Messieurs,
En préambule, je tiens à préciser qu’à travers la présente lettre, j’interpelle les citoyens que vous êtes. D’où ce choix de ne pas écrire «Monsieur le président» ou «Monsieur le général». Je caresse, malgré vous, ce doux rêve qui m’amène à penser qu’en définitive, vous et moi serions des égaux, que vous et le peuple le seriez également. Malgré vous ! Par la seule force de l’écriture et le temps d’une missive.
«Messieurs», aussi, car j’espère par ailleurs qu’au-delà de vos statuts respectifs, vous continuez à vous déterminer à travers votre appartenance à ce pays qui, à l’évidence, semble passer bien après l’égotisme de l’un et le carriérisme de l’autre. Mais quoi qu’il en soit, «Messieurs», enfin, car quoi que pourraient en dire vos relais respectifs, vous êtes surtout, l’un et l’autre, illégitimes, appartenant à un système qui l’est tout autant.
Je vais me faire l’économie d’un retour en arrière et ne pas revenir ici sur l’histoire de ce pouvoir que vous incarnez depuis quinze ans pour l’un, près de vingt-cinq ans pour l’autre et que vous servez l’un et l’autre, avec d’autres, depuis plus d’un demi-siècle avec plus ou moins de réussite, puisque vous êtes arrivés, avec d’autres, à pérenniser l’illégitimité et à bafouer la démocratie. Car en vérité, la question essentielle est là : votre régime est illégitime et vous le savez. Vous n’ignorez pas que, dès 1962, l’armée des frontières, à laquelle vous avez l’un et l’autre appartenu, a confisqué illégalement le pouvoir en piétinant les principes contenus dans la Déclaration du 1er Novembre 1954, en méprisant le peuple, en l’infantilisant, en crachant sur la mémoire de ceux qui ont payé de leur vie pour l’indépendance de ce pays et en instaurant un système de gouvernance qui ne cesse de provoquer le délitement de la société algérienne et qui continue d’exacerber le régionalisme, les clivages et les marginalisations. Un système qui, nous le voyons tous, a atteint aujourd’hui ses limites.
Sauf à vouloir être de mauvaise foi, il vous sera difficile de nier, en effet, que ce système de gouvernance est aujourd’hui moribond mais, pis encore, par votre inconscience, par votre entêtement contre vents et marées à vouloir maintenir un mode de fonctionnement archaïque et antidémocratique, vous avez démoralisé les Algériens, démobilisé les élites, plus grave, vous avez réuni les conditions du chaos.
Vous n’êtes pas sans savoir que mis à part vos clientèles respectives – que vous entretenez en dilapidant l’argent public et en multipliant les passe-droits – la majorité des Algériens vous rejettent et tournent le dos à ce système inique basé sur le clientélisme et la corruption, devenus ses principaux piliers.
La plupart des Algériens vous rejettent non pas en tant que personne seulement, mais surtout en tant que principaux responsables du pays et de ses malheurs. Vous avez réussi à démobiliser tous les patriotes sincères et tous ceux qui, en 1992 par exemple, ou à d’autres moments de l’histoire récente, ont mis leur vie en danger pour la sauvegarde des principes de la République et des valeurs démocratiques. Oui ! Vous avez réussi à démoraliser, y compris des militaires qui ont mis leur vie en danger face au fanatisme abject, d’anciens fonctionnaires de haut niveau, des intellectuels et des journalistes qui ont préféré l’exil à cette vie indigne que vous proposez, des médecins, des universitaires qui, par votre faute, proposent leurs talents ailleurs. Mais aussi, vous avez réussi à démoraliser tout un peuple, soumis à votre politique d’abrutissement et d’infantilisation. Il n’y a qu’à voir que le rêve de beaucoup d’Algériens, des plus jeunes aux pères de famille, consiste à obtenir un visa pour l’étranger et partir.
Ceux que vous terrorisez par votre pouvoir machiavélique et même ceux que vous avez compromis et aliénés, de gré ou de force, veulent en effet quitter l’Algérie comme pour mieux vous laisser ce pays que vous vous êtes indûment accaparé. Le premier, vous M. Bouteflika, en confondant l’Algérie avec ces monarchies que vous avez toujours admirées et le second, vous M. Mediène, en confondant un service de renseignement avec ces partis politiques monolithiques qui veulent tout contrôler, y compris la conscience des citoyens.
Au lieu d’essayer de comprendre ce peuple et ses aspirations légitimes, vous avez choisi sinon le mépris, la diabolisation. Nous serions trop idiots pour comprendre les visées qui sont les vôtres. Tels des sujets vous nous traitez. Tel un troupeau vous nous considérez. Vous seriez les bergers qui décideraient de notre avenir, de celui de nos enfants et de nos petits-enfants et nous serions les exécutants dociles. Telle est votre logique. Nous serions, selon vous, inaptes à la citoyenneté !
