Document. En 2012, le quotidien français L’Humanité publiait cette lettre émanant d’Ezedine Erroussi, porte-parole des étudiants de Taza et Fès et dans laquelle il dévoilait la torture qu’il subissait en prison. L’Humanité publiait en exclusivité son »Journal de la torture » que nous republions pour rappeler à ceux qui nous gouvernent que l’histoire n’oublie pas.
Le détenu politique Ezedine Erroussi, prison locale de Taza, n°d’écrou 7000096
Le journal de la torture
Salutations militantes aux étudiants(tes),
Salutations à tous les nobles militants du Maroc blessé,
Salutations de résistance à mes camarades de la prison de sinistre réputation Aïn Kadouss à Fès qui sont en grève de la faim à mes côtés depuis le 23/01/2012
Salutations à tous les prisonniers politiques du Maroc notamment les prisonniers de la révolte de Taza la glorieuse avec, à leur tête, les grévistes de la faim depuis le 14/02/2012.
Salutations aux martyrs du peuple marocain qui resteront immortels
Je vais parler dans ce qui suit de quelques épisodes de la torture que j’ai subie depuis mon arrestation. Ce récit ne sera pas exhaustif car mon état de santé s’est détérioré suite à ma grève de la faim et à mes va et vient entre l’hôpital et la prison.Pour ces raisons je ne peux pas relater tous les détails en vue d’informer l’opinion publique, tous les militants et les masses étudiantes et populaires. Je ne peux vous informer de tout ce qui a trait aux violations de mes droits commises à mon encontre par le régime en place.
J’en ai parlé auparavant en date du 09/01/2012 dans une chronique intitulée « chronique d’une torture » subie dans ma cellule.
Comme tout le monde le sait, j’ai été arrêté le jeudi 01/12/2011, quand les forces de l’ordre de tous bord sont intervenues alors que nous menions notre glorieuse bataille avec un cahier de revendications bien précises. La réponse du régime a été d’envoyer ses espions et ses agents pour épier nos actions. Les forces de l’ordre ont commis une boucherie à notre encontre. Elles ne cessent de militariser l’université et continuent à s’opposer violemment à notre mouvement contestataire, celui des étudiants et du peuple marocain en général.
J’ai été arrêté par trente agents répressifs, ils m’ont tabassé à coups de matraque jusqu’à ce que je m’évanouisse. Ils m’ont ligoté et tiré par les pieds jusqu’à la voiture blindée, stationnée devant la fac porte ouest du coté du cimetière. Là ils m’ont déshabillé. Ils ont commencé à m’insulter et à me frapper violemment.A plusieurs reprises, ils ont piétiné ma tête et mon ventre avec leurs pieds. Ensuite un des agents m’a mis un pistolet dans ma bouche en disant « une seule balle et c’en est fini de toi, les années de plomb ne sont pas terminées et tu verras les horreurs que tu n’as jamais vues depuis ta venue au monde ».Soudain, l’estafette blindée a redémarré, elle s’est arrêtée plus loin devant la station d’essence OL LYBIA qui est située en face de l’autre porte de la FAC du côté de l’institut de technologie appliquée. Les agents ont ouvert la porte de la voiture, j’ai vu des agents qui ont l’air haut gradés, ils étaient officiers, un des leurs a dit aux autres « voilà un de ces morveux qui vient de tomber » ; ils reprirent alors les insultes, les injures et les coups.
Après quinze minutes, je fus transporté au commissariat. A mon arrivée, ils m’ont poussé de toutes leurs forces. Je suis tombé par terre et mon visage s’est cogné. Ils ont ligoté mes pieds et m’ont roué de coups de pied. Ensuite ils ont bandé mes yeux, ils ont ligoté mes pieds et mes mains.
Ils m’ont fait rentrer dans une chambre et ont commencé l’interrogatoire. J’ai refusé de parler et j’ai gardé le silence. Alors un des agents a mis encore une fois un pistolet dans ma bouche et sur ma tempe, il m’insultait et me menaçait « je vais t’exploser la tête si tu ne parles pas.. » J’ai quand même gardé le silence, alors ils ont commenc é à arracher mes cheveux à tel point que qu’il arrachait mon cuir chevelu. Les questions se sont concentrés sur des détails de l’organisation de la mouvance des basistes. J’ai gardé le silence et là, ils se sont tous mis à me tabasser. Ils se sont mis à me provoquer pour m’amener à parler. Comme ils n’ont pas réussi, ils ont repris la torture. Ils ont mis un torchon plein de boue et d’huile de moteurs dans ma bouche. J’ai failli m’étouffer car ils ont continué à me rouer de coups sur la totalité de mon corps surtout sur les paries sensibles. Tout ça était accompagné de provocations verbales et de mots injurieux. Face à mon mutisme, ils m’ont transporté dans la cave, là ils ont trempé ma tête dans un seau d’eau et la torture a continué longtemps à ce rythme. J’ai gardé le silence, ils m’ont alors tiré, ont mis ma tête parterre et ont compressé ma poitrine avec leurs pieds ; ils ont mis encore un torchon plein d’eau de la cuvette des WC sur mon visage et ma bouche. Cette torture a duré plus de six heures non stop sans que je dise un mot.
