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Monsieur le Président, je vous adresse cette lettre…

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    Monsieur le Président, je vous adresse cette lettre…
    Hafid Derradji

    Monsieur le Président, sitôt l’annonce de votre ‘’candidature invisible’’ et par procuration connue, j’ai décidé, moi le simple citoyen, de vous écrire cette lettre. Ou plutôt l’écrire pour l’histoire car je sais, depuis belle lurette, que vous ne lisez plus le courrier destiné au président de la République. Je sais aussi que vous ne recevez plus de lettres parce que vous subissez l’embargo ou l’état de siège de ceux-là même qui vous ont contraint au passage en force. Je sais que ça fait un bail que vous ne lisez plus la presse, que vous ne regardez plus les chaînes de télévision. Je sais que vous ignorez tout du traitement infligé à votre pays et à votre peuple auxquels vous avez promis, la main sur le Livre Saint, ‘’Al Izza Wal Karama’’. Je sais que vous ignorez que ‘’Djazair Al Izza Wal Karama’’ subit la peur, le harcèlement, la régression et j’en passe.
    Au regard de l’embargo ou de l’état de siège qui vous est imposé par ceux-là même qui « chantent » l’État civil, j’ai choisi la formule de la lettre ouverte. Ce faisant, je suis tenté de croire qu’elle aura plus de chance de résonner dans vos oreilles. Ce faisant, j’aimerais faire part aux Algériens des sentiments que m’inspire votre candidature pour un quatrième bail. Et j’aimerais, Monsieur le Président, vous faire part de mes prédictions sur ce qui attend l’Algérie du 4e mandat.
    Vous avez décidé, ‘’siyadata erraïs’’, de rempiler envers et contre tous. Vous sacrifiez à l’exercice d’un énième mandat au moment où vous avez besoin – et plus que jamais – de repos. Vous faites le choix d’un énième bail au moment où l’Algérie et les Algériens aspirent – comme jamais auparavant – à un nouveau souffle salvateur. Vous persistez à y rester au moment où l’Algérie est en droit d’espérer une nouvelle ère : celle, vitale, d’une nouvelle République dirigée par des institutions aux normes démocratiques et non par les tenants des intérêts et du trafic d’influence.
    Monsieur le Président, vous avez fait le choix d’annoncer votre candidature via le Premier ministre et président de la Commission nationale de préparation des élections présidentielles. Autant dire une première dans l’histoire de la présidentielle algérienne. En 1994, vous avez opposé une fin de non-recevoir à l’appel de détresse lancé par une Algérie meurtrie et menacée de disparition. En 2014, vous avez répondu à l’appel des Amar Saâdani, Amar Ghoul, Chalabiya Mahdjoubi et autres laudateurs et opportunistes. Avez-vous failli à l’obligation d’assistance à des millions de personnes en danger en 1994 et fait un passage en force en 2014 ? Juge mémoriel et implacable s’il en est, l’Histoire le dira le moment venu. Et le consignera dans les manuels pédagogiques destinés aux générations futures.
    Monsieur le Président, en faisant le choix de l’acte de candidature par procuration, vous nous apportez sur un plateau une preuve irréfutable. La preuve sans ambages que vous n’êtes pas en mesure de vous déplacer au-delà du périmètre de la résidence d’État, de vous exprimer et d’argumenter votre énième bail. En chargeant le Premier ministre de « s’en charger » quitte à décrédibiliser une élection entachée avant d’avoir été mise en branle, vous avez épinglé les règles – écrites et non écrites – qui régissent l’élection présidentielle et la fonction présidentielle. En vous entêtant à rempiler en dépit de votre état de santé et en dépit des choix erronés qui ont émaillé votre triple mandat, vous avez manqué de respect à votre peuple.
    Monsieur le Président, je m’attends au retrait des candidats, les candidats dignes de ce nom et non pas les amuseurs de galeries mobilisés pour les besoins du folklore électoral. Je les vois renoncer à la course, convaincus que les règles du fair-play et de l’équité compétitive ont été piétinées et que la joute électorale sera expédiée dès le 1er tour. Pour les candidats autres que les amuseurs de galeries, il est pour le moins difficile de ne pas se résigner à jeter l’éponge. A plus forte raison quand un des régulateurs supposés de la présidentielle – le président de la Commission nationale de préparation des élections – commet l’erreur d’annoncer la participation d’un compétiteur – de surcroit amoindri et en méforme – au lieu de veiller sur la bonne préparation du match.
