par Abane, trouva un sol meuble et productif aux Etats-Unis et en Afrique du Sud qui ont su mettre fin au chant des sirènes. Par contre, chez nous dans notre jeune et belle Algérie, dont la souveraineté a été arrachée de haute lutte par une génération exceptionnelle d’hommes et de femmes, ces mêmes idées nées des entrailles de nos héros meurent au pied d’une montagne de dogmes à stratifications archaïques, tout comme les vagues qui s’évanouissent au contact des rochers ou des plages.
Si nous avons gagné la guerre, la révolution nous a glissé des mains, avec la liquidation physique de Abane Ramdane, alors que le capital qu’il nous a légué est colossal. Son élimination le 27 décembre 1957 n’est que le deuxième acte d’une pièce de théâtre qui en compte deux, le premier s’étant déroulé en août 1957 avec l’abrogation des deux principes de la primauté du politique sur le militaire et de l’intérieur sur l’extérieur et sa rétrogradation au poste de responsable de l’information au sein du CCE alors qu’il en était le coordinateur.
Même mort, il continue à faire trembler ceux qui n’ont pas la conscience saine, lui dont la pensée et l’action exclusivement axées et orientées vers une Algérie algérienne, patrie de tous les Algériens sans distinction aucune de quelque bord que ce soit. Ajouter à l’Algérie un autre qualifiant qu’algérienne, c’est faire sortir le colonialisme français par la porte donnant pignon sur rue, et y faire entrer un nouveau par la porte du jardin, aussi pernicieux que le premier, car il anesthésie le cerveau. De par ses réflexions profondes, sa concision et son talent dans la formulation de ses idées, sa rigueur dans l’exécution des décisions prises collégialement, Abane ne pouvait que susciter rancune chez certains téléguidés par des forces occultes. Seuls des patriotes comme le commandant Ali Mendjeli pouvaient l’apprécier à sa juste valeur en proclamant, lors du 8e Congrès de l’ONM que «la nature n’enfante, par siècle, qu’un être de la stature de Abane».
Récemment encore, un quotidien national a publié, les 12 et 15 janvier 2014, deux articles résumant l’ouvrage de Ali Yahia Abdennour sur la crise dite «berbériste» de 1949, croyant en détenir «les vérités cinglantes d’un témoin du siècle»! Cela vient compléter la panoplie des armes des bourreaux du théoricien de la Révolution, ad et post mortem. Mais savent-ils que les héros ne meurent jamais ? Et Abane en est un et avec majuscule et lettres d’or.
En réalité «les vérités cinglantes» ne sont que des pétards mouillés, propres à faire fuir les moineaux et à amuser ceux qui acceptent le tout-venant, sans pouvoir le passer au crible de l’analyse. Les affabulations, les contradictions et les contre-vérités décelées suffisent, à elles-mêmes, pour discerner que l’auteur de l’ouvrage ne maîtrise nullement ni le thème traité ni les structures du FLN/ALN historique et encore moins la psychologie humaine. Jouant «gauche-droite» et du buste, l’auteur perd tout en voulant ratisser large auprès de deux courants de pensée dont le regard est rivé l’un sur les racines, l’autre sur les fruits de l’arbre, oubliant totalement son irrigation et sa taille d’éclaircie et de fructification pour d’opulentes et riches récoltes.
A la lecture des deux articles, l’on conclut que l’auteur de l’ouvrage ignore totalement et le fond de la crise dite «berbériste» et le fonctionnement des structures du FLN/ALN.
A défaut de faire découvrir au lectorat les couleurs vives d’une société en arc-en-ciel dont rêvait Abane, il lui mijote une cuisine pour lui faire avaler des couleuvres.
La première contradiction relevée se situe au niveau de la source de son information relative à la condamnation de Bennaï Ouali, dit si Ouali n’Sénior. Dans l’article du 12, il affirme détenir son information de Brahim Chergui, au square Bresson (Port- Saïd maintenant), alors que dans celui daté du 15, il souligne que c’était un des membres du CCE, en l’occurrence Benyoucef Benkhedda, qui l’aurait convoqué pour lui apprendre la nouvelle. D’autre part, la formule post-mortem, «dis à Abane, en creusant ma tombe…» qualifiée de «prémonitoire», n’est que du réchauffé, puisqu’elle est déjà utilisée dans les années 1970, après l’assassinat de Krim Belkacem, le signataire des Accords d’Evian. Pour l’auteur c’est une manière élégante de dire : «Chah ! Abane n’a eu que ce qu’il méritait.»