C’est probablement la raison pour laquelle vous n’avez jamais daigné nous expliquer les contours de vos projets politiques et sociétaux (si vous en avez) sinon par cette langue de bois incompréhensible et ces mensonges répétés, langue maternelle du système qui vous a enfantés. Et, de plus, quelle belle trouvaille que d’affirmer, à travers vos relais respectifs, que chaque interpellation citoyenne serait tantôt l’œuvre d’une «main étrangère», tantôt l’expression d’un «complot ourdi contre l’Algérie». Comme si le citoyen algérien aurait, ipso facto, besoin d’une quelconque tutelle pour réfléchir et s’exprimer. Quel mépris !
Depuis la naissance de ma conscience politique, je n’ai pas vu d’autre «complot» que celui fomenté par votre système de gouvernance contre son propre peuple. Pour preuve : c’est votre système qui a rendu l’Algérien perméable aux fanatismes ; votre système de gouvernance a banalisé la corruption ; votre système de gouvernance a exacerbé le régionalisme ; votre système de gouvernance a encouragé l’injustice et instauré les inégalités sociales ; votre système de gouvernance a tué l’école algérienne, le savoir et l’intelligence ; votre système de gouvernance a massacré la médecine et transformé les hôpitaux algériens en mouroirs ; votre système de gouvernance a poussé les Algériens vers l’exil comme si leur pays était occupé par une puissance maléfique ; votre système de gouvernance a détruit l’agriculture et empêché l’édification de tout projet économique cohérent ; votre système de gouvernance a clochardisé la société ; votre système de gouvernance a laissé des bidonvilles, la misère et la violence s’installer autour des villes. A cause de votre système de gouvernance, Alger n’est plus Alger ; Oran n’est plus Oran ; Tlemcen n’est plus Tlemcen ; Annaba n’est plus Annaba ; Ghardaïa n’est plus Ghardaïa ; Constantine n’est plus Constantine. A cause de votre système de gouvernance, l’Algérie n’est plus l’Algérie. Et les Algériens ne sont plus rien ! Ou peut-être des zombies vivant clandestinement dans des pays qui ne veulent plus d’eux, des miséreux apatrides quémandant un «asile politique» ou une «carte de résidence», voire une autre «nationalité» aux quatre coins de la planète.
En préambule, je tiens à préciser qu’à travers la présente lettre, j’interpelle les citoyens que vous êtes. D’où ce choix de ne pas écrire «Monsieur le président» ou «Monsieur le général». Je caresse, malgré vous, ce doux rêve qui m’amène à penser qu’en définitive, vous et moi serions des égaux, que vous et le peuple le seriez également. Malgré vous ! Par la seule force de l’écriture et le temps d’une missive.
«Messieurs», aussi, car j’espère par ailleurs qu’au-delà de vos statuts respectifs, vous continuez à vous déterminer à travers votre appartenance à ce pays qui, à l’évidence, semble passer bien après l’égotisme de l’un et le carriérisme de l’autre. Mais quoi qu’il en soit, «Messieurs», enfin, car quoi que pourraient en dire vos relais respectifs, vous êtes surtout, l’un et l’autre, illégitimes, appartenant à un système qui l’est tout autant.
Je vais me faire l’économie d’un retour en arrière et ne pas revenir ici sur l’histoire de ce pouvoir que vous incarnez depuis quinze ans pour l’un, près de vingt-cinq ans pour l’autre et que vous servez l’un et l’autre, avec d’autres, depuis plus d’un demi-siècle avec plus ou moins de réussite, puisque vous êtes arrivés, avec d’autres, à pérenniser l’illégitimité et à bafouer la démocratie. Car en vérité, la question essentielle est là : votre régime est illégitime et vous le savez. Vous n’ignorez pas que, dès 1962, l’armée des frontières, à laquelle vous avez l’un et l’autre appartenu, a confisqué illégalement le pouvoir en piétinant les principes contenus dans la Déclaration du 1er Novembre 1954, en méprisant le peuple, en l’infantilisant, en crachant sur la mémoire de ceux qui ont payé de leur vie pour l’indépendance de ce pays et en instaurant un système de gouvernance qui ne cesse de provoquer le délitement de la société algérienne et qui continue d’exacerber le régionalisme, les clivages et les marginalisations. Un système qui, nous le voyons tous, a atteint aujourd’hui ses limites.
Sauf à vouloir être de mauvaise foi, il vous sera difficile de nier, en effet, que ce système de gouvernance est aujourd’hui moribond mais, pis encore, par votre inconscience, par votre entêtement contre vents et marées à vouloir maintenir un mode de fonctionnement archaïque et antidémocratique, vous avez démoralisé les Algériens, démobilisé les élites, plus grave, vous avez réuni les conditions du chaos.