Ils m’ont alors transporté dans ma cellule. Là, ils m’ont déshabillé encore une fois, et ont refusé de me donner des couvertures avec le temps glacial qu’il fait à cette époque de l’année ; cette séance de torture a perduré pendant tout le temps que j’ai passé au commissariat. Ils me sortaient de ma cellule, j’avais les pieds et les mains ligotés avec les yeux bandés, ils me torturaient et me ramenaient de nouveau dans la cellule. J’avais refusé de parler et mon corps me faisait mal. Tout mon corps était dévoré de douleurs. J’avais les mains et les pieds cassés. Je ne savais pas ce qui était arrivé à mes mains, ils ne m’avaient pas amené à l’hôpital. Je ne pouvais pas bouger et des douleurs aigues ravageaient mon corps. J’ai refusé de signer leur procès verbal (je ne savais pas ce qu’ils y avaient écrit. Alors, ils se sont mis à me taper dessus, à me donner des coups de pieds, m’insulter et m’injurier.
Je n’ai pas signé et je ne sais pas s’ils ont signé à ma place.
Est ce que c’est ça la constitution avancée, la constitution des droits et libertés, la constitution qui garantit les droits de l’homme et les droits des détenus, c’est ce qu’a promis le discours historique du 9 mars.
Nous étions convaincus de la démagogie de ces étendards et nous ne nous sommes jamais leurré. Seuls les ennemis du peuple marocain, tous les collabos et traîtres les ont applaudis.
La torture psychologique et physique épuisée, le régime en place a eu recours à d’autres méthodes plus perverses et plus criminelles me sous-estimant et croyant que tous les marocains sont du bétail. Le régime a même recours à des parlementaires et à des gens qui se prétendent des défenseurs des droits de l’homme et qui ont essayé d’influencer ma famille. J’ignore pour qui ils travaillent. Dans le cadre de ces pratiques perverses, j’ai reçu, il y a trois semaines, la visite du procureur du roi en présence de mon père. C’était une tentative pour atteindre mon père psychologiquement : ils l’ont convoqué devant le procureur pour me faire du chantage. Ils m’ont promis une bourse permanente comme c’est dû aux étudiants sahraouis. J’ai obtenu le baccalauréat à Esmara dans le Sahara occidental ; j’y ai été scolarisé pendant six ans ; le procureur m’a également promis un droit de visite ouvert à tous mes amis et à tous ceux qui souhaitent me voir ; il m’a promis de me « choyer ». Il est allé loin dans le chantage en me promettant de me trouver un travail stable à condition que je mette un terme à ma grève de la faim , d’arrêter la fronde et de m’éloigner des contestataires.
J’ai refusé et j’ai réitéré ma demande de satisfaire les revendications des étudiants et de libérer les détenus politiques, seules conditions à laquelle je mettrai fin à ma grève de la faim. Il a répondu en s’adressant à mon père « regarde votre fils à qui j’ai voulu du bien , il gâche tout et me le rend en mal ». Mon père lui a répondu : « je préfère que mon fils meure plutôt que de vivre humilié, il sait ce qu’il fait, et si moi-même je faisais des études, j’aurais été avec lui ici en prison ».
Mercredi dernier, le procureur auprès de la cour d’appel de Taza est venu me voir avec d’autres illusions à me proposer ; Il m’a appelé « MONSIEUR ERROUSSI» et m’a demandé de rédiger une demande de grâce, seule solution, selon lui, pour ma libération.
J’ai répondu clairement que je n’écrirai pas de demande de grâce, je ne m’inclinerai pas, je ne baiserai pas leurs pieds pour ma liberté. Je ne solliciterai personne et je ne me soumettrai à quiconque, quelque soit son pouvoir.