D’autre part, l’auteur de l’ouvrage prend les lecteurs pour des enfants de chœur pour croire à ce qu’il rapporte de la réaction de Bennaï Ouali qui «intègre la mort à sa vie» rappelant d’une façon étrange «la mort du loup» de Lamartine, niant totalement l’instinct de conservation chez tout être. Devant une réelle menace de mort, quand bien même il intègre la mort naturelle dans la vie, l’instinct de conservation est plus vif et plus fort que tous les autres sentiments.
Le monde vient de perdre, en la personne de Nelson Mandela, le dernier prodige qu’ait enfanté le XXe siècle. Il rejoint, de la sorte, deux autres monuments incommensurables que sont Abane Ramdane et le pasteur Martin Luther King, tous deux assassinés en pleine tourmente, le premier en décembre 1957 et le second en 1968. Chacun des trois aura travaillé pour forger et affûter les seuls éléments en mesure d’aboutir à une pleine et entière égalité des droits et des devoirs des citoyens de son pays.
D’aucuns se poseront des questions, somme toute légitimes, pour connaître et percer la trame d’une telle construction intellectuelle, d’autant plus que le titre de cet article peut paraître ne pas avoir de lien avec elle. La réponse est toute simple lorsque l’on sait que les trois personnages ont vécu, pratiquement, la même situation, à la seule différence que la tâche de Abane était encore plus ardue parce qu’il fallait livrer, à la fois, une guerre de libération contre l’occupant et réussir une révolution au sein du peuple, pour l’amener d’un très bas niveau socioculturel à un autre plus élevé, afin de faire face aux défis du siècle.
Sans nul doute que la philosophie et la pensée doctrinale pétries dans un foisonnement d’idées véhiculées par la proclamation du 1er Novembre, de l’«Appel aux intellectuels algériens», de l’«Appel à la grève des étudiants», du texte de l’hymne national Qassaman, de la plate-forme de la Soummam, ainsi que le crépitement des armes dans la Kabylie, l’Aurès, les monts de Chréa, Chenoua, le Dahra, l’Ouarsenis, Aït Snous, ont eu un écho sonore renvoyé par la Cordillère des Andes aux Etats-unis d’Amérique et les Géants Castel en Afrique du Sud, pour parvenir, nullement évanescent, au cœur des villes des deux pays. Martin Luther King et Nelson Mandela ne tardaient pas à boire goulûment à la source vivifiante et limpide du FLN-ALN qui venait «d’acquérir le cerveau qui lui manquait» (voir rapport du colonel Shoën après l’interception du premier tract daté du 1er avril 1955), en la personne de Abane Ramdane. Son analyse profonde de la situation passée, présente et future, en donnant au peuplement d’origine européenne, qui a acquis honnêtement ses biens, les mêmes perspectives que pour les autochtones, a servi de ligne directrice à l’action du pasteur et de «Madiba» dans leur lutte contre la ségrégation raciale et l’apartheid.
Cette philosophie, à idées aussi nobles que généreuses, conçue par les «Six» et approfondie par Abane, trouva un sol meuble et productif aux Etats-Unis et en Afrique du Sud qui ont su mettre fin au chant des sirènes. Par contre, chez nous dans notre jeune et belle Algérie, dont la souveraineté a été arrachée de haute lutte par une génération exceptionnelle d’hommes et de femmes, ces mêmes idées nées des entrailles de nos héros meurent au pied d’une montagne de dogmes à stratifications archaïques, tout comme les vagues qui s’évanouissent au contact des rochers ou des plages.
Si nous avons gagné la guerre, la révolution nous a glissé des mains, avec la liquidation physique de Abane Ramdane, alors que le capital qu’il nous a légué est colossal. Son élimination le 27 décembre 1957 n’est que le deuxième acte d’une pièce de théâtre qui en compte deux, le premier s’étant déroulé en août 1957 avec l’abrogation des deux principes de la primauté du politique sur le militaire et de l’intérieur sur l’extérieur et sa rétrogradation au poste de responsable de l’information au sein du CCE alors qu’il en était le coordinateur.
