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FMI, Union européenne : qui va payer pour l'Ukraine?

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  • FMI, Union européenne : qui va payer pour l'Ukraine?

    L'Ukraine émerge de sa seconde révolution en 10 ans dans une situation économique pitoyable. Alors qu'en 2004 la croissance était de 12%, cela fait deux ans maintenant que l'économie stagne misérablement, et elle a sans doute chuté ces derniers mois. Le déficit budgétaire doit approcher les 10% du PIB et le gouvernement ne peut pas emprunter sur les marchés financiers. Il a besoin d'aide, et vite.
    Émus par les images de la révolution, nous voulons tous faire quelque chose pour l'Ukraine, bien sûr. Mais la situation est loin d'être claire. Même avant l'arrivée de Ianoukovitch, ce pays figurait parmi les plus corrompus au monde. C'est très bien d'y envoyer de l'argent, mais le risque de le voir absorbé par ceux qui n'en ont pas besoin mais qui savent s'y prendre est trop élevé pour faire preuve de la moindre naïveté.

    Depuis plus d'un an, l'Ukraine était en discussion avec le FMI, dont le rôle est de prêter à des pays qu'une gestion désastreuse a conduits au bord du gouffre. C'est pour cela que le FMI prête sous conditions. Parce que ces conditions menaçaient ses affaires et celles de ses proches, Ianoukovitch avait refusé le programme offert par le FMI. Un des aspects choquants de l'aide russe, offerte en novembre dernier, était qu'elle permettait au pouvoir de s'affranchir d'un programme du FMI. Autrement dit, en prêtant sans conditions économiques, la Russie exerçait une concurrence déloyale vis à vis du FMI, dont elle est pourtant un membre important. Évidemment, ce n'était pas un prêt sans conditions, mais elles étaient politiques. L'Europe et les États-Unis ne doivent pas suivre la même approche en offrant une aide politique qui sape le FMI. Ce n'est pas seulement une question de bonne gouvernance internationale, c'est aussi une question d'efficacité: prêter sans assainir la situation signifie qu'il faudra bientôt recommencer, et encore, et encore.
    Un accord avec les FMI peut être signé rapidement. Le programme est quasi prêt depuis des mois et peut être actualisé avant la fin mars. Il s'agit de redresser la balance externe, en fort déficit.

    Mais n'est-il pas dangereux de laisser trainer les choses alors que des élections générales doivent avoir lieu fin mai? Dans une situation de plus en plus dégradée, les électeurs pourraient se jeter dans les bras de populistes-nationalistes qui ne manqueront pas d'avancer des solutions aussi simples et donc superficiellement attrayantes qu'elles sont illusoires. Certes, mais il y a deux bonnes réponses. D'abord, rappelons nous 2004. Les héros de la révolution orange ont accumulé les erreurs de toutes sortes qui ont provoqué une chute brutale de la croissance et le début de l'échec qui a fait revenir Ianoukovitch au pouvoir. Le risque que les héros de la Place Maidan commettent très vite des erreurs à des fins électoralistes est considérable. L'aide doit être soumises à des conditions précises et vérifiables.
    Ensuite, un accord avec les FMI peut être signé rapidement. Le programme est quasi prêt depuis des mois et peut être actualisé avant la fin mars. Il s'agit de redresser la balance externe, en fort déficit. Cela passera par une dévaluation de la monnaie. Il s'agit aussi de combler le déficit public. Réduire la corruption permettra d'épargner des sommes considérables. Par exemple, depuis son indépendance, l'Ukraine subventionne massivement le gaz importé de Russie. Une partie importante de ce gaz est acheté à bas prix par les oligarques qui le revendent à l'étranger au prix normal. Les profits fabuleux qu'ils réalisent sont donc financés par le budget de l'État. Mettre un terme à ce système permettra de substantielles économies, parfois évaluées à 2% du PIB, dont une partie pourra être utilisée à aider les moins riches. Une autre partie importante des dépenses publiques consiste en subventions aux grandes entreprises. Elles sont inutiles, en fait contreproductives, et en partie de la corruption.

    L'Europe pourrait fournir un petit prêt d'urgence, plus symbolique qu'effectif
    Un tel programme d'assainissement est forcément douloureux. Les premiers perdants seront les oligarques, qui ne voudront pas avoir retourné pour rien leurs vestes à la 11ème heure. Quand ils n'ont pas leurs propres partis au parlement, ils contrôlent de nombreux députés. Ianoukovitch a perdu le pouvoir le jour où les oligarques ont conclu qu'il ne servait plus leurs intérêts. Ils vont évidemment déployer leur considérable influence - surtout en période pré-électorale - pour ajuster les conditions ou torpiller le programme. La population dans son ensemble ne sera pas immune non plus. Couper les subventions aux grandes entreprises se traduira pas des licenciements, sans doute concentrés dans la partie russophone. Qui pourra signer un éventuel accord avec le FMI? Le gouvernement actuel est très provisoire et ne peut donc engager l'avenir. Dans ces conditions, le FMI prend des précautions. Il exige que l'accord soit contresigné par les candidats ou les partis politiques. Voudront-ils s'engager sur des mesures impopulaires en pleine campagne électorale? De plus, le FMI ne débloque les fonds que par tranches, chacune étant conditionnée par le respect des accords. Le moins que l'on puisse dire, c'est que les négociations vont être serrées. L'argument de l'urgence doit donc être pesé avec précaution.

    Et l'Europe dans tout cela? Elle pourrait fournir un petit prêt d'urgence, plus symbolique qu'effectif, et elle participera au tour de table du FMI, dont les ressources sont limitées. Mais elle peut faire beaucoup plus sans bourse délier. La révolution a commencé lorsque Ianoukovitch a refusé l'accord d'association qu'il avait pourtant négocié. En partie sous la pression de Moscou, mais aussi parce que cet accord stipule que l'Ukraine adoptera les standards européens, y compris en matière de démocratie, de justice et de lutte anti-corruption. Il prévoit le jumelage des administrations ukrainiennes avec leurs consœurs de certains pays européens.


    Cet accord est toujours sur la table et les nouveaux dirigeants ukrainiens ne peuvent qu'y être favorables, du moins en théorie. En signant rapidement l'accord, l'Europe peut devenir le levier du changement, comme elle l'a été dans de nombreux pays d'Europe centrale et orientale après la fin de la guerre froide. C'est évidemment une entreprise de longue haleine, mais certains effets peuvent être rapides. Ce serait le cas d'accords de libre échange. Il pourrait conduire à une augmentation des exportations agricoles (mais que vont dire les agriculteurs européens?). Il permettrait le développement des investissements privés, source de revenus immédiats et de gains de productivité futurs.
    Comme lors de la révolution orange, le sort de la révolution Maidan pourrait être scellé très rapidement. Le mieux que l'Europe puisse faire n'est pas d'envoyer immédiatement beaucoup d'argent, mais de créer les conditions pour une normalisation d'un pays qui a beaucoup souffert de ses vieux démons et de ses élites corrompues

    le figaro
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