    Monsieur le Président, les urnes risquent – j’imagine – de se faire désirer vainement le 17 avril. Je vois déjà les « bookmakers » de la présidentielle parier sur le plus bas taux de participation jamais enregistré dans une joute électorale algérienne. Impossible, vous en conviendrez Monsieur le Président, de s’attendre à des files similaires à celles de novembre 1995. Aujourd’hui, le peuple s’est résigné, la mort dans l’âme, et son intérêt pour la politique a vécu. Les Algériens ne donnent pas l’impression de se presser pour glisser l’enveloppe au fond de l’urne. Cela n’empêchera pas le ministère de l’Intérieur de se réjouir, le soir venu, d’une participation supérieure à 60%. Et cela n’empêchera pas le ministère de vous créditer de la ‘’majorité réelle, franche et transparente du peuple algérien’’ selon votre formule imagée d’avril 1999.
    Le 17 avril, vers les coups de minuit, lorsque le ministère de l’Intérieur aura rendu public les indicateurs officiels, l’histoire de l’Algérie institutionnelle se sera enrichie d’une page à nulle autre pareille : la page peu glorieuse d’un simulacre électoral ou d’une mascarade électorale. Une élection virtuelle, couronnement d’une campagne surréaliste au cours de laquelle un président-candidat sous-traite l’annonce de sa candidature et se déploie sur le terrain de la fraude électorale de manière virtuelle via ceux qui ont ‘’boosté’’ sa candidature et forcé le 4e mandat.
    Le 17 avril au matin, tout porte à croire que les cameramen et photographes ne glaneront pas l’image traditionnelle d’un président-candidat glissant l’enveloppe dans l’urne à moins de… déplacer le bureau de vote à la résidence d’État. Le 17 avril au soir, tout porte à croire que le président plébiscité ne s’adressera pas de vive voix aux Algériens pour les remercier de lui avoir accordé une « majorité réelle, franche et transparente », à moins de délocaliser le ‘’QG’’ du candidat vainqueur au niveau de la résidence d’État. Au regard des entorses à répétition enregistrées dans « Djazair El Izza wal karama », cela n’aurait pas trop d’importance, constitutionnellement s’entend. Mais que faire de la prestation de serment qui, loin d’être un cérémonial protocolaire, est un impératif constitutionnel. Un acte auquel il est impossible de déroger et sans le respect duquel le premier magistrat du pays ne peut présider aux destinées du pays, de son peuple et de ses corps constitués.
    Monsieur le Président, je crains que, cas de force majeure oblige, vous assumeriez votre nouveau mandat depuis la résidence d’État, sans remettre les pieds à El Mouradia, sans aller à la rencontre des Algériens aux quatre coins du pays, sans leur parler de vive voix, sans présider les réunions du Conseil des ministres, sans procéder à l’ouverture de l’année judiciaire, sans assister aux réunions du Haut Conseil de sécurité à l’heure des désordres du monde, sans réunir le Haut Conseil de l’énergie à l’heure des grandes manœuvres du marché énergétique, sans récompenser les meilleurs lauréats à l’examen du Baccalauréat, sans rehausser de votre présence la cérémonie de sortie d’une énième promotion à l’Académie interarmes de Cherchell. Et que dire de l’activité diplomatique algérienne en l’absence du chef de la politique étrangère, dixit la Constitution.
    Monsieur le Président, je crains que, cas de force majeure oblige, vous laisseriez l’Algérie, son peuple, son État et ses institutions entre les mains de votre entourage. Je crains que ceux qui ont « boosté » votre candidature et forcé le 4e mandat se fassent signer une procuration. Je crains qu’ils réduisent notre Algérie au statut de proie. Je les vois se frotter les mains et promettre aux opposants du 4e mandat les pires traitements. Je les vois assouvir une revanche cannibale contre ceux qui, à quelques titres que ce soient, ont dit non au 4e mandat, non à « Al ouhda El Khalida » ou la présidence éternelle. Quel sentiment vous inspire le risque de voir les opposants au mandat de trop promis à la vindicte de la ‘’hachiya’’, cette cour sans foi ni loi. Quel sentiment vous inspirent les charges vitriolées contre les institutions ? Contre ceux qui ont, au plus fort des périls, empêché la chute irrémédiable de la maison Algérie. Etes-vous à l’aise, êtes-vous tranquille, Monsieur le Président, face à cet état des lieux ?
    Monsieur le Président, à l’annonce de votre candidature, ma première réaction à chaud a été celle d’un homme qui n’y a pas cru une seule seconde. Je me suis dit : ce n’est pas lui, ce n’est pas Monsieur Abdelaziz Bouteflika, ce n’est pas cet homme qui, depuis Sétif, a prononcé une expression qui meublera pour l’histoire le « Dictionnaire de l’Algérie politique et institutionnelle ». En visionnant et en revisionnant les propos du Premier ministre, j’ai surfé sur la Toile à la recherche de la fameuse Tab Djnana. Tout compte fait, je constate, avec regrets, que Djnan l’Algérie à l’heure d’Al Izza wal karama fleurit de manière éternelle. Avec le risque de transformer le printemps –- cette saison propice aux Djnan – en hiver sombre.
    Dernière modification par wilams, 23 février 2014, 16h49. Motif: Algérie, une république mafiocratique
    Éclairer les nations encore obscures.
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