Notre cause est juste et légitime. Nous seuls, les militants, nous décidons de nos outils démocratiques pour mener nos combats en face des politiques que mène le régime collaborateur, régime qui est contre les intérêts de la nation, anti-démocratiques et antipopulaires. Il sera toujours l’ennemi historique de notre peuple qui trime et qui, pourtant, souffre de la pauvreté et de la répression.
Le détenu politique Ezedine Erroussi, prison locale de Taza, n°d’écrou 7000096
Le journal de la torture
Salutations militantes aux étudiants(tes),
Salutations à tous les nobles militants du Maroc blessé,
Salutations de résistance à mes camarades de la prison de sinistre réputation Aïn Kadouss à Fès qui sont en grève de la faim à mes côtés depuis le 23/01/2012
Salutations à tous les prisonniers politiques du Maroc notamment les prisonniers de la révolte de Taza la glorieuse avec, à leur tête, les grévistes de la faim depuis le 14/02/2012.
Salutations aux martyrs du peuple marocain qui resteront immortels
Je vais parler dans ce qui suit de quelques épisodes de la torture que j’ai subie depuis mon arrestation. Ce récit ne sera pas exhaustif car mon état de santé s’est détérioré suite à ma grève de la faim et à mes va et vient entre l’hôpital et la prison.Pour ces raisons je ne peux pas relater tous les détails en vue d’informer l’opinion publique, tous les militants et les masses étudiantes et populaires. Je ne peux vous informer de tout ce qui a trait aux violations de mes droits commises à mon encontre par le régime en place.
J’en ai parlé auparavant en date du 09/01/2012 dans une chronique intitulée « chronique d’une torture » subie dans ma cellule.
Comme tout le monde le sait, j’ai été arrêté le jeudi 01/12/2011, quand les forces de l’ordre de tous bord sont intervenues alors que nous menions notre glorieuse bataille avec un cahier de revendications bien précises. La réponse du régime a été d’envoyer ses espions et ses agents pour épier nos actions. Les forces de l’ordre ont commis une boucherie à notre encontre. Elles ne cessent de militariser l’université et continuent à s’opposer violemment à notre mouvement contestataire, celui des étudiants et du peuple marocain en général.
J’ai été arrêté par trente agents répressifs, ils m’ont tabassé à coups de matraque jusqu’à ce que je m’évanouisse. Ils m’ont ligoté et tiré par les pieds jusqu’à la voiture blindée, stationnée devant la fac porte ouest du coté du cimetière. Là ils m’ont déshabillé. Ils ont commencé à m’insulter et à me frapper violemment.A plusieurs reprises, ils ont piétiné ma tête et mon ventre avec leurs pieds. Ensuite un des agents m’a mis un pistolet dans ma bouche en disant « une seule balle et c’en est fini de toi, les années de plomb ne sont pas terminées et tu verras les horreurs que tu n’as jamais vues depuis ta venue au monde ».Soudain, l’estafette blindée a redémarré, elle s’est arrêtée plus loin devant la station d’essence OL LYBIA qui est située en face de l’autre porte de la FAC du côté de l’institut de technologie appliquée. Les agents ont ouvert la porte de la voiture, j’ai vu des agents qui ont l’air haut gradés, ils étaient officiers, un des leurs a dit aux autres « voilà un de ces morveux qui vient de tomber » ; ils reprirent alors les insultes, les injures et les coups.
Après quinze minutes, je fus transporté au commissariat. A mon arrivée, ils m’ont poussé de toutes leurs forces. Je suis tombé par terre et mon visage s’est cogné. Ils ont ligoté mes pieds et m’ont roué de coups de pied. Ensuite ils ont bandé mes yeux, ils ont ligoté mes pieds et mes mains.
Ils m’ont fait rentrer dans une chambre et ont commencé l’interrogatoire. J’ai refusé de parler et j’ai gardé le silence. Alors un des agents a mis encore une fois un pistolet dans ma bouche et sur ma tempe, il m’insultait et me menaçait « je vais t’exploser la tête si tu ne parles pas.. » J’ai quand même gardé le silence, alors ils ont commenc é à arracher mes cheveux à tel point que qu’il arrachait mon cuir chevelu. Les questions se sont concentrés sur des détails de l’organisation de la mouvance des basistes. J’ai gardé le silence et là, ils se sont tous mis à me tabasser. Ils se sont mis à me provoquer pour m’amener à parler. Comme ils n’ont pas réussi, ils ont repris la torture. Ils ont mis un torchon plein de boue et d’huile de moteurs dans ma bouche. J’ai failli m’étouffer car ils ont continué à me rouer de coups sur la totalité de mon corps surtout sur les paries sensibles. Tout ça était accompagné de provocations verbales et de mots injurieux. Face à mon mutisme, ils m’ont transporté dans la cave, là ils ont trempé ma tête dans un seau d’eau et la torture a continué longtemps à ce rythme. J’ai gardé le silence, ils m’ont alors tiré, ont mis ma tête parterre et ont compressé ma poitrine avec leurs pieds ; ils ont mis encore un torchon plein d’eau de la cuvette des WC sur mon visage et ma bouche. Cette torture a duré plus de six heures non stop sans que je dise un mot.