Même mort, il continue à faire trembler ceux qui n’ont pas la conscience saine, lui dont la pensée et l’action exclusivement axées et orientées vers une Algérie algérienne, patrie de tous les Algériens sans distinction aucune de quelque bord que ce soit. Ajouter à l’Algérie un autre qualifiant qu’algérienne, c’est faire sortir le colonialisme français par la porte donnant pignon sur rue, et y faire entrer un nouveau par la porte du jardin, aussi pernicieux que le premier, car il anesthésie le cerveau. De par ses réflexions profondes, sa concision et son talent dans la formulation de ses idées, sa rigueur dans l’exécution des décisions prises collégialement, Abane ne pouvait que susciter rancune chez certains téléguidés par des forces occultes. Seuls des patriotes comme le commandant Ali Mendjeli pouvaient l’apprécier à sa juste valeur en proclamant, lors du 8e Congrès de l’ONM que «la nature n’enfante, par siècle, qu’un être de la stature de Abane».
Récemment encore, un quotidien national a publié, les 12 et 15 janvier 2014, deux articles résumant l’ouvrage de Ali Yahia Abdennour sur la crise dite «berbériste» de 1949, croyant en détenir «les vérités cinglantes d’un témoin du siècle»! Cela vient compléter la panoplie des armes des bourreaux du théoricien de la Révolution, ad et post mortem. Mais savent-ils que les héros ne meurent jamais ? Et Abane en est un et avec majuscule et lettres d’or.
En réalité «les vérités cinglantes» ne sont que des pétards mouillés, propres à faire fuir les moineaux et à amuser ceux qui acceptent le tout-venant, sans pouvoir le passer au crible de l’analyse. Les affabulations, les contradictions et les contre-vérités décelées suffisent, à elles-mêmes, pour discerner que l’auteur de l’ouvrage ne maîtrise nullement ni le thème traité ni les structures du FLN/ALN historique et encore moins la psychologie humaine. Jouant «gauche-droite» et du buste, l’auteur perd tout en voulant ratisser large auprès de deux courants de pensée dont le regard est rivé l’un sur les racines, l’autre sur les fruits de l’arbre, oubliant totalement son irrigation et sa taille d’éclaircie et de fructification pour d’opulentes et riches récoltes.
A la lecture des deux articles, l’on conclut que l’auteur de l’ouvrage ignore totalement et le fond de la crise dite «berbériste» et le fonctionnement des structures du FLN/ALN.
A défaut de faire découvrir au lectorat les couleurs vives d’une société en arc-en-ciel dont rêvait Abane, il lui mijote une cuisine pour lui faire avaler des couleuvres.
La première contradiction relevée se situe au niveau de la source de son information relative à la condamnation de Bennaï Ouali, dit si Ouali n’Sénior. Dans l’article du 12, il affirme détenir son information de Brahim Chergui, au square Bresson (Port- Saïd maintenant), alors que dans celui daté du 15, il souligne que c’était un des membres du CCE, en l’occurrence Benyoucef Benkhedda, qui l’aurait convoqué pour lui apprendre la nouvelle. D’autre part, la formule post-mortem, «dis à Abane, en creusant ma tombe…» qualifiée de «prémonitoire», n’est que du réchauffé, puisqu’elle est déjà utilisée dans les années 1970, après l’assassinat de Krim Belkacem, le signataire des Accords d’Evian. Pour l’auteur c’est une manière élégante de dire : «Chah ! Abane n’a eu que ce qu’il méritait.»
D’autre part, l’auteur de l’ouvrage prend les lecteurs pour des enfants de chœur pour croire à ce qu’il rapporte de la réaction de Bennaï Ouali qui «intègre la mort à sa vie» rappelant d’une façon étrange «la mort du loup» de Lamartine, niant totalement l’instinct de conservation chez tout être. Devant une réelle menace de mort, quand bien même il intègre la mort naturelle dans la vie, l’instinct de conservation est plus vif et plus fort que tous les autres sentiments.
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