Vous n’êtes pas sans savoir que mis à part vos clientèles respectives – que vous entretenez en dilapidant l’argent public et en multipliant les passe-droits – la majorité des Algériens vous rejettent et tournent le dos à ce système inique basé sur le clientélisme et la corruption, devenus ses principaux piliers.
La plupart des Algériens vous rejettent non pas en tant que personne seulement, mais surtout en tant que principaux responsables du pays et de ses malheurs. Vous avez réussi à démobiliser tous les patriotes sincères et tous ceux qui, en 1992 par exemple, ou à d’autres moments de l’histoire récente, ont mis leur vie en danger pour la sauvegarde des principes de la République et des valeurs démocratiques. Oui ! Vous avez réussi à démoraliser, y compris des militaires qui ont mis leur vie en danger face au fanatisme abject, d’anciens fonctionnaires de haut niveau, des intellectuels et des journalistes qui ont préféré l’exil à cette vie indigne que vous proposez, des médecins, des universitaires qui, par votre faute, proposent leurs talents ailleurs. Mais aussi, vous avez réussi à démoraliser tout un peuple, soumis à votre politique d’abrutissement et d’infantilisation. Il n’y a qu’à voir que le rêve de beaucoup d’Algériens, des plus jeunes aux pères de famille, consiste à obtenir un visa pour l’étranger et partir.
Ceux que vous terrorisez par votre pouvoir machiavélique et même ceux que vous avez compromis et aliénés, de gré ou de force, veulent en effet quitter l’Algérie comme pour mieux vous laisser ce pays que vous vous êtes indûment accaparé. Le premier, vous M. Bouteflika, en confondant l’Algérie avec ces monarchies que vous avez toujours admirées et le second, vous M. Mediène, en confondant un service de renseignement avec ces partis politiques monolithiques qui veulent tout contrôler, y compris la conscience des citoyens.
Au lieu d’essayer de comprendre ce peuple et ses aspirations légitimes, vous avez choisi sinon le mépris, la diabolisation. Nous serions trop idiots pour comprendre les visées qui sont les vôtres. Tels des sujets vous nous traitez. Tel un troupeau vous nous considérez. Vous seriez les bergers qui décideraient de notre avenir, de celui de nos enfants et de nos petits-enfants et nous serions les exécutants dociles. Telle est votre logique. Nous serions, selon vous, inaptes à la citoyenneté !
C’est probablement la raison pour laquelle vous n’avez jamais daigné nous expliquer les contours de vos projets politiques et sociétaux (si vous en avez) sinon par cette langue de bois incompréhensible et ces mensonges répétés, langue maternelle du système qui vous a enfantés. Et, de plus, quelle belle trouvaille que d’affirmer, à travers vos relais respectifs, que chaque interpellation citoyenne serait tantôt l’œuvre d’une «main étrangère», tantôt l’expression d’un «complot ourdi contre l’Algérie». Comme si le citoyen algérien aurait, ipso facto, besoin d’une quelconque tutelle pour réfléchir et s’exprimer. Quel mépris !
Depuis la naissance de ma conscience politique, je n’ai pas vu d’autre «complot» que celui fomenté par votre système de gouvernance contre son propre peuple. Pour preuve : c’est votre système qui a rendu l’Algérien perméable aux fanatismes ; votre système de gouvernance a banalisé la corruption ; votre système de gouvernance a exacerbé le régionalisme ; votre système de gouvernance a encouragé l’injustice et instauré les inégalités sociales ; votre système de gouvernance a tué l’école algérienne, le savoir et l’intelligence ; votre système de gouvernance a massacré la médecine et transformé les hôpitaux algériens en mouroirs ; votre système de gouvernance a poussé les Algériens vers l’exil comme si leur pays était occupé par une puissance maléfique ; votre système de gouvernance a détruit l’agriculture et empêché l’édification de tout projet économique cohérent ; votre système de gouvernance a clochardisé la société ; votre système de gouvernance a laissé des bidonvilles, la misère et la violence s’installer autour des villes. A cause de votre système de gouvernance, Alger n’est plus Alger ; Oran n’est plus Oran ; Tlemcen n’est plus Tlemcen ; Annaba n’est plus Annaba ; Ghardaïa n’est plus Ghardaïa ; Constantine n’est plus Constantine. A cause de votre système de gouvernance, l’Algérie n’est plus l’Algérie. Et les Algériens ne sont plus rien ! Ou peut-être des zombies vivant clandestinement dans des pays qui ne veulent plus d’eux, des miséreux apatrides quémandant un «asile politique» ou une «carte de résidence», voire une autre «nationalité» aux quatre coins de la planète.
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