Ils m’ont alors transporté dans ma cellule. Là, ils m’ont déshabillé encore une fois, et ont refusé de me donner des couvertures avec le temps glacial qu’il fait à cette époque de l’année ; cette séance de torture a perduré pendant tout le temps que j’ai passé au commissariat. Ils me sortaient de ma cellule, j’avais les pieds et les mains ligotés avec les yeux bandés, ils me torturaient et me ramenaient de nouveau dans la cellule. J’avais refusé de parler et mon corps me faisait mal. Tout mon corps était dévoré de douleurs. J’avais les mains et les pieds cassés. Je ne savais pas ce qui était arrivé à mes mains, ils ne m’avaient pas amené à l’hôpital. Je ne pouvais pas bouger et des douleurs aigues ravageaient mon corps. J’ai refusé de signer leur procès verbal (je ne savais pas ce qu’ils y avaient écrit. Alors, ils se sont mis à me taper dessus, à me donner des coups de pieds, m’insulter et m’injurier.
Je n’ai pas signé et je ne sais pas s’ils ont signé à ma place.
Est ce que c’est ça la constitution avancée, la constitution des droits et libertés, la constitution qui garantit les droits de l’homme et les droits des détenus, c’est ce qu’a promis le discours historique du 9 mars.
Nous étions convaincus de la démagogie de ces étendards et nous ne nous sommes jamais leurré. Seuls les ennemis du peuple marocain, tous les collabos et traîtres les ont applaudis.
La torture psychologique et physique épuisée, le régime en place a eu recours à d’autres méthodes plus perverses et plus criminelles me sous-estimant et croyant que tous les marocains sont du bétail. Le régime a même recours à des parlementaires et à des gens qui se prétendent des défenseurs des droits de l’homme et qui ont essayé d’influencer ma famille. J’ignore pour qui ils travaillent. Dans le cadre de ces pratiques perverses, j’ai reçu, il y a trois semaines, la visite du procureur du roi en présence de mon père. C’était une tentative pour atteindre mon père psychologiquement : ils l’ont convoqué devant le procureur pour me faire du chantage. Ils m’ont promis une bourse permanente comme c’est dû aux étudiants sahraouis. J’ai obtenu le baccalauréat à Esmara dans le Sahara occidental ; j’y ai été scolarisé pendant six ans ; le procureur m’a également promis un droit de visite ouvert à tous mes amis et à tous ceux qui souhaitent me voir ; il m’a promis de me « choyer ». Il est allé loin dans le chantage en me promettant de me trouver un travail stable à condition que je mette un terme à ma grève de la faim , d’arrêter la fronde et de m’éloigner des contestataires.
J’ai refusé et j’ai réitéré ma demande de satisfaire les revendications des étudiants et de libérer les détenus politiques, seules conditions à laquelle je mettrai fin à ma grève de la faim. Il a répondu en s’adressant à mon père « regarde votre fils à qui j’ai voulu du bien , il gâche tout et me le rend en mal ». Mon père lui a répondu : « je préfère que mon fils meure plutôt que de vivre humilié, il sait ce qu’il fait, et si moi-même je faisais des études, j’aurais été avec lui ici en prison ».
Mercredi dernier, le procureur auprès de la cour d’appel de Taza est venu me voir avec d’autres illusions à me proposer ; Il m’a appelé « MONSIEUR ERROUSSI» et m’a demandé de rédiger une demande de grâce, seule solution, selon lui, pour ma libération.
J’ai répondu clairement que je n’écrirai pas de demande de grâce, je ne m’inclinerai pas, je ne baiserai pas leurs pieds pour ma liberté. Je ne solliciterai personne et je ne me soumettrai à quiconque, quelque soit son pouvoir.
Notre cause est juste et légitime. Nous seuls, les militants, nous décidons de nos outils démocratiques pour mener nos combats en face des politiques que mène le régime collaborateur, régime qui est contre les intérêts de la nation, anti-démocratiques et antipopulaires. Il sera toujours l’ennemi historique de notre peuple qui trime et qui, pourtant, souffre de la pauvreté et de la répression.
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